S’il est une des entreprises publiques particulièrement visées par les mesures de recul social annoncées par le gouvernement Michel, c’est bien la SNCB. Blocage de l’index, révision à la baisse des pensions, service minimum, réduction brutale du budget, suppression de trains, fermetures de gares. Si on voulait détruire le transport public, on ne s’y prendrait pas autrement. Nous avons interviewé à ce sujet Philippe Dubois, Secrétaire permanent de la CGSP-Cheminot à la Régionale de Bruxelles.
La Gauche : Comment s’annonce la mobilisation syndicale chez les cheminots ?
Philippe Dubois : Dans l’ensemble les travailleurs de la SNCB sont très attentifs aux mesures annoncées par le gouvernement Michel et aux déclarations provocatrices du PDG de la SNCB Jo Cornu. Ce dernier a déclaré lors d’une interview à la presse (donc en dehors du cadre de toute concertation sociale) que les « cheminots ne travaillaient pas assez » et qu’il fallait notamment envisager la suppression des jours de crédit (jours de compensation de la réduction du temps de travail). Il a aussi remis en cause la mutuelle des cheminots. Ces propos incendiaires ont pour effet que la mobilisation se fait toute seule car le personnel est profondément choqué.
La Gauche : On a l’impression que les cheminots sont en première ligne des attaques du gouvernement : l’âge de la pension, le calcul du montant de la pension, le service minimum, les coupes budgétaires, la privatisation du rail et à terme le démantèlement du statut de cheminot.
Ph. D. : Le gouvernement Michel veut attaquer notre statut de plein fouet. Il faut savoir qu’à la SNCB les 36 heures ont été obtenues en échange d’une réduction du salaire. Si on doit allonger le temps de travail, va-t-on augmenter les salaires ? La suppression de la caisse de soins de santé est aussi dans la ligne de mire. Par la même occasion la caisse de solidarité sociale est aussi remise en question. IL s’agit d’une caisse pour laquelle les statutaires cotisent tous les mois et qui permet, par exemple, des remboursements particuliers pour des médicaments onéreux, d’envoyer les enfants dans des centres de vacances, etc. Cette caisse est en boni de plus de 50 millions d’euros. Et donc vouloir supprimer la mutuelle des cheminots et la caisse de solidarité, c’est vraiment du vol ! Il s’agit d’une attaque frontale contre le statut des cheminots.
Autre exemple : il existe pour les cheminots la pension prématurée pour invalidité. Quand on a cinq ans d’ancienneté comme statutaire et que malheureusement des problèmes de santé rendent impossible la poursuite du travail, on peut être pensionné avec invalidité prématurée. Vouloir supprimer cela revient à jeter à la rue ceux qui seront dans l’incapacité de travailler sans atteindre 66% d’invalidité. Non seulement ces travailleurs statutaires perdront leur job à la SNCB, mais ils seront soumis à l’activation des malades et invalides pour retrouver un autre emploi.
La Gauche : Fin octobre, une assemblée nationale de délégué/es et de responsables CGSP Cheminots s’est tenue à la Maison des Huit Heures à Bruxelles. Quelle était l’atmosphère ? Est-ce que vous estimez que les grèves tournantes et la grève nationale du 15 décembre suffiront à faire plier le gouvernement ?
Ph. D. : Dans l’ensemble nous pensons que cela ne suffira pas. Mais je pense néanmoins que cela va leur faire très mal au gouvernement et à la direction de la SNCB, d’autant plus que pour les grèves tournantes prévues tous les cheminots du pays sont couverts par un préavis de grève, quelle que soit la province où ils sont affectés.
La Gauche : Est-ce que les actions peuvent repartir en janvier ?
Ph. D. : En janvier, je ne sais pas. Mais de toute façon après les fêtes, il faudra à nouveau mobiliser.
La Gauche : En 1983, lors de la grève générale des services publics, qui a duré près de trois semaines dans certains secteurs publics, le Comité national de la FGTB n’avait pas embrayé sur le mouvement ce qui avait isolé les grévistes des services publics. Un tel scénario peut-il se reproduire aujourd’hui ?
Ph. D. : A ce stade, je n’en ai pas la moindre idée. Mais je souhaite en tous cas une solidarité la plus large possible entre tous les secteurs, entre Bruxelles, la Flandre et la Wallonie, et que, toutes professions confondues, nous soyons capables d’anéantir cette politique ultra libéral de droite. Tous ensembles, cheminots et autres travailleurs.
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Mesures particulières du gouvernement Michel
Contre les cheminots (sans compter le saut d’index et toutes les autres mesures qui frapperont l’ensemble des travailleurs)
Allongement de la durée de carrière. Actuellement la carrière est calculée en 48e (pour les roulants) et en 55e (pour les sédentaires). Le projet est d’aller vers un calcul en 60e pour tous.
Calcul de la pension : Actuellement sur la dernière année de service ou la moyenne des 4 dernières années. Objectif du gouvernement Michel : calcul sur toute la durée de la carrière !
Recours au travail intérimaire
Instauration d’un service minimum visant à casser les grèves
Contre les usagers de la SNCB
Réduction du budget de la SNCB : de 2,1 milliards d’euros de 2015 à 2019
Une plus grande liberté tarifaire (y compris la suppression de la gratuité pour les enfants)
Suppression des trains « moins fréquentés » et fermeture de gares
Suppression de lignes (remplacées par … des bus)
Remise en cause de la présence d’accompagnateurs/trices sur certains trains
Comparons les chiffres
2004 | 2013 | |
Nombre de voyageurs | 165.000.000 | 223.300.000 |
Nombre de cheminots équivalents temps plein | 40.243 | 34.452 |
Propos recueillis par Guy Van Sinoy le 4/11/2014