C’est peu dire que la régionale de Charleroi de la FGTB dérange de plus en plus le PS et ses amis au sein du mouvement syndical. Le Premier Mai 2012, on s’en souvient, le secrétaire régional interprofessionnel, Daniel Piron, dénonçait la politique du «sans nous ce serait pire» (« une insulte à notre intelligence ») et appelait à un rassemblement politique à gauche du PS et d’ECOLO, pour offrir une alternative anticapitaliste. Confirmée l’année suivante, par un nouveau discours du même orateur, cette orientation a été exposée en détail à travers une brochure (« 8 questions sur l’indépendance syndicale et la politique ») dont le contenu a été débattu puis adopté en bonne et due forme par les instances de la régionale (http://www.lcr-lagauche.org/d/8-questions-web.pdf).
Contrôle ouvrier sur la politique
Partant du constat que la « stratégie de l’aiguillon » sur le PS est un échec, la FGTB de Charleroi propose dans cette brochure une nouvelle stratégie qui assume la dimension politique de l’action syndicale tout en maintenant l’indépendance par rapport aux partis. A cet égard, un passage clé de la brochure est le suivant : « Nous devons rester ‘l’émanation directe des forces laborieuses organisées’, ‘dans le respect de toutes les opinions, tant politiques que philosophiques’, comme dit notre Déclaration de Principes. Cela implique une indépendance absolue vis-à-vis de tous les partis politiques. Or, ce qui menace cette indépendance, aujourd’hui, ce n’est pas que nous nous occupons de politique, c’est la manière dont nous nous en occupons. En effet, la stratégie de l’aiguillon nous amène systématiquement à mettre notre programme en poche et à nous incliner dans les faits devant le programme néolibéral (…), pour ne pas mettre en danger la politique du PS et d’Ecolo, au nom du ‘moindre mal’. (…) Face à cela, la stratégie alternative que nous proposons permet de retrouver une vraie indépendance syndicale. Dans le cadre de notre stratégie, en effet, nous élaborerons notre programme et nous mènerons nos luttes en fonction d’une seule préoccupation : les besoins des travailleurs et des travailleuses. (…) Alors, nous renverserons la situation. Alors, nous regagnerons de la force. Alors, au lieu que les partis nous dictent leur politique, c’est nous qui exigerons des partis qu’ils s’engagent à lutter avec nous pour ce programme. »
Cette démarche pourrait être résumée en une formule : le « contrôle ouvrier » sur la politique.
Dans cet esprit, très logiquement, les instances de la FGTB de Charleroi ont débattu puis adopté un deuxième document (« Changer de cap. 10 objectifs d’une plan anticapitaliste d’urgence ») (http://www.lcr-lagauche.org/d/10-objectifs-web.pdf). Tout cela, répétons-le, s’est fait dans la plus grande transparence, par le biais du débat avec les militants, au sein des organes représentatifs et en assemblée générale interprofessionnelle.
Les discours de ce Premier Mai
Les discours prononcés ce Premier Mai 2014 par Antoine Thioux (responsable des jeunes FGTB) et par Carlo Briscolini (Président de la régionale et secrétaire de la Centrale Générale) sont dans le droit fil de cette orientation. Les vidéos en attestent. Elles prouvent en particulier qu’il n’y a eu aucun appel de vote en faveur des listes PTB-GO, ni même aucun appel général à voter à gauche du PS et d’ECOLO, contrairement à ce qu’affirme le secrétaire du SETCa Rudy Pirquet dans son interview à Télésambre (http://www.telesambre.be/politique-incident-lors-du-meeting-du-1er-mai-de-la-fgtb_d_9881.html). Antoine Thioux a conclu son allocution par un appel à la lutte contre l’austérité, parce que c’est seulement par l’action qu’on peut transformer la société. Où est le scandale ? Quant à Carlo Briscolini, il a rappelé que les instances de la FGTB de Charleroi avaient décidé en janvier dernier de « se réjouir du rassemblement PTB-GO en tant que première étape » vers une alternative politique, sans plus. Puis il s’est basé sur les « 10 objectifs » pour interpeller toute la gauche: « A l’approche des élections, nous jugerons les différents partis et candidats de gauche à la lumière de notre programme, a-t-il déclaré. S’inscrivent-ils dans notre programme et dans notre démarche ? Ou dans une stratégie de renoncement, du moindre mal ? S’inscrivent-ils dans une stratégie de mesurettes qui sont symboliques ou oubliées le lendemain des élections ? Ou veulent-ils nous présenter une véritable perspective d’avenir pour le monde du travail ? » Et de conclure : « Sur cette base, chacun pourra juger en son âme et conscience de ce qu’il faut pour renforcer la gauche, une gauche anticapitaliste, une gauche qui ose, qui met sur la table une vraie répartition des richesses »
