De Thibault le Texier La Découverte, 2016, 21 euros.
Au début du 20e siècle, des ingénieurs étatsuniens mettent au point ce que Taylor a fait connaître comme le « management scientifique », afin de gérer, d’organiser l’organisation du travail. Cet ouvrage rappelle que les modes d’organisation qui dominent entièrement l’organisation du travail aujourd’hui n’ont pas toujours été la règle, on a pu leur préférer des solidarités familiales ou des rapports de confiance… Un siècle plus tard, ce courant idéologique et ses méthodes se sont insinués partout dans le monde et à tous les niveaux, non seulement de l’organisation du travail mais aussi de la vie sociale. C’est l’histoire de cette idéologie, de ce courant intellectuel, que l’auteur considère comme l’un des plus influents du 20e siècle, qui est retracé dans ce livre.
Ce que montre l’auteur, c’est la très grande constance du corpus idéologique, qui est pour beaucoup resté stable depuis un siècle : la référence à Taylor et au taylorisme reste la valeur centrale.
Le récit de l’extension de l’idéologie managériale à des domaines qui touchent peu à peu l’ensemble des secteurs de l’entreprise, puis de nos vies (à tel point que la rationalité managériale est souvent devenu un sens commun), est particulièrement éclairant. L’auteur pousse alors sa réflexion et s’interroge : « Une fois la société managérialisée, quoi de plus normal que de considérer l’individu lui même comme une entreprise ? Le traiter autrement risquerait d’en faire un inadapté. » Il insiste encore sur le fait que le « management de soi » repose sur des réponses individuelles, évacuant toute forme d’organisation ou de solutions collectives.
Un travail passionnant et un ouvrage qui fera sûrement date, tant il décrit avec précision les mécanismes de construction, de diffusion et finalement d’imposition, d’une idéologie puissante et omniprésente dans nos vies. Et si les mécanismes de construction apparaissent aussi clairement, c’est peut-être un premier pas pour sa destruction.
Source : NPA