Le 1er jour de grève tournante avait été un gros succès à La Louvière, ce jour de grève générale n’a pas démérité! Faut dire que cela fait trois lundis qu’on se voit en AG pour corriger le tir après les quelques cafouillages du 24 novembre.
Depuis hier soir, on se mobilisait déjà pour soutenir les cheminots qui mettaient à l’arrêt la gare de La Louvière ainsi que nos camarades de Total-Fina qui empêchaient les camions de se ravitailler -ah les petits malins!- dés dimanche pour contourner la grève du lundi!
Aujourd’hui de grand matin, nous rejoignions avec quelques camarades un énorme piquet de plus de 50 personnes qui battait la semelle sous la pluie devant l’ONEM. Non pas qu’il y eût besoin d’autant de monde pour empêcher les travailleurs d’entrer mais parce que le groupe des TSE (Travailleurs sans emploi) de la FGTB avait décidé de «marquer le coup» à quelques jours de l’ouverture d’un jeu de massacre social inventé trois ans plus tôt par le gouvernement Di Rupo: la grande foire aux exclusions de chômeurs.
Après un sketch de quelques minutes qui dénonçait de manière grinçante à la fois la criminalisation des piquets et l’écœurante mauvaise foi de la presse colportant les pires lieux communs et ragots pour dénigrer l’action syndicale, la chorale improvisée par les «Acteurs des Temps Présents» faisait son entrée en scène. Accompagnée par quelques militantes féministes de Vie Féminine, elle entonnait une kyrielle de rengaines éternelles, pastiches réécrits avec textes de circonstance, dénonçant pêle-mêle les sanctions et les exclusions mais aussi la dette injuste, le sort fait aux femmes par le nouveau gouvernement ou encourageant la population à la lutte qui s’annonce de longue haleine…
Vers 9h, nous levions ce piquet devenu inutile et constituions plusieurs piquets volants qui, tout au long de la matinée et toujours en théâtre et en fanfare se mirent au service du Setca et de la CGSP pour fermer la piscine communale, une école et quelques rares magasins et une agence bancaire qui n’avaient pas baissé leur volet dans le centre-ville… ainsi que pour vider manu militari l’Athénée Provincial d’une poignée de petits profs zélés qui, encouragés par leur proviseur, avaient manifestement décidé de faire de la provocation anti-syndicale en jouant à cache-cache avec le piquet du matin. Sinon, on en profitait pour apporter un peu d’animation aux piquets rencontrés sur notre chemin…
A 13h, AG électrisante à la CGSP
On commence par une petite scène jouée par deux comédiens venus de Liège avec la Cie Arsenic qui remet bien en perspective tous les dégâts collatéraux qui nous menacent si nous n’arrivons pas à dézinguer vite fait cette Suédoise de malheur. Tu penses s’ils ont leur succès devant une salle chauffée à blanc après s’être gelé les fesses depuis l’aube sur les piquets!
Ensuite, après les bonnes nouvelles qui confirment que partout la grève est un succès, la parole est à la salle et on entre enfin dans le vif du sujet: et maintenant, qu’est-ce qu’on fait? A la quasi-unanimité, les interventions insistent sur le fait qu’il faut talonner nos directions syndicales et leur rappeler qu’au cas où ils feraient semblant de ne pas l’avoir compris, il n’y a RIEN à négocier avec ce gouvernement. Au contraire, on insiste à nouveau pour repasser à l’offensive avec une cinquième revendication à rajouter aux quatre autres: stop aux exclusions et aux politiques d’activation et retour au principe assurantiel des allocations de chômage!
Durant près de deux heures, on débat dans une grande liberté de parole de ce que nous pouvons mettre en place pour réactiver à partir de la base un syndicalisme de combat dans le respect de la démocratie syndicale. Mais chez ceux qui n’ont pas encore l’expérience d’autres combats, on sent aussi le désespoir et l’exaspération quand ils mesurent à quel point ils se retrouvent seuls à côté de collègues ou de voisins qui ne se mouillent pas et qui pensent que faire grève, c’est rester chez soi… on sent aussi une certaine angoisse face à l’inconnu qui nous attend après cette première étape ; et si le gouvernement ne plie pas? Il en ressort qu’on ne peut plus faire marche arrière et qu’on ne se contentera pas de miettes: cette fois, c’est eux ou nous!
Nous terminons en apothéose en nous rendant en cortège, toujours chantant, jusqu’à la place communale pour inaugurer le 1er piquet du soir devant le Conservatoire de Musique d’où deux jeunes professeures fraîchement syndiquées ont décidé d’attirer l’attention sur les attaques que subissent aussi en ce moment les institutions et les travailleurs culturels. Quelques interventions poétiques drôles ou émouvantes de nos artistes locaux, un topo sans concessions du statut d’artiste et lecture du communiqué de solidarité du Setca-culture, puis les musiciens prennent la relève et voilà que certains d’entre nous en profitent pour glisser quelques tours de valse sur la pierre bleue, luisante de pluie, devant la taverne du Théâtre. Mais beaucoup ont déjà commencé à refaire le monde devant une bière dans ce bistro bondé qui sent bon le syndicaliste épuisé et le chien mouillé!