L’agence fédérale pour l’emploi (Arbeitsagentur) le confirme en donnant les chiffres: Les grèves dans le cadre des négociations de nouvelles conventions collectives montrent une nette tendance à la hausse. En 2011 il y avait 14.259 salariés en grève, en 2012 35.702, ce qui est plus que le double. En 2012, les grèves coûtaient 97.197 journées de travail aux patrons, ce qui est plus que 30% de plus qu’en 2011. Et cette courbe ascendante semble se confirmer en 2013 avec les actions de la IG Metall, qui demande 5,5% en matière salariale, et de Ver.di, le grand syndicat des services, avec des revendications semblables. Dans les deux secteurs, il y a une vague des grèves d’avertissement.
Le patronat, lui, jusqu’à nouvel ordre, reste sur une position dure, et donc on ne peut pas prédire quand ces conflits sociaux trouveront leur fin avec les « solutions compromis » qui sont la tradition en Allemagne. En même temps, le patronat se plaint du taux élevé des grèves ultra-courtes (moins qu’une journée de travail ou seulement une journée de travail), le genre d’actions typiques pour les grèves d’avertissement et pour des petits secteurs ou à faible concentration de salariés comme les employés dans l’aviation.
En vérité, les chiffres montrent que la tendance ascendante des grèves traduit plutôt une faiblesse des syndicats et du salariat, qui est loin d’être vaincue. En 2006, la grève dans les services publics impliquait 250.000 journées de travail, et en 1984, dans le cadre de la champagne de la IG Metall et de la DruPa (à l’époque, le syndicat des imprimeurs, intégré plus tard dans la IG Medien), il y avait 6 millions de journées de travail arrachées au patronat!
Si l’on ajoute le fait que les syndicats du DGB, qui avaient presque 12 millions de membres en 1990 (après la fusion avec les syndicats de la défunte RDA), n’en ont plus que 6 millions aujourd’hui, on peut douter de la sagesse de la stratégie et de l’orientation du “partenariat social” des directions syndicales, qui, depuis de longues années, parlent d’une tactique des “piqûres d’aiguilles” (“Nadelstiche”) qui veut obtenir le maximum avec un minimum d’action.
Le problème, c’est que les syndicats s’affaiblissent eux-mêmes avec des générations entières de syndiqués et de salariés qui n’ont jamais de leur vie participé à un vrai mouvement de grève impliquant une action autonome et une auto-organisation des grévistes pendant plusieurs semaines. Cela signifie un manque d’expérience quant aux techniques du combat qui se paie cher.
S’ajoute à cela le “chacun pour soi” et la capitulation des directions syndicales devant la législation réactionnaire allemande interdisant les “grèves politiques”.
Néanmoins seul un mouvement de grève intersectorielle massif pourrait changer les rapports de force de manière décisive.
* Manuel Kellner est membre de la IG Metall, du parti DIE LINKE et de la isl (gauche socialiste internationale), qui est une organisation de la IVème Internationale en Allemagne