La salle du 1er étage de la FGTB liégeoise était bien remplie, le mercredi 25 mars, avec des prépensionné-e-s et pensionné-e-s, mais aussi des délégués du privé et du public. Le thème de la conférence : la réforme des pensions avec un orateur qui sait de quoi il parle : Jean-François Tamellini, secrétaire fédéral de la FGTB.
Cette réforme va tuer les travailleurs
« Ce gouvernement va faire sauter, les uns après les autres, nos acquis, nos droits conquis par la lutte. Cette réforme des pensions va tuer les travailleurs ».
J-F Tamellini commence par la mesure phare de la réforme des pensions : le recul de l’âge légal de la retraite à 66 ans en 2025 et 67 ans en 2030. L’année 2025, ce n’est pas si loin ! Ce ne sont pas seulement les jeunes qui sont concernés, mais déjà les travailleur-euse-s qui ont aujourd’hui la cinquantaine !
Il n’y a pas que le recul de l’âge de la pension : « Le système à points est l’élément le plus pervers de cette réforme », souligne le secrétaire fédéral. Tout le monde accumulera des points pendant sa carrière. La valeur du point sera fonction du revenu moyen dans le secteur concerné au moment où on prendra sa pension. Plus question de calcul de la pension base sur les derniers salaires prestés ! Le nombre de points accumulés sera fonction de l’intensité du travail fourni. On parle aussi de « correcteur démographique » : moins de points pour chacun, si le nombre de pensionnés augmente sensiblement. Un « correcteur économique » : un budget en déficit (une dette publique trop lourde par exemple!) pourrait être prétexte à moins de points !
Ce n’est pas tout : l’accord gouvernemental prévoit aussi l’harmonisation des trois régimes de pension (salariés, fonctionnaires, indépendants). Une harmonisation par le bas, bien évidemment ! Le coup classique pour diviser les travailleurs, souligne J-F Tamellini, « c’est de pointer du doigt les fonctionnaires statutaires du secteur public comme des privilégiés, avec des pensions confortables ». La moyenne des pensions dans le public est certes plus élevée que dans le privé (dans le privé, la pension moyenne d’un salarié –taux isolé- tourne autour de 830 euros, bien en-dessous du seuil de pauvreté !). « Mais, durant leur carrière, les travailleurs des services publics ne bénéficient pas d’un 13ème mois, ni de pension complémentaire ». Harmonisation par le bas : non ; par le haut : oui !
Toute cette opération, résume l’orateur, c’est d’appauvrir encore plus les couches les plus fragilisées de la population, d’obliger les pensionnés à travailler plus longtemps pour gagner moins, de créer la panique sur le financement à long terme des pensions et ainsi pousser à la pension complémentaire par le système de capitalisation (l’épargne individuelle auprès d’un organisme financier, d’un fonds de pension privé).
Et puis, le gouvernement n’attend pas 2025 ou 2030 pour poursuivre le démantèlement de la sécurité sociale : disponibilité et l’activation des prépensionnés sur le marché de l’emploi (y compris les malades et les invalides !), non assimilation, pour le calcul de la pension, de périodes d’interruption de carrière, de crédits temps, etc.
Opération Vérité
« Face à l’intoxication, aux mensonges, il est grand temps d’amplifier, dans nos organisations syndicales, de haut en bas, l’opération vérité. Nous en avons les outils. Et c’est un élément essentiel pour construire un rapport de force en notre faveur ».
J-F Tamellini s’est livré à cet exercice devant l’assemblée. Un exemple à propos du recul de la pension légale et son financement !
L’espérance de vie augmente, alors les gens peuvent bien travailler plus longtemps, nous assènent le patronat et le gouvernement. « Des enquêtes récentes montrent une tendance au ralentissement de cette espérance de vie. Les accidents de travail se multiplient chez les travailleurs qui ont dépassé la cinquantaine ; les maladies chez les plus de 60 ans. Et les économies supplémentaires réalisées par ce gouvernement dans la sécurité sociale, les soins de santé, etc. (5 milliards d’économies !) auront un impact sur l’espérance de vie ».
Deuxième exemple d’intox : il y aura de moins en moins d’actifs pour financer les pensions par répartition. Il faut bien alors travailler plus longtemps !
Mais de quoi parle-t-on ? Sur ces 30 dernières années, le PIB (le produit intérieur brut-ensemble des richesses produites chaque année) a doublé dans le pays. La productivité au travail a augmenté de 50%. Il faut quasiment deux fois moins de temps (et moins de travailleurs) pour produire la même chose en une heure. Par contre, la part des profits distribués sous forme de dividendes peut être multipliée par trois. Le 17 mars, la une de l’Echo était barrée du titre suivant : « les actionnaires du Bel 20 vont recevoir 11 milliards de dividendes ; c’est une hausse de 11% en un an ! . « Avec une autre répartition des richesses, souligne le secrétaire fédéral, pas de problème pour financer les pensions ».
