Jordan a 34 ans, il est accompagnateur de train à la SNCB depuis 12 ans. Son job, il l’adore et il aime rappeler que la SNCB est l’une des dernières sociétés nationales en Belgique et qu’il est important de sauvegarder ce service public. Vice président à la régionale de Bruxelles de la CGSP Cheminots, il est également délégué CPPT (Comité pour la Prévention et la Protection au Travail).
JAC : Pourquoi t’es tu syndiqué ?
Jordan : Je raconte souvent l’histoire à mes affilié.e.s. Un jour je suis arrivé au travail. Je me suis présenté à l’administration pour prendre ma fiche de travail qui détermine mon programme de la journée. On me l’a donnée mais j’avais remarqué qu’il y avait beaucoup de monde qui restait au dépôt. Je me suis renseigné pour savoir ce qu’il se passait et on m’a répondu : « Oh ben y’a grève hein ! » Je me suis étonné « Tu me donnes ma fiche alors qu’il y a grève ? » Je n’avais aucune information au sujet de cette action et l’administration ne m’en donnait pas non plus. J’ai rendu ma fiche et j’ai dis que je ne travaillerais pas. Je me suis dis que, sans ce monde au dépôt, je n’aurais jamais été au courant de la grève et j’aurais été travailler normalement. Mon père qui était poseur de voie (et également délégué syndical) m’a renseigné et j’ai décidé de devenir délégué à l’âge de 26 ans. J’ai très vite compris que même en étant jeune, je pouvais prendre cette responsabilité et que c’était la meilleure manière pour moi d’en apprendre plus en allant notamment aux formations syndicales et aussi dans le travail quotidien avec les affilié.e.s parce qu’en tant que délégué, je devenais la personne de référence qui devait répondre aux attentes des travailleu.r.se.s.
JAC : En quoi consiste ton mandat de délégué ?
Jordan : En théorie, le travail d’un délégué CPPT c’est siéger tous les mois pour tout ce qui concerne la protection au travail. Mais pour moi, avant d’être délégué, je me considère comme un militant. Je ne m’arrête pas à la théorie. Il y a tout un travail qui doit être fait à la base, avec les affilié.e.s, pour relayer au mieux leurs revendications, les faire participer à l’argumentation et la défense de leur problème pour impliquer au maximum les travailleu.r.se.s et arriver en force lorsque je siège au CPPT.
JAC : Pourquoi avez-vous pris la décision de faire grève ces 6 et 7 janvier ?
Jordan : Il y a plusieurs mesures qui sont annoncées pour la SNCB : Des mesures d’économie (d’austérité), diminution de la dotation d’Etat, augmentation de la productivité, diminution de l’emploi, attaques contre nos statuts, attaques contre le droit de grève avec notamment le service minimum, … Je ne serai pas trop technique mais c’est une attaque historique contre le service public. Ce gouvernement de droite me fait penser au gouvernement de Thatcher en Angleterre. Ils/Elles veulent s’attaquer à la SCNB car nous sommes l’une des dernières entreprises nationales.
Je pense que cette grève concerne aussi les jeunes. Nous sommes en train de perdre tout ce que nos aïeux ont conquis. Ils/Elles se sont battu.e.s non seulement pour que nous ayons des conditions de travail convenables mais aussi pour un vrai service public sécurisé à des prix abordables pour tou.te.s !
JAC : Que penses-tu de la couverture médiatique qui est faite autour des grèves ?
Jordan : Lorsqu’on prépare une grève nous travaillons et mettons également beaucoup d’énergie sur l’information, notamment avec la distribution de tracts dans les gares. Quand je lis et regarde les grands médias lorsqu’ils parlent des grèves, je suis scandalisé. Lors de la dernière action, j’ai du faire 4 ou 5 interviews pour des médias différents. Pas un seul mot, pas une seule de nos revendications n’a été reprise ou mise en avant. La seule chose qui les intéressait, c’était de faire du sensationnalisme en parlant de « sabotage du rail ». Le message syndical, qui est avant tout le message des travailleu.r.se.s est passé à la trappe ! Parfois je me dis qu’il faudrait arrêter de jouer le jeu de ces médias de masse qui détournent nos informations pour que ça aille dans leur sens. Nous devrions utiliser nos médias un peu comme vous (les JAC) le faites ou Indymedia, ZinTV, … et je pense que le syndicat devrait le faire plus également. Nous en sommes capables.
JAC : Toujours, lors des grèves, les médias de masse nous montrent uniquement des gens qui se plaignent des retards réguliers et des grèves. Tu leur réponds quoi ?
Jordan : Nous, en tant que travailleu.r.se.s de la SNCB, nous travaillons quotidiennement pour que les gens puissent se déplacer dans les meilleures conditions possibles. Pour répondre à ces personnes j’ai un exemple : quand je vois que le gouvernement va diminuer la dotation d’Etat à la SCNB alors qu’il y a des déductions fiscales pour les voitures de sociétés il y a un problème de priorité. Ces retards sont dûs surtout à un problème de moyens financiers et donc de volonté politique. En tant qu’accompagnateur de train je le vois tous les jours. Il y a des dirigeant.e.s et des consultant.e.s externes qui sont payés des sommes énormes pour faire n’importe quoi des chemins de fer, les désorganiser, supprimer des trains, des gares, …
En fait nous sommes en « service minimum » tous les jours ! C’est aussi contre ça que nous faisons grève. Les usagers devraient être solidaires de notre action car cela les concerne également.
JAC : Il y a une initiative « Ma portière t’est ouverte » qui a été prise par plusieurs travailleu.r.se.s de la SNCB. Cette page facebook, organise pour les étudiant.e.s du covoiturage pour se rendre à leurs examens. Peux tu nous en dire plus ?
Jordan : Je suis l’un des gestionnaires de la plateforme, C’est une initiative citoyenne qui a aussi pour but de démontrer que les personnes syndiquées sont des travailleur.se.s comme tout le monde mais aussi ouvertes à la discussion. Nous faisons grève mais pas de gaieté de coeur. Surtout que nous perdons de l’argent pour chaque jour de grève. Mais nous sommes face à un mur, face à des personnes qui veulent faire passer des mesures en force au mépris des citoyen.ne.s, des voyageu.r.se.s, des travailleu.r.se.s et du service public. Nous sommes donc en quelque sorte forcés d’en arriver à ce type d’actions. Notre but n’est en aucun cas de viser les usagers, c’est pourquoi nous avons pris cette initiative pour aider les étudiant.e.s dans la difficulté.
JAC : Comment peut-on soutenir vos actions ?
Jordan : Il y a plusieurs manières de nous soutenir. Je pense qu’il faut tout d’abord s’informer et notamment sur les réseaux sociaux avec notre page facebook « Parole de Cheminots ».
Je pense qu’il est important que les usagers puissent nous rencontrer également pour discuter dans les piquets de grève, dans les trains avec les accompagnateurs, avec les personnes qui travaillent aux guichets, … Et surtout ne pas se contenter de ce que disent les grands médias !
Source : Anticapitalisme.be