Née il y a tout juste cent ans ce mois d’avril, Billie Holiday était une des plus grandes chanteuses de jazz. Victime du racisme mais aussi rebelle, par son talent et par sa vie, elle a marqué son époque et nous parle encore aujourd’hui.
Billie Holiday a à peine 18 ans lorsqu’un producteur de Columbia la découvre dans un des clubs de Harlem où elle chante pour des pourboires. Pendant plus de 20 ans, elle chantera avec tous les grands musiciens.
Étrange fruit
Reconnue comme immense chanteuse, sa renommée est due aussi à un morceau en particulier, Strange Fruit, qui évoque l’horreur des lynchages de Noirs dans le Sud des États-Unis. Une des chansons les plus puissantes sur le racisme, que l’interprétation de Billie Holiday rend encore plus émouvante.
Les arbres du Sud portent un étrange fruit,
Du sang sur les feuilles et du sang aux racines,
Un corps noir qui se balance dans la brise du Sud,
Étrange fruit suspendu aux peupliers.
La première strophe, même en français, en donne une idée mais écoutez l’original !
Entre 1890 et 1939 quand Billie l’a chantée pour la première fois, il y a eu presque 4 000 lynchages ! Strange Fruit fut écrit par Abel Meeropol, un membre du PC américain, un parti très implanté à Harlem grâce à son travail antiraciste. Billie Holiday n’était pas elle-même quelqu’un de « politique » mais comme le disait un de ses biographes, Donald Clarke, « Être noire aux USA c’est comme porter des chaussures trop serrées. Que tu sois militant ou que tu fasses profil bas, tu as mal aux pieds. Mais Billie ne faisait pas profil bas. Elle vivait “Black is beautiful”, avant que ce ne soit à la mode. »
La défiance
Quand Billie naît, sa mère n’a que 15 ans et son père qui ne reste pas, n’en a que 17. Placée dans des maisons de redressement, violée à l’âge de 11 ans, Billie finit par s’en sortir grâce au chant. Néanmoins, même plus tard quand elle sera riche et célèbre, elle n’échappera pas au racisme. Au sommet de sa gloire, une tournée dans le Sud avec un grand orchestre blanc sera écourtée, car elle ne peut ni réserver une chambre à l’hôtel ni manger dans un restaurant avec les musiciens de l’orchestre…
Longtemps présentée comme une « simple chanteuse de variété », Billie Holiday était en fait très consciente du contenu et de l’effet de ce qu’elle chantait. « Strange Fruit permettait de faire le tri entre les gens bien et les crétins », dit-elle dans son autobiographie. Puis, lors de la montée du maccarthysme et la chasse aux « rouges », contrairement à d’autres chanteurs qui l’ont retirée de leur répertoire, Billie continuait à la chanter.
Cette défiance par rapport à ce que pouvaient penser les gens, elle la montrait aussi dans sa vie personnelle. Elle a eu de nombreux amants, mais elle assumait aussi le fait d’avoir eu de nombreuses amantes.
Une vie trop courte
La fin de sa vie sera aussi chaotique que ses débuts. Alcool, héroïne et cocaïne finiront par détruire son corps et l’amèneront à un séjour en prison. L’État ne lui pardonne pas « l’impudence » d’une Noire qui bafoue les règles de la bonne moralité. Suite à sa condamnation pour consommation de drogues on lui interdira de chanter dans les clubs de New York et le harcèlement continuera jusqu’à son lit d’hôpital où la police attendit qu’elle sorte du coma pour l’arrêter à nouveau. Elle ne se réveillera pas, le corps la lâcha enfin, et elle décéda à l’âge de 44 ans seulement.
Si Billie Holiday n’est plus là en chair et en os, il reste ses chansons qui ont inspiré et ému des millions de personnes. Elles continueront certainement très longtemps encore à le faire.
Source : NPA