Journées d’action, marches, manifestations, arrêts de travail, grèves générales, … les syndicalistes ont beaucoup été sur la brèche au cours des dernières années (1) :
- Contre les mesures « budgétaires » des gouvernements successifs, contre le « plan global » et contre le « pacte des générations », contre la construction européenne libérale, contre les privatisations et contre le blocage des salaires, …
- Pour l’emploi, pour le pouvoir d’achat, pour la liberté de négociation salariale, pour la préservation de l’index, pour une amélioration des prestations sociales, pour la défense du secteur public, pour le maintien des prépensions, pour la sauvegarde des droits des chômeurs, pour une fiscalité juste…
Avec, tout au long de ces décennies de confrontations, le même fil rouge (ou vert) : le refus de l’austérité qui n’est jamais la solution mais toujours le problème ! Parce qu’elle alimente les récessions et aggrave sans cesse une situation pourtant fortement dégradée.
Le constat est accablant : la pauvreté augmente, les inégalités explosent, le chômage est massif, les écosystèmes sont abîmés.
Aujourd’hui, en Belgique, 424.000 enfants vivent sous le seuil de pauvreté ; au total plus d’1.500.000 personnes ! Aujourd’hui, il y a 611.000 demandeurs d’emploi, et plus d’1.100.000 hommes et femmes émargent, d’une manière ou d’une autre, au budget de l’ONEM !
Mais 1 % de la population détient un patrimoine équivalent à celui des 60 % les moins aisés ! Mais la grande fraude fiscale est estimée à 30 milliards € par an !
Oui, la crise fait mal au plus grand nombre et est extrêmement profitable à une petite minorité.
Oui, le monde souffre du capitalisme et de son idéologie libérale, d’autant que cette crise est globale : économique et financière, mais aussi sociale et environnementale.
Oui, toutes les conquêtes et tous les acquis arrachés de haute lutte par plusieurs générations sont menacés.
Cette immense régression est orchestrée avec obstination et de manière dogmatique par les gouvernants, en parfaite connivence avec les autorités de l’Union Européenne et conformément aux recommandations périodiques de la BCE, du FMI ou de l’OCDE.
La droite, et la social-démocratie reconvertie au libéralisme arrogant, travaillent main dans la main pour imposer des contre-réformes structurelles, dans le but de casser les derniers vestiges de « l’Etat social », au profit de la finance.
A quelques jours d’une triple élection, il est dès lors interpelant de constater que de hauts responsables syndicaux tentent une diversion en appelant à soutenir des partis qui assument la gestion du capitalisme, et impulsent depuis longtemps des politiques d’autorité et d’austérité, si douloureuses pour « ceux d’en bas » et si fructueuses pour « ceux d’en haut » !
On voudrait brader nos mobilisations, nos valeurs, nos aspirations et nos revendications, que l’on ne s’y prendrait pas autrement.
Comme pourrions-nous voter demain en faveur des partis gouvernementaux alors que nous avons régulièrement contesté leurs choix socialement régressifs ? Où se situent la cohérence et la rationalité dans cette volonté de donner un nouveau coup de pouce à des formations politiques qui privilégient la défense des intérêts du capital au détriment de la défense des intérêts des travailleurs, avec ou sans emploi ?
Heureusement, un nombre croissant de militants refuse d’abdiquer tout esprit critique et de se laisser conduire dans une impasse lourde de conséquences pour l’avenir.
Pour ma part, je ne voterai ni pour le PS ni pour Ecolo, ces partis qui ont ratifié -à l’instar du CDH ou du MR- le TSCG ! Un « traité » qui, au nom d’une dangereuse « règle d’or budgétaire », oblige les Etats à prohiber les déficits publics et à impulser des « assainissements » drastiques sur le dos des populations.
En tant que syndicaliste, je suis convaincu que les luttes sont déterminantes car elles permettent de construire les rapports de force indispensables pour faire aboutir nos objectifs. Mais en tant que syndicaliste je suis également convaincu que nous avons besoin de relais dans les assemblées parlementaires, d’élus qui nous écouteront, refuseront de s’incliner devant les diktats patronaux ou de l’UE, mettront tout en œuvre pour défendre un programme social et traduire sur le plan législatif des mesures en phase avec les priorités syndicales.
L’engagement syndical et l’exercice de la citoyenneté ne sont donc pas contradictoires, que du contraire !
Clairement :
- Je ne combats pas, en tant que syndicaliste, les politiques d’austérité, pour ensuite soutenir des partis qui portent ces politiques !
- Je ne me bats pas, en tant que syndicaliste, pour la défense des services publics, pour ensuite soutenir des partis qui mettent en œuvre les privatisations !
- Je ne lutte pas, en tant que syndicaliste, pour la défense du pouvoir d’achat, la préservation de l’index ou la liberté de négociation salariale, pour ensuite soutenir des partis qui légifèrent sur le blocage des salaires ou manipulent notre système d’indexation !
- Je ne défends pas, en tant que syndicaliste, les libertés et droits syndicaux, pour ensuite soutenir des partis qui remettent en cause le droit de grève, veulent interdire les piquets, prônent l’instauration d’un service minimum et souhaitent imposer la personnalité juridique aux organisations syndicales !
- Je ne revendique pas, en tant que syndicaliste, le plein emploi, pour ensuite soutenir des partis qui ont remplacé la lutte contre le chômage par la lutte contre les chômeurs !
- Je n’exige pas, en tant que syndicaliste, une autre fiscalité, véritablement progressive et équitable, pour ensuite soutenir des partis qui inventent le système des « intérêts notionnels », multiplient les cadeaux fiscaux aux grandes entreprises et aux nantis, et oublient toute perspective effective d’une imposition des grosses fortunes !
- Je ne milite pas, en tant que syndicaliste, pour une Europe sociale, démocratique, solidaire, et respectueuse des écosystèmes, pour ensuite soutenir des partis qui adhèrent au « Traité budgétaire européen » !
Le mouvement syndical doit prendre garde : l’incohérence et la confusion perturbent sa crédibilité et alimentent le désarroi ou l’incompréhension de l’électorat. Au plus grand bénéfice de nos adversaires !
Il est temps d’abandonner la culture de la résignation et du « moindre mal » ; il est urgent d’aller de l’avant et de renouer avec une attitude conquérante !
Des alternatives existent. Le moment est venu de les appuyer !
C’est pourquoi, le 25 mai, je voterai PTB-GO, pour remettre le social -dans toutes ses dimensions- à la première place !
Alain Van Praet (Délégué syndical CSC)
(1) Pour un petit historique des actions menées en front commun au cours des 25 dernières années, voir :http://www.fgtb.be/web/guest/historique-du-front-commun
Source : Rouge-Ecarlate