Le cdH a donc annoncé le 19 juin qu’il débranchait la prise des gouvernements bruxellois, wallon, et de la Fédération Wallonie Bruxelles dans lesquels il occupait une place depuis plus de 10 ans. Derrière l’argument de «révolution de la gouvernance», ce coup de poker dégouline en fait de calculs politiciens.
Quelle partition joue le cdH? A deux ans des élections régionales et fédérales de 2019, le parti veut se dégager d’un PS devenu infréquentable suite aux «affaires», se poser en chevalier blanc de la «gouvernance» et se donner une chance de capitaliser sur un éventuel effondrement du PS – annoncé par les sondages. Le pari réussi d’Emmanuel Macron en France, se revendiquant du «centre», ni gauche ni droite – tout en menant une politique de droite – n’y est certainement pas pour rien. Benoît Lutgen se rêve en Macron ou, faute de mieux, en Bayrou ayant misé sur le bon cheval.
Mais au-delà de l’argument de la gouvernance, répété jusqu’à la nausée par les uns et les autres, il y a un recentrage à droite du cdH. «Avec un PS qui court après le PTB nous devons trouver un nouveau chemin», a affirmé Catherine Fonck (cheffe de groupe cdH à la Chambre). Le problème n’est évidemment pas que le PS soit «trop à gauche», comme le laisse entendre Mme Fonck. Le problème est plutôt que le parti de Mme Fonck laisse simplement apparaître au grand jour ce qu’il est réellement: un parti de droite.
A présent, les seules combinaisons possibles pour que le cdH «prenne ses responsabilités» est de s’allier avec le MR, parti dont l’affaire du Kazakhgate a démontré qu’il était loin d’être un exemple de gouvernance. Mais surtout le MR est un parti qui n’a pour but que de servir la soupe au monde patronal. L’Union wallonne des Entreprises (UWE) l’a d’ailleurs rappelé par la voix de son Administrateur délégué, Vincent Reuter: «Les entreprises ne craignent évidemment pas le programme économique du MR, mais avec une coalition à trois ou quatre, qu’est-ce que ça va donner?». L’inquiétude vient de l’instabilité, mais «évidemment» pas du programme économique du MR pour lequel l’UWE n’a «pas d’à priori, à part un à priori favorable».
Tour de passe-passe
Au fond, on assiste ici à un tour de passe-passe assez impressionnant. Malgré l’ampleur prise par les affaires de corruption et de détournement d’argent public, la focalisation (et la limitation) de celles-ci à des problèmes de «gouvernance» ou à quelques «parvenus» permet d’occulter le caractère structurel de celles-ci, et en même temps de détourner l’attention de tous les autres sujets socio-économiques, de l’austérité, etc.
Et à gauche? A gauche, Écolo reste dans le registre du «vrai changement de gouvernance», avec quelques aménagements en terme de démocratisation et en refusant de «devenir l’auxiliaire» des politiques menées par le gouvernement fédéral. Très bien, mais les verts restent très évasif sur les alternatives aux politiques néolibérales. Il ne suffit pas de «moraliser» la vie politique dans un système économique qui lui resterait profondément immoral…
Du côté du PS, on est atone. Le parti d’Elio Di Rupo a aujourd’hui trois options devant lui: retendre la main au MR pour continuer à s’enfoncer dans les politiques néolibérales au risque d’encore dégringoler dans les sondages au profit du PTB ; s’offrir une cure d’opposition jusqu’au prochain scrutin en espérant ainsi en ressortir plus «propre» ; ou alors proposer une majorité de gauche alternative avec Écolo et le PTB. S’il y avait une réelle volonté progressiste, cette dernière option pourrait paraître séduisante. Malheureusement, dans l’état actuel des choses, une telle main tendue par le PS ne serait rien d’autre qu’une nouvelle manœuvre politicienne pour redorer son blason à gauche en vue des prochaines échéances électorales et afin de piéger le PTB pour en contenir l’ascension. Il y a bien longtemps que le PS a abandonné tout projet émancipateur et de transformation de la société pour se cantonner à une gestion complice du système.
De quoi avons-nous besoin?
Se cantonner à de simples garde-fous éthiques, qui pourront toujours êtres contournés d’une manière où d’une autre, ne suffit pas. Pas plus que l’ambition de «rendre confiance aux citoyens». Ce dont nous avons besoin c’est de rendre le POUVOIR aux citoyen.ne.s. Et pour cela il faut attaquer le problème sur au moins deux fronts:
Premièrement, nous devons reprendre le contrôle sur ceux et celles qui prétendent nous représenter: Par exemple en instaurant la révocabilité des élu.e.s à tous les niveaux, l’interdiction des cumuls, la limitation du nombre de mandats consécutifs à deux, et un salaire des élu.e.s égal au salaire moyen (soit 3.200 euros brut par mois). Ceci afin d’en finir avec la politique «de carrière». Concernant le contrôle des structures publiques, il faut exiger l’ouverture des livres de comptes des intercommunales, le contrôle par les travailleurs et travailleuses sur le fonctionnement des intercommunales et autres structures (genre Samu social), le budget participatif, etc.
Deuxièmement, il est indispensable de mener des «incursions démocratiques» dans la sphère économique afin d’en finir avec la loi du profit à tout prix qui, en plus creuser les inégalités chaque jour un peu plus, crée les conditions pour les pratiques corrompues. Cela peut notamment se faire par la levée du secret bancaire pour combattre la fraude, l’établissement d’un cadastre et d’un impôt sur les fortunes, ou encore l’expropriation des banques et assurances, sans indemnité ni rachat (sauf pour les petits actionnaires), afin créer une banque publique placée sous le contrôle de la collectivité. L’extension du domaine des décisions démocratiques passe aussi par l’établissement du droit de vote et d’éligibilité pour tou.te.s.
Sans surprise les partis traditionnels se limitent au brouhaha habituel, de qui lave plus blanc que blanc en cachant au mieux ses casseroles. Un vrai bal de faux-culs, qu’il est de notre devoir de dénoncer.