Le processus révolutionnaire syrien continue à être la source de débats et de questions, en particulier à gauche, alors que la « conférence de paix » de Genève 2 a été de nouveau reportée au 22 Janvier 2013.
Cette conférence de Genève 2 a les mêmes objectifs que la précédente et les autres conférences dites de « paix » pour la Syrie : parvenir à un accord entre le régime d’Assad et une section de l’opposition bourgeoise et opportuniste liée à l’Occident et aux monarchies du Golfe. Cette fois la différence notable est qu’elle se prépare sur fond de rapprochement entre les Etats-Unis et la République islamique d’Iran sur la question nucléaire, renforçant encore davantage la volonté des deux régimes de mettre fin au processus révolutionnaire syrien en prenant en compte leurs intérêts respectifs. En même temps, le Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui est composé de l’Arabie saoudite, du Koweït, du Qatar, de Bahreïn, des Émirats arabes unis et d’Oman, a publié une déclaration le 28 Novembre 2013 affirmant l’importance de renforcer le soutien international à l’opposition syrienne représentée par la Coalition nationale, considérée comme le seul représentant légitime de l’opposition syrienne par le CCG pour la conférence de Genève 2.
Le rapprochement entre l’Iran et les Etats Unis démontre, à nouveau, la futilité de certains secteurs à gauche qui considèrent la Russie et l’Iran comme un bloc anti impérialiste. Les différentes puissances impérialistes mondiales et les puissances régionales bourgeoises, en dépit de leur rivalité, ont un intérêt commun dans la défaite des révolutions populaires de la région, y compris en Syrie. Nous ne devons en effet pas imaginer les rivalités impérialistes à l’échelle mondiale entre les Etats-Unis, la Chine et la Russie comme impossibles à surmonter lorsque leurs intérêts sont en en jeu et que les relations d’interdépendances sont en fait très présentes. Tous ces régimes sont des pouvoirs bourgeois qui sont et seront toujours des ennemis des révolutions populaires, uniquement intéressés par un contexte politique stable qui leur permet d’accumuler et de développer leur capital politique et économique au mépris des classes populaires.
Une révolution toujours vivante
Les médias dominants, que ce soit en Occident ou au Moyen-Orient, ainsi que les gouvernements occidentaux et régionaux veulent nous faire croire que la révolution syrienne est morte et s’est transformé en une guerre confessionnelle, ou un affrontement dichotomique entre djihadistes et le régime d’Assad. Le processus révolutionnaire syrien est au contraire toujours bien vivant. Les révolutionnaires à l’intérieur du pays n’ont pas cessé de manifester et de s’organiser contre le régime et également contre les groupes djihadistes par leurs appels à la démocratie et à l’unité du peuple syrien contre les tentatives sectaires à le diviser. La détermination des révolutionnaires ne connait pas de limites, comme par exemple lorsque des manifestant-es dans la ville de Raqqa ont chanté sur les ruines d’un bâtiment bombardé le matin même par les avions du régime comme un acte de défi et de résistance contre les forces d’Assad. Les manifestations continuent contre les pratiques de l’État d’Islamique en Irak et en Syrie (EIIS), et pour exiger la libération des prisonniers détenus par l’EIIS dans diverses régions, avec notamment des pancartes sur lesquelles on pouvait récemment lire : « nous condamnons les d’enlèvements, les procès secrets, et la torture dans l’obscurité des prisons, parce qu’ils reproduisent les actions du régime Assad ».
Il faut également noter la formation de l’Union syrienne libre, le 13 Octobre 2013 à la suite d’une réunion à Rihania, ville sur la frontière syro-turque. Cette structure est composée d’environs 106 groupes et collectif rassemblant des brigades militaires, des groupes d’information et d’autres formations civiles. Son acte de fondation appelle notamment à une Syrie libre et démocratique dans laquelle toutes les communautés religieuses et les ethnies seraient traités de manière égale. L’activisme et l’auto-organisation populaire dans le processus révolutionnaire syrien est donc toujours d’actualité.
La résistance populaire militaire
La résistance populaire armée est confrontée à de nombreuses difficultés. La plus importante est la supériorité militaire du régime Assad, considérablement renforcée par l’assistance militaire, politique et économique énorme de l’Iran et la Russie, et la participation massive dans les combats des militants Hezbollah et des groupes irakiens chiites sectaires du côté du régime. Cette supériorité militaire et l’aide étrangère a permis à l’armée du régime de réoccuper de nombreuses de régions et territoires qui avaient été libéré par l’opposition armée.
Deuxièmement, le manque de tout soutien militaire, économique, politique à l’Armée syrienne libre a conduit à son affaiblissement et sa division. L’opposition se composerait actuellement de plus de 1000 groupes armés avec des alliances multiples et variées selon les régions et dynamiques contextuelles. L’ASL n’est en effet pas encore une seule unité agissant comme une seule organisation. L’ASL a également été la cible des djihadistes et de certains groupes islamistes qui ont assassiné quelques officiers et attaqué certaines de ses brigades. L’ASL représente néanmoins environ la moitié des 100 000 combattants évalués de la résistance populaire. Le reste est composé d’une part du Front islamique, alliance regroupant un certain nombre de groupes islamistes créée en novembre, regroupant plus de 30 000 hommes et des djihadistes estimés à 10 000, dont la grande majorité sont des étrangers.
Le Front islamique s’est distancié de l’opposition en exil de la coalition nationale, suite au refus de cette dernière de lui accorder une plus grande présence au sein de l’état major militaire commandé par le brigadier-général Salim Idriss. Le Front islamique a déclaré qu’il ne s’opposerait pas à l’ASL, malgré l’attaque sur certains de ces groupes, et a appelé à un Etat islamique en Syrie. Ce nouveau Front islamique a le soutien financier et politique des régimes monarchiques du Golfe. Le financement massif de ces groupes a permis d’attirer de nombreux combattants de l’opposition, non pas sur un discours religieux, mais principalement par un équipement militaire beaucoup plus sophistiqué et abondant, et des salaires également plus importants par rapport aux brigades de l’ASL qui manquent de tout. C’est pourquoi nous ne devrions pas considérer automatiquement tous les combattants du Front islamique comme partageant la même idéologie que leurs dirigeants réactionnaires.
Cela dit, tandis que des unités d’actions sur le domaine militaire entre l’ASL et le Front islamique contre le régime et les djihadistes ne sont pas un problème et plutôt une nécessité réelle vu la réalité du terrain et sont déjà le cas, aucune illusion ne devraient être formulée sur les groupes du Front Islamique pour réaliser les objectifs de la révolution : démocratie, justice sociale, et laicité.
Conclusion
Aucune puissance régionale et internationale n’est l’amie de la révolution syrienne, mais seules les classes populaires en lutte dans le monde. En Syrie comme ailleurs, aucune solution ne pourra être atteinte tant que les enjeux démocratiques et sociaux ne sont pas traités ensemble. En d’autres termes, les demandes sociales ne peuvent être séparées de revendications démocratiques, ni subordonnées. Elles sont inséparable et c’est pour cette raison que le mouvement populaire syrien a refusé et refuse toute initiative visant à maintenir le régime actuel, avec Bachar al Assad ou sans, et dont l’objectif est de mettre un terme au processus révolutionnaire syrien.
N’enterrons pas le peuple syrien révolutionnaire, il est loin d’avoir dit son dernier mot…
Source : Europe Solidaire Sans Frontières
Joseph Daher