La mascarade de la concertation
« Ah, la concertation sociale ! On retrouve ce mot 127 fois dans l’accord gouvernemental», signale J-F Tamellini .
« Le ministre des pensions, Daniel Bacquelaine, a annoncé la création d’un Comité national des pensions paritaire, avec le même nombre de représentants du gouvernement, du patronat et des syndicats (le Conseil des ministres a ratifié le projet), assisté d’un Conseil scientifique et d’un Conseil académique. La totale, quoi ! « Mais à quoi ça rime : la pension à 67 ans, c’est décidé, c’est dans l’accord gouvernemental ».
Saluons la franchise du ministre des pensions. Interrogé par un journaliste qui lui demande « quelle marge de manoeuvre aura le Conseil national des pensions ? Pourra-t-il modifier le départ à 66 ans en 2025 et 67 ans en 2030 » ? Bacquelaine répond : « Non, ça c’est coulé dans l’accord de gouvernement ». (La Meuse du 27mars 2015).
Comme pour les prépensions, le saut d’index, la réforme des pensions va passer au pas de charge à la Chambre des représentants, via un petit détour par les commissions parlementaires, suite à la mascarade de la concertation, une belle manœuvre pour désamorcer et casser la dynamique d’unité et de mobilisation syndicale.
Michel 1er : dégage !
« En décembre, le patronat avait un genou à terre et le gouvernement n’en menait pas large ; on aurait du continuer », reconnait J-F Tamellini.
Dans le Bulletin de la CNE (janvier-mars 2015), Felipe van Keirsbilk écrit : « Après le 15 décembre, la CSC et la FGTB ont décidé, suite aux débats de leurs instances syndicales, de laisser une longue pause pour commencer à négocier sur un ordre du jour déterminé par le gouvernement. La CNE, comme d’autres probablement, a constamment maintenu la position que ce choix était dangereux et constituait une lourde erreur sur deux plans : (…) il fallait, dès décembre, indiquer les dates des actions suivantes comme une menace, si la négociation ne se passait pas bien ; la stratégie de saucissonnage du gouvernement, qui a demandé de négocier exclusivement sur quelques dossiers, devait être contrée… ».
Chez les militant-e-s, le mécontentement le dispute au désarroi. Se démobiliser serait la pire des choses à faire. Mais, écrit le secrétaire général de la CNE, « le rassemblement syndical en front commun du 11 mars a sonné l’heure de la re-mobilisation. Nous serons nombreux à la grande parade contre l’austérité du 29 mars (elle a réuni près de 20 000 personnes). Et les journées provinciales d’action des 31 mars et 1er avril sont la marche suivante de l’escalier que nous sommes en train de remonter ».
Sur le site de la LCR (www.lcr-lagauche.org), nous écrivons : « Retrouver la dynamique de l’automne n’est possible que si un courant syndical de gauche coordonne son action et secoue les appareils, à tous les niveaux des organisations, en passant au-dessus des barrières entre régions, syndicats et centrales, et en nouant des liens avec les autres mouvements sociaux » (voir article « Non, camarades Goblet, mille fois non », DF. Tanuro, 26/3/2015).
Le jeudi 26 mars, des délégués FGTB de différentes centrales de la région verviétoise tenaient une conférence de de presse : « Il est temps de passer à la vitesse supérieure en réclamant la grève générale ». En même temps, dans une dizaine d’entreprise de la région, des arrêts de travail se produisaient avec information des travailleurs.
Le même jour, en région liégeoise, à l’appel de la Centrale des Métallos FGTB, des débrayages avaient cours avec le blocage d’autoroutes. De bonne augure en préparation de la journée syndicale d’action, en front commun, du 1er avril en province de Liège !
Au premier étage de la FGTB liégeoise, le 25 mars, J-F Tamellini terminait son intervention sur l’urgence liée à la réactivation de la mobilisation syndicale et sociale, en concluant : « Il faut faire sauter ce gouvernement, sinon on va tout perdre ».
Dans son Edito (Syndicats FGTB, 27/3/2015), dénonçant la politique du gouvernement, catastrophique sur le plan social et stupide sur le plan économique, Nico Cué, Secrétaire général de la Centrale des Métallos FGTB Wallonie-Bruxelles, écrit : « Si le gouvernement Michel ne peut pas comprendre cette réalité simple, soit par incompétence, soit par aveuglement idéologique, il n’y a qu’un message à lui adresser : « Dégage ! ».