Depuis de nombreuses années, la situation politique italienne se caractérise par une offensive patronale contre les travailleurEs qui ont perdu une partie importante des principaux acquis arrachés pendant le cycle de luttes des années 1960-1970.
Toutes sortes de contrats précaires ont été introduits, avec lesquels une partie de plus en plus importante de la classe ouvrière a été soumise au chantage du chômage. La croissance du rapport entre la dette publique et le PIB d’une part et l’augmentation du chômage d’autre part, ont été les arguments qui ont servi à justifier aux yeux de l’opinion publique l’austérité et les prétendues réformes structurelles libérales.
Émergence de la droite populiste
Cette politique, avec une gauche politique et sociale subordonnée au Parti démocratique (PD) a permis d’une part l’installation d’une droite populiste et raciste (la Ligue du nord de Matteo Salvini) et d’autre part le développement d’un mouvement interclassiste comme le Mouvement cinq étoiles (M5S) de Beppe Grillo, qui a gagné en très peu de temps un tel soutien populaire qu’il met en question l’hégémonie du plus grand parti politique italien depuis l’époque de Berlusconi, c’est-à-dire le PD.
C’est dans cette situation que s’est mise en place en 2014 le gouvernement de Matteo Renzi. Cela a changé le visage du PD avec son style populiste, cherchant le rapport direct avec les citoyens-électeurs et rompant les liens historiques du parti avec la CGIL, le principal syndicat italien. Ainsi, pendant que de petites sommes d’argent ont été données à quelques secteurs sociaux, en réalité les travailleurEs se sont appauvris (les contrats des travailleurs du secteur public n’ont pas été renouvelés depuis 2009) et leurs droits fondamentaux ont été attaqués. Le gouvernement a réussi aussi à supprimer l’article 18 du code du travail qui garantissait le droit de réintégration des travailleurs licenciés de manière abusive. C’était une revendication historique du patronat… que même Berlusconi n’avait pas réussi à faire passer.
Un autre résultat important pour le patronat italien a été en 2015 le projet de la « Bonne école », une réforme fondamentale de l’école publique qui met fin à la liberté d’enseignement des professeurEs, qui se trouvent totalement soumis aux chefs d’établissement, qui ouvre l’éducation aux intérêts privés et rend obligatoire l’alternance entre école et travail, ce qui permet d’offrir aux entreprises des millions d’heures de travail gratuites.
Un gouvernement en quête d’autorité
C’est dans ce contexte que Renzi a pensé, début 2016, qu’il pourrait mettre en place un plébiscite avec le référendum sur la réforme institutionnelle. Le cœur de cette réforme consiste au renforcement des pouvoirs du gouvernement par rapport aux institutions électives, en réussissant à supprimer l’élection des sénateurs. Le Sénat a été en effet une épine dans le pied du gouvernement qui, à plusieurs reprises, a risqué d’être battu.
Néanmoins, la profonde crise sociale (neuf millions de pauvres, trois millions de chômeurs, et trois millions de personnes qui ont renoncé à chercher du travail…) a entamé le soutien au gouvernement et au PD, comme l’ont montré les élections municipales de 2016 où le M5S a réussi à gagner dans des villes très importantes comme Rome et Turin.
Le M5S a récupéré une grande partie du vote d’opposition à Renzi, de droite et de gauche, d’une partie de la classe ouvrière, mais aussi et surtout d’une partie de la petite bourgeoisie appauvrie à qui sont adressées beaucoup des propositions de cette formation politique. Aujourd’hui le mouvement se trouve dans des conditions difficiles pour gouverner ces villes. Leurs représentantEs ont été élus sur des programmes qu’ils/elles n’ont pas la force de mettre en pratique, puisqu’ils n’ont pas les structures sociales qui garantissent l’efficacité de l’action politique. Une des principales contradictions à laquelle le M5S s’est trouvé confronté est la question de la privatisation des services publics municipaux qu’ils avaient promis d’interrompre et d’inverser. Ils ont été obligés de mettre de côté cette proposition une fois qu’ils se sont trouvés confrontés aux pressions des intérêts des multinationales et des groupes de pouvoir économique (y compris des bureaucraties mises en place à la tête des entreprises communales par les administrations précédentes), et qui, dans ces villes, sont dominants dans le secteur des services publics.
Une fois aux affaires, le M5S s’est empressé de donner une image rassurante afin de gagner une crédibilité aux yeux de la bourgeoisie en tant qu’alternative globale au PD. Évidemment, à l’heure actuelle, il apparaît difficile qu’un mouvement antieuropéen et populiste comme le M5S, dont le programme contient des propositions contre les privatisations, contre les grands travaux comme le TAV, puisse être utilisé par la bourgeoisie pour se substituer à un instrument politique comme le PD qui s’est montré particulièrement efficace dans la mise en place des « réformes » structurelles…
En toile de fond, la crise de l’UE
C’est dans ce contexte que Renzi a préparé la loi de finances de l’année prochaine en demandant à la Commission européenne une plus grande souplesse pour les comptes, c’est-à-dire un déficit jusqu’à 2,3 %, tout en ne respectant pas les limites imposées par le « pacte fiscal », se présentant comme celui qui veut mettre fin à l’austérité afin de reconquérir une nouvelle popularité et d’avoir quelques chances en plus de gagner un référendum qui est devenu pour lui beaucoup plus difficile que prévu.
Cette « confrontation » avec la Commission européenne constitue une véritable négociation entre les différentes bourgeoisies mais aussi un jeu entre les partis. Toutes les forces économiques et politiques européennes de la bourgeoisie ont intérêt à ce que le Oui l’emporte au référendum et que Renzi reste en place. Surtout, ils connaissent bien l’état critique de l’économie italienne et ne peuvent certainement pas se permettre le risque d’une crise financière dans un pays aussi grand que l’Italie, ce qui pourrait faire sauter l’équilibre fragile de l’Union européenne.
Renzi veut cacher le vrai contenu de sa manœuvre financière en faveur des entreprises et des patrons. En effet, pendant que quelques aumônes sont accordées par la finance à certains secteurs sociaux particulièrement démunis, silence radio sur les énormes cadeaux qui sont faits aux capitalistes à travers la réduction drastique des impôts sur les entreprises et les amnisties fiscales qui sont accordées aux fraudeurs qui ont transféré des capitaux à l’étranger de manière illégale. On parle pour l’année qui vient d’environ 8 milliards d’euros, qui monteront jusqu’à 20 ou 30 milliards et qui s’ajouteront à tant d’autres qui ont été donnés aux capitalistes ces dernières années.
La loi de finances reste dans le cadre de la logique libérale et les ressources publiques sont transférées aux entreprises. Il aurait été nécessaire de construire cet automne une forte bataille politique et sociale contre cette loi en même temps que le refus de la contre-réforme des institutions, mais les grandes forces syndicales n’ont pas voulu l’organiser et les forces sociales et politiques radicales de la gauche n’ont pu le faire que très partiellement.
Source : NPA
(Traduit par Ross Harrold)