« Séisme » selon les propos du Premier ministre le soir même des élections, indiscutablement le résultat des européennes en France marque un saut dans l’accentuation de la crise politique déjà aggravée par les élections municipales. Les tendances générales que l’on observe à travers l’Union européenne y prennent un caractère aigu en combinant un effondrement du PS au pouvoir, une forte abstention et un succès du Front national.
L’abstention est au même niveau qu’en 2004 et légèrement inférieure à celle de 2009. Elle est particulièrement forte parmi les classes populaires et la jeunesse, manifestation de la rupture entre les partis institutionnels et une grande partie de la population.
Le Parti socialiste s’effondre avec 13,90% et perd deux élus. Ce simple chiffre donne la mesure du discrédit du pouvoir soutenu par une très faible minorité de la population. Un « moment très grave », dit Manuel Valls mais pour mieux affirmer la volonté du gouvernement de garder le cap de l’offensive contre le monde du travail comme Hollande l’a dit le lendemain même des élections ! Fidèle serviteur du patronat et des banque, le PS préfère sombrer que d’abandonner le sale boulot… Les Verts, EELV, qui avaient quitté le gouvernement après les municipales, perdent 8 de leurs 14 députés avec 8,95% des voix contre 16,28%. Ensemble, le PS et EELV passe de 32,69% à 22,84%.
Cette chute combinée à l’abstention laisse la place au Front national de Marine Le Pen qui enregistre un succès historique avec 25,18%. C’est quatre fois plus qu’en 2009, jamais le FN n’avait dépassé les 12% dans un scrutin européen. Avec 24 députés (+21), il représente un tiers de la représentation française au parlement européen. Un succès annoncé tant la déroute politique du PS et la paralysie de la droite (UMP) lui avait laissé le terrain libre pendant toute la campagne. Il obtient ses meilleurs scores parmi les jeunes et au sein des couches populaires. Ainsi, 30% des 18/35 ans et 27% des 35/59 ans ayant participé aux élections ont voté FN. De même, le parti de Marine Le Pen obtient les suffrages de 43% des ouvriers, 38% des employés et 37% des chômeurs s’étant rendus aux urnes. Certes l’abstention y est très forte (69% parmi les chômeurs) mais le FN a réussi à mobiliser son électorat. Il connaît un enracinement réel. Marine le Pen et Philippot, son stratège, élus en arrivant largement en tête dans leur circonscription, ont gagné leur pari de faire éclater le bipartisme de l’alternance huilée entre la droite et la gauche pour s’imposer dans le jeu politique comme une force capable de postuler au pouvoir.
Le FN s’impose ainsi comme le premier parti du pays contre la droite en phase d’implosion ou d’explosion ou les deux. L’UMP obtient 20,7% et l’alliance UDI-Modem 9,92% – soit un résultat global de 30,62% en recul de 5,66% par rapport à 2009. C’est en fait l’UMP qui recule en perdant plus de 7 points. Le soir du scrutin, François Fillon déclarait « L’UMP (…) est atteinte dans sa crédibilité et doit s’interroger sur les raisons de son échec. Elle n’a pas été en mesure de rassembler et son honneur est mis en cause », attaque à peine voilée contre son président Copé empêtré dans un scandale financier qui a rebondit brutalement dès le lendemain de l’élection. Copé est accusé d’avoir surfacturé ses prestations à une société amie, Bygmalion, et fait de fausses factures pour plus de 10 millions d’euros lors de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Il vient d’être « démissionné » de ses fonctions. Guerre des chefs, scandales, pression politique du FN, l’UMP aura du mal à survivre au séisme…
Malheureusement, le mécontentement ne s’est pas exprimé à la gauche du PS. Avec 6,44%, le Front de gauche stagne (6,18% en 2009) et perd un élu. Divisé entre le Parti communiste et le Parti de gauche, incapable de choisir une attitude claire face au gouvernement il n’a pas réussi à exprimer la révolte populaire alors que Jean Luc Mélenchon s’était fixé l’objectif de passer devant le PS.
Le NPA ne présentait des listes que dans 5 régions sur les 7 de métropole et sans avoir les moyens financiers de fournir les professions de foi et les bulletins de vote dont l’Etat assure l’envoi chez les électeurs. Un combat très inégal dans l’indifférence des médias qui est sanctionné par moins des scores entre 0,34 et 0,85% des voix alors que Lutte ouvrière, en mesure de se présenter dans les 7 régions et Outre-Mer ainsi que d’utiliser les moyens de propagande officielle, obtient 1,18%. Cependant, pour nous, une campagne de construction pour défendre nos idées et notre programme qui a rencontré bien des sympathies et sera un point d’appui bien utile pour la suite…