Les médias unanimes escamotent complètement le véritable contenu de ces deux discours pour raconter une histoire qui a peu de rapports avec la réalité. Selon la chaîne locale Télésambre, « la pomme de discorde (au sein de la FGTB carolo) est l’appel de vote. La Centrale Générale et les Métallurgistes, en apportant leur soutien au PTB-GO, s’isolent doublement car elles ne sont rejointes ni par les autres régionales, ni par les autres autres centrales de la régionale». Rudy Pirquet (SETCa) a apporté de l’eau au moulin de cette fable, en prétendant qu’une décision majoritaire des instances de la régionale d’appeler à voter « à gauche » aurait été violée et que la minorité aurait profité de la tribune pour imposer un appel à voter « à gauche du PS et d’Ecolo ». La journaliste ajoute insidieusement : « Un permanent FGTB est d’ailleurs candidat sur les listes PTB-GO » (allusion à Christian Viroux, qui, précisons-le, n’est pas permanent mais retraité). Conclusion : « la FGTB carolo est divisée ». Et Paul Magnette de prendre son air le plus contrit pour déclarer aux médias qu’il déplore cette division mais espère que le problème sera rapidement résolu…
« Vous avez échoué! »
Pour comprendre, il faut attirer l’attention sur les propos tenus par Carlo Briscolini à la fin de son discours. Lançant un « avertissement », le président de la régionale a dénoncé les tentatives de « ceux qui ont eu peur de l’appel (de vote) concret qui serait lancé par la FGTB de Charleroi » et qui, pour cela, ont tenté de « s’immiscer dans le processus démocratique de décision » par des « manipulations de couloir », des « caricatures », un « chantage sur la défense de nos dossiers » et des « attaques personnelles ». A tous ceux-là, « qui sont à mille lieues des intérêts des travailleurs » et qui ont « renié les racines de la gauche », Briscolini a lancé avec force : « Vous avez échoué ! ».
Et en effet, « ils » ont échoué. Les tentatives occultes du PS d’imposer en catimini à la FGTB de Charleroi un appel à voter « à gauche » (sous-entendu : aussi pour le PS et Ecolo) ont échoué. Les manœuvres d’appareil, les calomnies, les pressions et le chantage ont fait plier certains, mais se sont heurtés à la probité d’autres, qui ont refusé de se renier parce qu’ils mettent l’intérêt des affilié-e-s au-dessus des considérations de chapelle et de carrière.
Ne sachant pas avec certitude de quel côté pencherait la balance, les chefs du PS (Magnette et Furlan, notamment) étaient sur place au Premier Mai de la FGTB, avec en poche un scénario « d’incident » à appliquer au cas où… La mise en œuvre de ce scénario a été décidée sur place, pendant l’intervention d’Antoine Thioux. Mais tout était prêt, notamment la petite histoire ci-dessus, à communiquer tous azimuts avec la complicité des médias, qui se déchaînent contre les carolos mais relaient complaisamment les appels explicites ou implicites à voter PS, émanant de Philippe Van Muylder (FTGB Bruxelles) et d’Anne Demelenne. Le signal de créer l’incident en quittant la tribune a été transmis par Daniel Van Daele, ex-secrétaire national de la FGTB et candidat sur les listes PS pour le 25 mai (une candidature qui ne semble pas gêner Télésambre). Bel exemple de l’indépendance syndicale dont Rudy Pirquet ose se réclamer…
De façon assez perfide, le communiqué commun CGSP-SETCa se focalise sur le discours du responsable des jeunes FGTB. Antoine Thioux est accusé de tous les péchés alors qu’il n’a rien fait d’autre qu’appeler un chat un chat, dans la ligne qui a été adoptée par la régionale toute entière. Les auteurs du communiqué considèrent sans doute qu’il est plus facile de s’en prendre à un jeune camarade qui n’a pas une centrale professionnelle derrière lui… Mais il est évident que c’est toute l’orientation déployée depuis 2012 par la FGTB carolo qui est dans le collimateur. Cette orientation courageuse et juste fait l’unanimité dans la gauche syndicale. A celle-ci maintenant de s’organiser pour la défendre face aux manœuvres de la social-démocratie et des appareils bureaucratiques.
Nous publions ci-dessous les vidéos intégrales des discours prononcés le Premier Mai à Charleroi par Antoine Thioux (responsable des jeunes FGTB) et par Carlo Briscolini (président de la régionale Charleroi Sud-Hainaut de la FGTB). (LCR-web)
Discours de Carlo Briscolini, Président de la FGTB Charleroi
https://www.youtube.com/watch?v=Hp8NNWYzR1Y
Discours d’Antoine Thioux, Jeunes FGTB Charleroi