Après les élections du 26 octobre et la victoire de Junts pel Si (1), la situation était bloquée en Catalogne. La coalition de droite avait besoin de l’appui d’au moins deux députés de la CUP (2) pour que son leader, Artur Mas, accède à la présidence pour la troisième fois. Artur Mas n’entendait pas renoncer à la présidence tandis que la CUP était divisée entre la décision d’investir ce dernier pour faire avancer le processus d’indépendance ou celle de provoquer de nouvelles élections au risque d’arrêter le processus indépendantiste en bonne voie. C’est finalement le dernier jour légal, après trois mois de négociations, d’assemblées de militant-e-s anticapitalistes et d’immobilisme du président Artur Mas, qu’un accord est tombé pour éviter des nouvelles élections.
La possibilité d’un accord parlementaire entre les deux listes indépendantistes s’est ouverte quand Artur Mas a accepté, ce 9 janvier, de renoncer à la présidence de la communauté autonome au profit d’un autre candidat de la droite nationaliste issu de la liste Junts pel Si. Le processus indépendantiste peut ainsi se poursuivre et cette situation va mettre encore plus de pression au PSOE pour appuyer un gouvernement national en avec le PP et éviter ainsi l’indépendance catalane.
La CUP en paie le prix fort. L’organisation s’est déjà divisée politiquement ces dernières semaines à propos de l’investiture d’Artur Mas. L’assemblée du 27 décembre s’était soldée par un ex-aequo parfait entre le « oui » et le « non » à l’investiture. L’accord signé implique désormais que, en cas de risque d’instabilité parlementaire, la CUP ne pourra jamais voter dans le même sens que les groupes parlementaires contraires au processus indépendantiste ou au droit à décider.
Cela signifie que, en échange du pas de côté d’Artur Mas, la CUP s’engage à garantir une stabilité parlementaire à la CDC, le parti qui a gouverné la Catalogne ces dernières années en adoptant des mesures d’austérité et de privatisations et en se partageant la grande corruption avec les autres partis espagnols, le parti qui défend une indépendance dans l’objectif d’assurer le taux de profit de la petite et moyenne bourgeoisie catalane.
La CUP à déjà annoncé offrir les mains ouvertes pour l’indépendance et le poing serré pour lutter contre les privatisations et pour la justice sociale. Mais cet accord reste tout de même difficile à avaler pour une grande majorité de la population catalane qui a voté à gauche et pour le droit à décider lors des derniers élections en Espagne en faisant de la liste à laquelle participait Podemos la première force politique pour la Catalogne au Parlement espagnol.
(1)Junts pel si : « Ensemble pour le oui » est la liste de coalition entre la CDC (le parti de centre droit du président Artur Mas), l’ERC (le parti catalan républicain de centre gauche) et des indépendants de la société civile, culturelles ou sportive.
(2)C.U.P. : « Candidature d’Unité Populaire » est la liste de la gauche indépendantiste d’orientation anticapitaliste qui a réalisé son meilleur score historique avec 10 député-e-s, en accordant une majorité parlementaire absolue aux partis indépendantistes.