Nous ne vivons pas en démocratie: c’est ce qu’affirme Manuel Cervera-Marzal, dans son ouvrage «La gauche et l’oubli de la question démocratique». Petit opus pour grand débat, en moins de 60 pages l’auteur se propose de faire réfléchir la gauche sur la notion de démocratie et sur ce qu’il identifie comme les «impensés» à ce sujet. «Ce livre est une invitation à débattre», précise-t-il d’emblée.
Mais si nous ne vivons pas en démocratie, comment caractériser les régimes actuels en Europe occidentale? Il est évident qu’on ne peut pas sérieusement caractériser ces régimes de dictatures, et l’auteur ne le fait pas. Manuel Cervera estime que «le régime français actuel est davantage une oligarchie (le pouvoir étant détenu par une élite regroupant quelques milliers de politiciens professionnels) qu’une démocratie (comme c’est le cas lorsque l’ensemble des citoyen.ne.s participe de manière libre, égale et directe à l’élaboration des décisions concernant les affaires collectives)».
L’ouvrage aborde donc la question sur trois axes: régime représentatif ou démocratie directe, démocratie politique et démocratie sociale, démocratie désobeissante et démocratie institutionnelle. Il pose une série de questions utiles à débattre pour définir le ou les modèles de cet «autre monde» à construire: la relocalisation de la politique pour une participation effective de toutes et tous ; le mythe de la compétence qui légitime le fait qu’une élite autoproclamée «compétente» confisque la gestion des affaires publiques ; le refus de la professionnalisation de la politique ; la révocabilité des élus ; etc.
Mais le jour où cet autre monde possible sera en construction, aurons-nous trouvé la formule parfaite? L’auteur nous rappelle que la démocratie n’est pas seulement un ordre politique, fût-elle directe et parfaitement horizontale: «La démocratie comporte toujours une part d’insubordination, de révolte». Préfacé par Olivier Besancenot, l’ouvrage n’en est pas mois critique par rapport à la gauche radicale et à ce que l’auteur considère comme un oubli de la prise en compte du débat sur la question démocratique.
Chercheur en sciences politiques, Manuel Cervera rédige actuellement une thèse sur la désobéissance civile. Il aborde donc la question sous l’angle des sciences sociales. Un apport et une prise de position salutaires dans ce domaine, car le «champ» des sciences sociales (pour reprendre un terme «bourdieusien») est aussi un champ de bataille pour la transformation sociale.
Manuel Cervera-Marzal, «La gauche et l’oubli de la question démocratique», éditions d’ores et déjà, Paris, 2014.