La convergence climatique de ce 20–21 septembre à New York, avec plus de 100 ateliers, de grandes plénières et sa manif longue de kilomètres, avec plus de 300 000 par-ti-ci-pant·e·s, la plus énorme de l’histoire US, représente un tournant pour le mouvement environnementaliste.
Le défilé gigantesque et passionné de peuples indigènes, de groupes ethniques divers venant de tout le pays, d’étudiant·e·s par dizaines de milliers, d’organisations de quartier par dizaines, de grands syndicats nationaux et de défenseurs de causes écologiques, traversant New York avec d’énormes banderoles ou marionnettes, au son de 29 fanfares, a mis comme jamais l’environnement et le changement climatique à l’agenda du pays. Le mouvement sur le climat aux USA est né, mais que va-t-il faire ?
Un esprit humaniste et internationaliste
Cette convergence était politiquement aussi large que la manif était longue. Avec le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, l’ancien vice-président Al Gore et le Maire de New York di Blasio, des élu·e·s de l’Etat de New York et du Conseil de Ville, leur présence montrant que la problématique du changement climatique n’est plus marginale. Derrière la manif, il y avait le tronçon anticapitaliste de milliers de partisans du socialisme ou d’anarchistes, qui savent que le capitalisme est source du problème et aspirent à une société socialiste démocratique, sans savoir exactement que mettre à la place du capitalisme et comment aller de l’état actuel vers la nouvelle société égalitaire, socialement juste et écologiquement saine, qui est nécessaire.
La plupart des gens marchaient au milieu, méfiants face aux multinationales et au gouvernement, voulant se débarrasser de l’énergie fossile, mais sans vues politiques claires sur la direction à prendre. C’est ce qui manque le plus au mouvement aujourd’hui, une stratégie unificatrice pour la majorité de celui-ci.
Un esprit humaniste et internationaliste imprégnait la marche, avec des drapeaux de nombreuses nations portés par des individus ou groupes venant d’aussi loin que l’Australie, avec des immigré·e·s venus du monde entier, conservant un lien avec les traditions précapitalistes de leur patrie, comme ceux portant la banderole où l’on lisait Pachamama, terre-mère du Pérou des temps anciens. Il y avait des panneaux avec « Une planète, Un futur » et « Nous sommes tous dans le même bateau ! » Les gens marchaient pour sauver leur parc, rivière ou lac local, mais aussi pour « sauver la planète » et nous tous-toutes avec, comme l’affirmaient nombre d’écriteaux.
Dans le même bateau, mais pas du même bord
Idéalisme universaliste émouvant, mais tendant à occulter le fait que « tous dans le même bateau », les manifestant·e·s n’étaient pas tous du même bord. La fracture de la société capitaliste entre ceux possédant le capital et ceux qui n’ont que leur travail, entre gouvernants et gouvernés, subsiste, même à l’ère du glissement vers la catastrophe climatique, ces contradictions s’aiguisant même.
Ban Ki-moon, Obama, Al Gore, le Congrès US, d’autres gouvernements, les dirigeants de multinationales, craignent peut-être le changement climatique, mais ne veulent pas le monde de justice climatique pour tous que nous voulons. La réalité c’est que ce qu’on fera pour nous sauver tous, devra être fait par la majorité contre les quelques-uns, accrochés à leur argent, au pouvoir et à leur système capitaliste, qui se mettront en travers du chemin. Quelle stratégie devons-nous alors mettre en avant ?
Comment faire avancer celles-ceux qui s’opposent aux multinationales, pour en faire des anticapitalistes ? Et les anticapitalistes, pour en faire des socialistes ? Aux USA, avec une idéologie et un système politique conservateur, avec une culture d’individualisme acquisitif et une aversion envers le socialisme remontant à la grande peur des « rouges » des années 1920 et 50, cela a toujours été un problème de faire passer les gens d’une posture de soutien à des réformes, à une volonté de transformation radicale du système.
Le seul moyen est de s’éduquer collectivement comme mouvement, par des actions à tous niveaux, affrontant le pouvoir et qui, dans la durée, par la discussion, le débat et la lutte, montrent la supériorité de la démocratie, rendant évident le droit de la majorité du peuple à contrôler son destin, politiquement, mais aussi sur les plans économiques et climatiques.
Un monde à gagner
Les mouvements de par le monde qui, par le passé, ont obtenu des changements sociaux significatifs durables ont réuni trois facteurs stratégiques.
Premièrement, un mouvement de masse conscient, inspiré par la perspective d’une plus grande justice, se mobilisant pour une confrontation avec les puissants : grandes entreprises, militaires, partis politiques et gouvernements, un mouvement qui n’a pas peur d’user de sa puissance économique et sociale pour perturber en profondeur le système, par des manifs, des grèves, des actions de désobéissance civique.
Deuxièmement, la construction, sur la base du mouvement, d’une force politique indépendante, en dehors des partis capitalistes existants, qui se batte dans l’arène électorale et parlementaire pour changer les lois afin qu’elles ne servent pas les riches et le grand patronat, mais le peuple.
Troisièmement, une théorie et une stratégie révolutionnaires ainsi qu’une organisation, émergeant du mouvement social et politique, qui soit préparée, avec le soutien de la majorité, à prendre le pouvoir et à réorganiser la société sur des bases se fondant sur les besoins de tous et pas du petit nombre.
Dans l’histoire US, nous avons rarement dépassé la première étape et, aujourd’hui, de par le monde, la lutte à tous les niveaux est inégale. Mais nous n’avons pas d’autre choix que d’essayer. Nous avons tout à perdre, par-dessus tout notre planète Terre, et nous avons un monde à gagner.
Source : solidaritéS