Au pays de la Guiness, une mobilisation populaire grandit face à la décision du gouvernement de rendre l’eau du robinet payante. Décision imposée par le FMI et la troïka, la mobilisation élargit ses revendications, contre l’austérité et le gouvernement.
Ce 21 mars, ils étaient plus de 80 000 personnes dans les rues de Dublin à dire non à la fin de la gratuité de l’eau. L’Irlande était le dernier pays de l’Union européenne à faire exception en matière de service public de l’eau. En effet, cette dernière était gratuite suite à une mobilisation au milieu des années 90, avec boycott des factures dans quelques villes d’Irlande, obligeant le gouvernement d’alors à graver dans le marbre la gratuité par une loi de 1997. Jusqu’à aujourd’hui, l’eau était donc payée par l’impôt.
Mais la crise de 2008 est arrivée et les plans de sauvetage des banques irlandaises (30 milliards d’euros) amenèrent comme partout en Europe leur lot de mesures d’austérité. Seul pays à ne pas faire payer l’eau aux usagers, dans une Europe dominée par les marchands d’eau comme Veolia et Ondeo (Suez), la soif des capitalistes ne pouvait se satisfaire de cette situation.
Malgré la fin du marasme économique, puisque l’Irlande renoue avec la croissance, une des plus fortes d’Europe, cette mesure arrive après le déluge. En effet, les Irlandais ne voient pas les retombées de cette croissance, le chômage dépassant toujours les 10 %. Les mesures austéritaires ont été des plus douloureuses : les banques ont récupéré 64 milliards d’euros d’aides publiques en 2008 (30 % du PIB, 15 000 euros par Irlandais), baisse de 10 % du salaire minimum, de 20 % du salaire des fonctionnaires, hausse de la TVA et des taxes indirectes (alcool, tabac, électricité), coupes de 25 % du budget des services publics, augmentation du temps de travail, de 35 à 37,5 heures dans le public…
Une mobilisation historique
La coupe était donc bien pleine. Le paiement de l’eau devrait coûter 280 euros minimum par foyer (de 4 personnes), la mesure prévoyant la gratuité des 30 000 premiers litres d’eau. Les premières factures doivent arriver ce mois d’avril et, depuis septembre, la mobilisation ne faiblit pas : ce sont des centaines de milliers de personnes qui se mobilisent chaque mois, cela dans un pays de 4,5 millions d’habitantEs…
L’argument donné par le gouvernement pour masquer son allégeance aux vautours de la troïka est une meilleure gestion de la ressource et de sa qualité. Dans un pays qui ne manque pas d’eau, cela ne passe pas du tout. L’équipement en compteurs d’eau doit coûter plus de 540 millions d’euros à l’État, et les interrogations sur l’avenir de Irish Water, société créée pour l’occasion, sont importantes, avec le risque d’une future privatisation. Nul doute que la troïka n’a pas imposé cette mesure, qui coûte cher en investissement public, pour le seul plaisir de créer un service public, alors que tous sont rabotés ou privatisés… Le nom de Veolia circule déjà, la firme française leader mondiale étant déjà bien installé sur l’île.
En attendant, le gouvernement, qui attendait le retour de 2 millions de formulaires d’enregistrement auprès de Irish Water n’en a reçu que la moitié, différents mouvements appelant au boycott avec un certain succès. Et la mobilisation prend de plus en plus une dynamique de manifestation contre les politiques d’austérité menées par le gouvernement, et appelant même à la démission de ce dernier. 76 % des Irlandais se déclarent opposés au projet et 54 % se déclarent prêt à ne pas payer ces nouvelles charges. Dans un pays où le non à la Constitution européenne l’avait emporté avant de passer en force, la classe politique et le gouvernement tremblent devant la mobilisation populaire.
Premier dans l’opposition, le Sinn Fei tire pour l’instant les marrons du feu, en étant très présent dans les mobilisations, mais l’alliance anti-austérité (AAA) constituée il y a un an, en partie animée par le Socialist Party, rencontre de plus en plus de succès.
Source : NPA