Nous nous sommes déjà fait l’écho des prises de position du comité exécutif Hainaut-Namur des Métallos FGTB Wallonie-Bruxelles. Au cours d’une réunion récente, regroupant quelque 150 délégué-e-s, cette instance syndicale a appelé à voter pour la gauche anticapitaliste. Certains vont plus loin. La section du Hainaut Occidental appelle à voter PTB-GO. C’est le cas aussi de la FGTB de Caterpillar, qui a distribué un tract en ce sens. Entretien avec Ivan Del Percio, délégué principal (au centre sur la photo). (LCR web)
La délégation FGTB de Caterpillar appelle les travailleurs à voter PTB-GO ! Pourquoi ?
Ivan Del Percio : Au niveau de la délégation, nous constatons que tout le monde choisit son camp en vue des élections du 25 mai : les patrons choisissent leur camp, les médias aussi, à leur manière, choisissent leur camp. Alors, en délégation, nous avons décidé de choisir notre camp aussi. Dans l’isoloir, chaque travailleur se décidera librement, mais nous avons une analyse en tant que délégation et nous le faisons savoir.
Peux-tu résumer cette analyse ?
Ivan : On constate tout ce qui arrive au monde du travail et tout ce qui arrive aux travailleurs de Caterpillar. Au niveau interprofessionnel, on a eu notamment le pacte des générations, le blocage des salaires, les exclusions du chômage, etc. La situation est de plus en plus dure pour les travailleurs. Au niveau de l’entreprise, la direction a voulu remettre en cause la convention collective, les primes d’autonomie, nos jours de congé. Pour satisfaire la soif de profit démesurée des actionnaires, la multinationale spécule de plus en plus sur les marchés financiers. Poussée par la concurrence, elle n’arrête pas de construire de nouvelles usines : au Texas, en Géorgie, en Pologne, en Tchéquie, en Thaïlande… En 2008, on avait déjà perdu 600 emplois, les CDD. Depuis le crash de 2008, la direction presse les membres du personnel comme des citrons. On a eu 1400 pertes d’emploi en 2013. On ne sait pas ce que nous réserve l’avenir, les patrons disent qu’il va y avoir une relance mais les perspectives pour 2015 ne sont pas bonnes. On a tenté d’expliquer la réalité aux partis traditionnels, mais ils sont déconnectés de la base. Ecolo met tout sur le dos de l’Europe, le PS aussi. Ils nous ont donné un soutien moral. Mais ce qu’on veut, nous, c’est un soutien politique. Il faut changer la loi Renault, empêcher les restructurations, imposer la transparence sur les bénéfices. C’est ça qui ressort des conflits chez Ford, Arcelor et Caterpillar. Ce sont des entreprises qui font des bénéfices, qui ne paient pas d’impôts et qui sont rentables. C’est inacceptable qu’elles puissent licencier comme ça. Au Brésil, en Chine, Caterpillar ne peut pas licencier si facilement. Aux Etats-Unis, il y a une commission d’enquête du Sénat parce que Caterpillar est accusée d’avoir fraudé 2,4 milliards de dollars aux dépens du fisc. Mais ici, rien. On ne peut pas continuer comme ça. On ne peut pas continuer à laisser faire les marchés. On ne peut pas continuer cette surproduction, il faut une planification, une vraie alternative de gauche.
« L’appel du Premier Mai 2012 était notre appel, celui de la base »
Votre prise de position s’inscrit donc dans le prolongement de l’Appel de Premier Mai de la régionale FGTB de Charleroi ?
Ivan : Oui, notre délégation a même été un moteur actif des prises de position de l’interprofessionnelle qui ont abouti à l’Appel de 2012. Au congrès régional de 2010, on a eu des débats sur toute une série de questions et on a conclu que le PS n’était plus notre partenaire privilégié, qu’on aurait des relations avec toutes les organisations démocratiques de gauche. La délégation et le réseau des militants FGTB de Caterpillar ont une tradition de politisation à gauche. On a donc participé activement à toute cette réflexion et cette construction qui a abouti au grand jour le Premier Mai 2012. Quand l’appel a été lancé à rassembler les forces pour créer une alternative anticapitaliste à gauche du PS et d’ECOLO, on était prêts, c’était vraiment notre appel, celui de la base, et la centrale l’a relayé vers l’interprofessionnelle. Au comité exécutif élargi des métallos Hainaut-Namur, récemment, on a eu des débats de très haut niveau et d’une grande maturité.
Comment expliques-tu l’isolement de la FGTB de Charleroi sur ses positions ?
Ivan : Il y a des réalités différentes au niveau du terrain. Beaucoup de gens dans la FGTB restent attachés au PS. Certains de ceux-ci empêchent peut-être le débat démocratique ? Je constate que cette absence de débat nuit au syndicalisme car elle favorise la résignation face aux fermetures et aux pertes d’emploi. Chez Caterpillar, malgré les coups qu’on a encaissés, on n’est pas résignés parce qu’on débat et qu’on s’accroche à cette construction politique qui donne de l’espoir. Il y a un combat à mener pour changer les choses de l’intérieur dans le syndicat.
Comment vois-tu le lien entre la lutte syndicale sur le terrain et la construction d’une alternative politique ?
Ivan : Je crois que l’un sans l’autre, ça ne va pas. Les luttes toutes seules, ça ne va plus. Il y a le chômage, la précarité, on n’a plus la masse dans les entreprises. Et l’alternative politique sans luttes, ça ne va pas non plus. Il ne s’agit pas de faire élire des députés, puis basta. Il faut qu’ils restent les élus de la base. L’essentiel c’est qu’il nous faut un outil, un relais, quelque chose qu’on contrôle.
« Le rassemblement PTB-Gauche d’Ouverture a créé un enthousiasme »
Je comprends. C’est ce qui est expliqué dans la brochure « 8 questions » de la FGTB de Charleroi. Elle a déclaré que PTB-Gauche d’Ouverture était « un pas dans la bonne direction ». C’est ton avis également ?
Ivan : Oui, la division de la gauche, pour les syndicalistes, ça a toujours été un problème. Surtout face à la complicité des partis traditionnels, qui font semblant de se disputer pendant les élections puis gouvernent ensemble. Le rassemblement PTB-Gauche d’Ouverture a créé un enthousiasme. Ce qui me frappe, c’est que les réponses du PS sont sans contenu. Ils n’ont plus de débats de fond, pas étonnant qu’ils n’aient pas la formation pour répondre à la gauche !
Ton souhait pour l’après-élection ?
Ivan : Qu’on réussisse à faire fonctionner le relais, nous les syndicalistes. Et qu’on réussisse à unifier les luttes pour ça.