Un attentat suicide a ôté la vie à près de 30 jeunes socialistes à Suruç dans la ville de Urfa, près de la frontière turco-syrienne. L’attentat contre le Centre Culturel Amara, où logeaient plus de 300 membres de la Fédération des Jeunes Socialistes (SGDF) a eu lieu juste avant leur départ vers Kobane, de l’autre côté de la frontière.
Ces jeunes révolutionnaires avaient quitté Istanbul la veille, pour se présenter comme “les enfants de Gézi”, les enfants du mouvement de protestation qui commençait à Istanbul en juin 2013. En tant que jeunes socialistes révolutionnaires de l’Ouest de la Turquie ils voulaient donner un coup de main à la reconstruction de Kobane.
Dans une vidéo de leur campagne un des jeunes socialistes de SGDF déclarait: « Nous planterons 500 arbres au nom des révolutionnaires morts dans la résistance contre l’EI (l’État islamique) à Kobane. Nous allons planter des fruitiers au nom de Berkin Elvan, mort à 15 ans pendant les protestations à la place Gézi. Nous reconstruirons le musée de la guerre à Kobane, remettrons en état la bibliothèque et la crèche du centre culturel, nous construirons une plaine de jeux et aiderons au dégagement du centre de Kobane. » Les jeunes apportaient des livres, des jouets, des vêtements et des jeunes arbres à planter.
L’État turc bloque sans cesse la solidarité avec Kobane. En automne 2014, des tentes pour accueillir des réfugiés ont été détruites et une chaîne humaine d’activistes pour la paix le long de la frontière a été agressée à coup de grenades lacrymogènes. Alors que les pacifistes et les organisations d’aide ne peuvent entrer à Kobane, il y a de nombreuses observations de membres de l’EI qui passent la frontière dans l’autre sens. Après des mois de combats, la vie à Kobane se réorganise. Des centaines de volontaires provenant de plusieurs pays aident à la reconstruction. La population de Rojava appelle à la solidarité et de nouveaux liens se tissent entre l’Est et l’Ouest de la Turquie, entre le mouvement Kurde et la gauche de la Turquie entière.
Le président Erdogan, à Chypre pour y commémorer l’opération de “paix”, l’invasion turque, à condamné l’attentat et a déclaré qu’il suit l’affaire. Il est pourtant clair que les bus des jeunes socialistes étaient suivis depuis Istanbul par des policiers en civil. Le gouverneur de Urfa a donné l’ordre en juin d’arrêter des journalistes qui lui posaient des questions à propos de la présence de membres de l’IS dans sa ville.
Des attentats de ce type visent les liens de solidarité entre les Turcs de l’Est et de l’Ouest du pays. Ils visent la solidarité qui transgresse les frontières artificielles. C’est à cause de cela que les services de sûreté sont utilisés contre les activistes qui veulent aider à la reconstruction de Kobane et pas contre les terroristes fondamentalistes.
La communauté internationale doit faire pression sur l’État turc pour qu’il mette fin à son sabotage des actions de solidarité et pour qu’il cesse d’utiliser ses services secrets contre les mouvements sociaux et politiques pacifiques mais bien contre les terroristes fondamentalistes qui trouvent asile en Turquie. Des protestations sont organisées en Turquie et ailleurs.
Ces jeunes socialistes étaient en route pour reconstruire Kobane et y planter une forêt à la mémoire des révolutionnaires qui y sont tombéEs au combat. Il faut maintenant renforcer la solidarité internationale et relever leur drapeau. Comme l’écrivait Ataol Behramoglu* en 1974: « Une nuit, le bourreau se réveille dans son lit et il dit: ‘‘Quel dilemme, Monseigneur! Plus j’en tue, plus ils se multiplient. Mais moi, je dépéris en les tuant’’ ».
Article paru dans Grenzeloos
* Poète, écrivain et traducteur turc contemporain