Il était une fois l’Homme. Les hommes, les femmes, leur cri. Un chant bien souvent désespéré vers la lumière de la vie. Ils sont des milliers. Et le seront encore. Après des années à arpenter la détresse d’une humanité en perdition (celle des sans-papiers de notre pays), Bénédicte Liénard et Mary Jimenez ont décidé de porter sur grand écran la vie de ces personnes vouées au pire pour pourvoir espérer un jour exister. Ne plus manger, le voilà le pire, ne plus manger jusqu’à se laisser mourir pour avoir ce bout de papier, le sacrement suprême.
Une église, un prêtre engagé. Moktar, Najat, Joseph, Gernaz, Duraid, Hayder, Kader, Esma et les autres, fuyant la Syrie, l’Iran, le Congo, le Niger. Ayant parfois eu des papiers ou errant comme simples clandestins depuis des années. Tous avec cette illusion d’une vie possible. Ils sont une trentaine à se réfugier dans ce lieu saint, non pas chrétien, mais croyant juste à sa vocation première, celle d’aider son prochain.
Face à ce groupe qui parfois se déchire mais dont l’union (vitale) grandit à mesure que les jours passent (et avec eux la douleur d’une faim qui ronge), le silence. Où sont les médias? Où est l’Etat? Où sont les hommes, les autres? Retranchés comme dans une dernière tour d’ivoire, ils et elles luttent. Seul.e.s.
Ces figures, les deux réalisatrices ne les ont pas inventées. Elles les ont vues, soutenues, aidées, pleurées. Par cette fiction (néanmoins très proche du reportage) elles ont voulu poser leur regard de citoyennes d’une Belgique désenchantée. Elles étaient là quand Moktar, Najat, Joseph, Gernaz, Duraid, Hayder, Kader, Esma,… ont résisté, ici, dans nos églises. Eux que l’on ne connaît pas, ou mal. Ceux que nous risquons peut-être de juger à cause de cette réalité déformée par les tout-puissants. A eux, elles ont rendu un visage, la parole.
Et ils sont beaux ces hommes et ces femmes avec leur force surmontant la détresse. Surpassant l’inimaginable, croyant coûte que coûte à l’humanité du monde. « Le chant des hommes » est un film nécessaire, car il nous met face à nous-même, nous, enfants d’un pays qui se meurt. Car oui, c’est ce goût amer qui me reste, à moi, simple citoyenne belge, honteuse et révoltée par cette position de l’autruche de ceux qui nous gouvernent. Réveillons-nous, levons-nous et rendons à Moktar, Najat, Joseph, Gernaz, Duraid, Hayder, Kader, Esma,… leur humanité.
« Le chant des hommes » de Bénédicte Liénard et Mary Jimenez, 2015, Belgique-Luxembourg-France. 95 min. Tarantula. Sortie en Belgique le mercredi 03 février 2016.