Martin Scorsese scrute l’itinéraire d’un courtier en bourse. Malgré un trop-plein de drogues et de sexes, le film décortique le rêve américain et son rapport aux classes populaires.
Scorsese en fait beaucoup : 3 heures de film, un récit qui se perd parfois dans des sketchs et des dialogues, une récurrence lassante des scènes d’orgie sexuelle et psychotrope. Et cette abondance, malgré la fréquente qualité de sa réalisation, fait parfois oublier la force du récit. Scorsese reprend le thème traditionnel de l’anti-héros fourvoyant la valeur de la réussite personnelle, du self-made-man, dans l’illégalité (Scarface en est l’exemple le plus connu). L’intérêt du Loup de Wall Street réside dans le fait que le décor n’est plus celui des gangsters habituels, mais celui de la bourse, où les voleurs constituent l’identité même du système.
La grande réussite du film se trouve dans la déclinaison de cet univers dans sa rencontre avec le rêve américain et ses valeurs. Dans la bouche du courtier en bourse, joué ici par Leonardo Di Caprio, se trouvent énoncées les valeurs de la réussite personnelle et de la richesse accessible grâce à l’effort. Scorsese montre comment ce discours exerce à la fois une fascination extrêmement forte et une oppression sur les classes populaires, les gens spoliés étant ces travailleurs·euses dénigrés, ceux défendus par le seul personnage éthique du film et exact opposé du courtier en bourse, l’enquêteur financier du FBI. Scorsese n’oublie pas non plus de traiter des revers de ce rêve américain où l’amitié n’existe plus et la gloire finit par ne plus ressembler qu’aux publicités kitsch qui la vendent. Pour l’anecdote, le film n’met pas la place qui revient à la Suisse. Dès que le fisc américain commence à inquiéter l’anti-héros de Scorsese, c’est à Genève que le courtier en bourse et ses associés filent pour cacher l’argent, grâce à l’aide de banquiers tout aussi sournois et arnaqueurs.
Source : solidaritéS