Quand nous sommes arrivés à 4 heures du matin au terrain industriel de Ninove, une cinquantaine de travailleurs grévistes se trouvaient déjà à Nederwijk-Oost, une des deux entrées du terrain. L’atmosphère était bon enfant. Chacun essayait de se réchauffer aussi bien que possible aux deux barils remplis de bois brûlant. Il ne s’est presque pas présenté de travailleurs volontaires, de temps à autre des voitures passaient en klaxonnant le long du ring pour manifester leur soutien au piquet.
On percevait même beaucoup de compréhension pour les actions chez les agents de police présents. « Nous aussi nous allons devoir travailler plus longtemps ». Se référant à la manifestation du 6 novembre, l’un d’entre eux laissa même savoir qu’à l’égard d’un gouvernement aussi sourd-muet ; il est parfois nécessaire de montrer que tu parles sérieusement, « autrement tu n’arrives tout de même pas dans la presse et ils te marchent dessus sans faire attention ».
C’était aussi émouvant de voir comment un ouvrier gréviste avait amené son fils de 12 ans au piquet pour la première fois : « aujourd’hui, tu ne dois pas aller à l’école, gamin, aujourd’hui nous allons apprendre quelque chose de plus important, nous allons apprendre comment nous nous battons pour nos droits ».
Une centaine de mètres plus loin, dans l’avenue Astrid, un deuxième piquet de grève se tenait près de la deuxième entrée, où il y avait encore une fois une cinquantaine de travailleurs grévistes présents, ce qui faisait au total une centaine de travailleur.se.s grévistes aux piquets. Une atmosphère un peu plus festive régnait là, vu la présence d’un discobar et d’une installation de bière à pression. Tout comme à Alost, le carnaval fait manifestement partie de la culture populaire locale tout au long de l’année.
Sur le terrain industriel se trouvent un nombre de grandes entreprises, dont le centre de distribution de Delhaize, Refresco NV et Megaton NV. Megaton NV est une des 22 entreprises qui font partie de Willy Naessens Group, l’empire du propriétaire éponyme qui est spécialisé dans la construction industrielle et la construction de piscines et brasse un volume d’affaires annuel d’à peine 325 millions d’euros, s’il vous plaît.
Pour les travailleurs de Delhaize, qui a fait l’année dernière un chiffre d’affaires de 21,1 milliards d’euros et un bénéfice net de 179 millions d’euros, vient en plus des économies proposées par le gouvernement l’incertitude des conséquences de la restructuration que l’entreprise veut réaliser momentanément. Les travailleurs de Delhaize ont déjà mené plusieurs fois des grèves spontanées à la suite de la dureté de la direction dans les négociations.
Un militant ACV-CSC de Delhaize qui était au piquet dit qu’il n’est pas exclu que pour la grève générale du 15 décembre le travail soit de nouveau arrêté à Ninove : « après avoir promis de ne pas appliquer de réduction de salaire et de démantèlement des primes paritaires à condition que les syndicats soient prêts à parler de 10 autres points de leurs plans, la direction a tout à coup viré de bord la semaine passée et a fait savoir que cela se retrouve de nouveau dans la discussion. Et à la place de 10 points, ils veulent maintenant négocier 17 points. Sont-ils tout à fait tombés sur la tête, ceux-là ? Pendant combien de temps devons-nous encore encaisser ça, dis ? Bientôt nous n’aurons même plus d’argent pour acheter du papier WC pour nous essuyer le derrière ».
Les militants ACV étaient manifestement la majorité au piquet. Un d’entre eux a bien fait savoir que cela faisait depuis 1990 qu’ils n’avaient plus participé à un piquet. D’après un militant de l’ABVV-FGTB, de son côté cela ne faisait pas si longtemps, et les militants ABVV étaient en train d’économiser momentanément un peu leurs forces, vu que maintenant, pour la première fois depuis longtemps ; on sent aussi à l’ACV le retour d’une grands détermination à faire grève.
Un photoreportage (photos de David Baele)