Après 12 années de crises et de tensions autour du programme nucléaire de la République islamique d’Iran, les États-Unis et les grandes puissances ont signé un accord tout autant historique que prévisible avec la « mollahrchie ».
L’accord de Lausanne devra être confirmé d’ici le 30 juin prochain dans le cadre de négociations autour des annexes techniques. Historique il l’est, car il aura fallu plus de 36 ans pour que l’administration étatsunienne cherche à intégrer la République islamique d’Iran à son dispositif.
Condamnés à s’entendre…
Depuis la révolution de 1979, l’impérialisme étatsunien s’était évertué à isoler le régime théocratique de Téhéran, ce qui a bénéficié à la théocratie saoudienne et aux monarchies du Golfe. Contrairement à ce qu’une certaine gauche a véhiculé durant toutes ces années, la République islamique d’Iran n’a jamais voulu rompre avec les grandes puissances et encore moins tenir un positionnement anti-impérialiste. Ce sont les grandes puissances occidentales qui n’ont jamais accepté le renversement du Shah et ont mis au ban de la « communauté internationale » la « mollahrchie ».
La dictature de Téhéran doit son changement de statut au chaos régional, conséquence des interventions impérialistes qui ont déstabilisé la région, de l’offensive néolibérale des dernières décennies, de la corruption des élites dirigeantes, du caractère dictatorial des États de la région et des soulèvements populaires au Maghreb et au Moyen-Orient.
Cet accord était prévisible car le processus de rapprochement entre Téhéran et Washington a débuté en 2001 en Afghanistan, puis en Irak où les deux États se sont trouvés des intérêts communs. La décomposition des États irakien et yéménite, la perte de contrôle du régime d’Assad sur une grande partie du territoire syrien, et la montée en puissance de Daesh ont accéléré les dynamiques de la crise régionale.
Dans ce contexte, la « mollahrchie » fait figure de puissance montante et la Maison Blanche procède à un rééquilibrage de ces alliances. La République islamique d’Iran porte à bout de bras le régime sanguinaire d’Assad, intervient ouvertement en Irak contre l’État islamique et ce avec la bénédiction de Washington, pèse sur la situation yéménite, soutient les minorités chiites du Golfe et influence le jeu politique afghan.
Le compromis entre la « mollahrchie » et l’impérialisme étatsunien est bien une volonté commune aux deux États. D’ailleurs, les négociations avec la Maison Blanche ont débuté dans le plus grand secret quelques mois avant l’accession à la présidence de Hassan Rohani. Or, cela ne pouvait se faire sans l’aval du Guide Khameneï et de la direction des Gardiens de la Révolution. Ni les fortes réticences émises par la France qui, par la voix de Laurent Fabius, s’est faite l’avocat des intérêts de Riyad et de Tel Aviv, ni le discours de Netanyahou devant le Congrès étatsunien, ni l’opération militaire saoudienne au Yémen n’ont empêché Washington et Téhéran d’aboutir à l’accord de Lausane.
… dans un chaos régional
Le contexte régional chaotique qui met en difficulté la Maison Blanche et la situation sociale et économique catastrophique en Iran ont été plus forts. La corruption au plus haut sommet de la « mollahrchie » et le caractère dictatorial de celle-ci, combinés aux sanctions internationales et à la chute vertigineuse des prix du pétrole ont accentué le fossé entre la population et le régime.
Khameneï et Rohani veulent obtenir la levée des sanctions pour regagner des marges de redistribution clientéliste et redonner de l’air au régime. Ils veulent d’autre part ouvrir l’économie aux multinationales friandes d’accéder au marché iranien.
Pour Washington, le chaos régional et l’échec de toutes ses interventions impérialistes passées poussent à un « rééquilibrage » des alliances. Cela soulève l’ire de l’État d’Israël et de la monarchie saoudienne dont le soutien aux divers courants réactionnaires de l’islam politique a contribué à favoriser les guerres et la montée de Daesh. Comme en témoigne l’intervention militaire saoudienne et de ses alliés au Yémen, Riyad et Téhéran se livrent une guerre indirecte et par forces interposées.
De plus en plus chaude, cette confrontation régionale accroît les logiques d’affrontements inter-religieux alors que ce sont bien des intérêts capitalistiques et d’États qui se cachent derrière. Bien entendu, les formes que prennent ces affrontements et leurs violences sectaires s’enracinent dans les réalités politiques, sociales et économiques délabrées de la région. Elle s’appuie sur le vide laissé par les défaites des mouvements nationalistes arabes et de la gauche révolutionnaire.
Au Moyen-Orient comme dans tout le monde arabe, les peuples s’affrontent aux forces contre-révolutionnaires que sont les États, les courants de l’islam politique et les puissances impérialistes. La situation exige la réactivation à l’échelle internationale d’un camp anti-impérialiste, socialiste et laïque, développant une solidarité concrète avec les forces progressistes en lutte contre les barbaries, pour la démocratie et la justice sociale.
Source : NPA