Juifs éthiopiens, chrétiens érythréens, Palestiniens de toutes confessions… Quand on parle d’Israël, on sait en général qu’il y a des Juifs et des Arabes, avec entre eux une domination coloniale des premiers sur les seconds, et un conflit centenaire résultant de cette agression coloniale. Ce que l’on connaît beaucoup moins, ce sont les contradictions internes aux deux sociétés. Israël est une société divisée non seulement en classes, mais aussi en groupes ethniques fortement hiérarchisés.
Au sommet de la pyramide, les Ashkénazes, c’est-à-dire les Juifs originaires d’Europe et d’Amérique du Nord : ce sont leurs arrière-grands-parents qui ont créé l’État et la société israélienne, à leur image. En dessous, les Juifs originaires du monde arabe et du bassin méditerranéen (Séfarades), sommés de « s’occidentaliser » pour devenir de véritables Israéliens. Tout en bas, exclus du collectif national – Israël se définissant comme un « État juif » – et victimes d’une discrimination structurelle, les Arabes de Palestine. Les Palestiniens sont eux aussi divisés dans l’attribution, ou plutôt la suppression, des droits : citoyens pour ceux qui vivent dans les frontières antérieures à la guerre de 1967, sujets d’une occupation militaire en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, donc sans droits civiques, et réfugiés, que l’ont peut aussi diviser entre ceux qui mènent, dans leur exil, une vie « normale » et ceux qui résident dans des camps.
Un racisme décomplexé
Ces dernières semaines, ce sont les Juifs éthiopiens qui sont au cœur de l’actualité : être noir, ça ne fait pas très juif, et cette communauté est l’objet d’un racisme décomplexé, en particulier de violences policières dans les quartiers du sud de Tel Aviv où ils sont concentrés. C’est contre cette violence que les Éthiopiens sont venus manifester en masse la semaine dernière à Tel Aviv, et leur manifestation a été réprimée par des méthodes utilisées en général contre les Palestiniens. « On nous a traités comme des Arabes », s’est plaint un de leurs porte-parole, lui-même ayant fait son service militaire dans la sinistre police des frontières, spécialisée dans la répression des Palestiniens. Un juste retour de bâton, diront certains…
Mais, comme toute société d’apartheid, la hiérarchisation des groupes est sans fin. Il y a les non-juifs et non-arabes : les travailleurs migrants légaux (Philippins et Indiens pour le travail domestique, Thaïlandais pour le prolétariat agricole) et illégaux, auxquels il faut ajouter les réfugiés (essentiellement du Sud-Soudan, d’Éthiopie et d’Érythrée) demandeurs d’asile. Ces derniers sont considérés comme des « infiltrés » et subissent la chasse à l’homme d’une unité spéciale de la police, enfermés dans un camp de rétention le temps nécessaire d’entendre leur demande de reconnaissance comme réfugiés.
Un État qui ne respecte pas les conventions internationales
Car, si Israël a signé les conventions internationales sur les réfugiés, ses instances rejettent systématiquement les demandes d’asile et les refoulent dans des pays africains (c’est bien connu. tous les noirs sont frères !)… où d’ailleurs on ne leur reconnaît aucun droit. Comble de l’hypocrisie, sous la menace d’une rétention illimitée, on leur fait signer une déclaration de « départ volontaire ». Saisie par les organisations de soutien aux réfugiés et des organisations de défense des droits de l’homme, la Cour suprême a reconnu comme légales la rétention et l’expulsion « volontaire », ainsi que le non-respect des conventions internationales sur les réfugiés.
Le traitement des réfugiés par le régime israélien est d’autant plus révoltant qu’il n’y a pas si longtemps que ça, nos propres grand-parents ont souvent été des apatrides, des exclus du droit livrés à ceux qui mettaient en œuvre la solution finale. On aurait espéré que leurs petits-enfants en tirent des leçons de tolérance et d’acceptation de l’autre. Mais, pour paraphraser Benyamin Netanyahou, « ils ont oublié ce que c’est d’être Juif »…
De Jérusalem, Michel Warschawski
Source : NPA