Depuis la fédéralisation de l’État belge certains commentateurs politiques flamands se posent la question si le mouvement flamand a encore un sens et si oui, lequel ?
Pour pouvoir répondre à cette question d’un point de vue socialiste, nous devons jeter un coup d’œil sur l’origine et l’évolution de ce mouvement. Le mouvement flamand est né comme un mouvement émancipateur culturel dans le giron de la petite bourgeoisie en Flandre. Elle ne possédait qu’un seul moyen d’avancer, sa langue. Le but du mouvement était le néerlandais comme langue officielle à côté du français. Cette limitation au plan linguistique suscitait quelques critiques sans beaucoup de résultats, entre autres celle de l’intellectuel socialiste August Vermeylen qui défendait un mouvement émancipateur sur les différents terrains sociaux. Le mouvement socialiste donnait la priorité à la lutte pour le bifsteck au lieu de la combiner avec la lutte culturelle. Quant au mouvement catholique flamand profondément conservateur, il voulait avant tout conserver une Flandre intégralement catholique. Pas d’aventures sociales ! L’encyclique Rerum novarum était la bienvenue. Les idées séparatistes et fédéralistes restaient très marginales. Le mouvement flamand optait pour la Belgique.
Le mouvement flamand changea de caractère après la 1e Guerre mondiale. La néerlandisation était toujours, vu l’état des choses, le but principal, mais sous l’influence parmi d’autres du romantisme en de conditions sociales, les idées nationalistes gagnèrent du terrain dans le mouvement à partir des années 1920. Il se développa un nationalisme flamand qui devint l’idéologie des organisations fascistes comme le Verdinaso, De Vlag et le Vlaams Nationaal Verbond, mais qui ne se limitait pas à ces derniers. Quand le fascisme flamand reçut un coup très dur avec la défaite de l’Allemagne, le nationalisme flamand se rangea en majorité du côté de la démocratie en formant la Volksunie. Son but politique était dorénavant la fédéralisation de la Belgique. Les idées séparatistes d’extrême-droite restaient marginales ou souterraines pour réapparaître plus tard, prospérant sur la crise économique, la xénophobie et le racisme, dans la forme du Vlaams Blok/Belang. Pour citer la fin de la pièce Arturo Ui de Bertolt Brecht : le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête.
Mais il s’est formé un mouvement flamand qui a certainement des racines dans le passé, mais qui véhicule une idéologie politique différente, concrètement l’idéologie du néoliberalisme. Le rôle du Vlaamse Volksbeweging (Mouvement Populaire Flamand) n’est pas étranger à ce développement puisqu’il a produit différent dirigeants de la NV-A de Bart De Wever. La question linguistique ne joue plus aucun rôle. La fédéralisation en tant qu’une autonomie prononcée de la Flandre a clos la revendication fédéraliste. Ce qui n’empêche cependant pas que pour des raisons électorales les plus plates et démagogues on fait semblant que ce fédéralisme est incomplet : les Wallons nous volent les sous de nos durs labeurs, les syndicats (les grévistes wallons) sabotent le pouvoir concurrentiel de la Flandre, etc. Mais cette démagogie a un but très précis : renforcer l’attaque contre les syndicats et le mouvement ouvrier en général. Les partis socialistes, tout sociaux-libéraux qu’ils sont, sont toujours trop à gauche pour ce mouvement flamand néolibéral avec à sa pointe le NV-A et le patronat.
Conclusion: la seule fonction politique de l’actuel mouvement flamand c’est la transformation de la Flandre en région autonome où règne la main invisible du marché, avec un mouvement ouvrier émasculé (pour employer une expression machiste), la privatisation des services sociaux et une culture soumise au commerce. On verra si le nationalisme flamand arrivera à ses fins.
Supposons que la Flandre devienne indépendante. Y aura-t-il encore une place pour un mouvement flamand ? Est-ce que la France possède un mouvement français, la Suède un mouvement suédois ? Bien sûr que non. C’est aussi devenu en Flandre une absurdité.
image: regietheatrale.com