Notre camarade André Henry a écrit ses mémoires, qui retracent une des plus belles pages de l’histoire du mouvement ouvrier après-guerre:L’épopée des verriers du Pays noir. Nous avons demandé à une série de personnes de différents milieux de la gauche de commenter cet ouvrage. Nous publions ci-dessous la contribution d’Erik Demeester, rédacteur des revues ‘Vonk’ et ‘Révolution’, militant FGTB Bruxelles. Les textes déjà publiés sont consultables ici. —LCR web
Un livre qui vous tient en haleine, qui vous fait rire et parfois vous donne envie de pleurer. Voilà la recette classique d’un bon roman à succès. Mais cette fois-ci il s’agit d’autre chose, de quelque chose de plus fort encore que la fiction, il s’agit du récit de la lutte des ouvriers verriers de Charleroi racontée par André Henry, ouvrier verrier lui-même et militant trotskyste.
Avec la publication de ce livre, les éditeurs rendent un formidable service non seulement à la mémoire ouvrière, mais aussi à la vie et la lutte d’un militant hors-norme. L’épopée décrite ici montre que loin des visions simplificatrices du marxisme, l’histoire n’est pas régie par des lois aveugles et implacables qui agissent en dehors de l’action humaine. Eloignés de tout fatalisme, l’histoire est le résultat des efforts, des initiatives, des actions conscientes d’êtres humains engagés dans des conditions données. L’action consciente d’André Henry et de ses camarades a infléchi la lutte des travailleurs verriers de façon décisive. Cadre ouvrier marxiste, il prouve aussi que le marxisme n’est pas d’abord affaire d’universitaires, mais de travailleurs, de ‘l’avant-garde intellectuelle’ de la classe ouvrière.
Une fois qu’une ou plusieurs idées (contrôle ouvrier, assemblée générale, comité de grève, élection et révocabilité des délégués, lutte contre la bureaucratie dans les syndicats, nationalisation) quittent le livre dans lequel elles ont été écrites (le ‘Programme de Transition’) et qu’elles s’emparent des masses (en occurrence ici les ouvriers verriers) elles deviennent une force qui a prise sur la réalité, capable de changer le cours des choses. Ces idées ne tombent pas du ciel, mais sont le condensé de l’expérience de lutte de différentes générations de travailleurs. André démontre aussi que des grands mouvements sociaux ne jaillissent pas de nulle part. La forme et le contenu qu’elles prennent dépendent en grande partie du travail de préparation, des discussions préalables parfois laborieuses à l’intérieur de la classe ouvrière.
Que retenir de ce livre ? D’abord que l’histoire du mouvement ouvrier, ce n’est pas que du passé. Si on la comprend bien, l’histoire peut devenir l’avenir d’aujourd’hui. André Henry en parlant du passé trace l’avenir du mouvement ouvrier. Pour remettre du mouvement dans le mouvement, il faudra injecter une forte dose de démocratie dans nos organisations syndicales en commençant à (re)donner le pouvoir aux travailleurs. Avoir confiance dans les travailleurs et les militants, mais aussi et surtout ne pas avoir peur du débat politique avec les affiliés. Repousser le périmètre du pouvoir des patrons sur le lieu de travail par l’exercice intelligent du contrôle ouvrier. Et lier le combat quotidien des travailleurs à la compréhension qu’à l’intérieur du capitalisme il n’existe pas de solution pour la majorité de la population. C’est ainsi que le travail syndical devient une bonne école de préparation au socialisme.
Erik Demeester, rédacteur des revues ‘Vonk’ et ‘Révolution’, militant FGTB Bruxelles.
Photo: La Gauche