Je suis tombé tout par hasard sur un article de 1946 publié par le Parti communiste britannique. Il porte le titre Atomic Energy and Social Progress (Énergie atomique et progrès social). L’auteur en est William Paul (1884-1958), directeur du magazine Communist Review.
Le point de départ de Paul sont les bombes atomiques qu’on venait de jeter sur le Japon. William précise que le Japon ne voulait pas se rendre, que les USA avaient choisi l’arsenal de Hiroshima et le port stratégique de Nagasaki. Ce bombardement, combiné avec l’action de l’Armée Rouge en Mandchourie, mit fin aux fauteurs de guerre qu’étaient les pouvoirs fascistes, responsables du meurtre de millions de gens et de la dévastation de l’Europe. Et Paul conclut que toute personne intelligente sait que la bombe atomique a aidé à écourter la guerre et à sauver des millions de gens.
Paul ne dit pas un mot sur les hommes, femmes et enfants qui ont péri ou qui continuent à souffrir des effets des bombes. Il accepte ces actes terroristes, tout comme il accepte les bombardements alliés non moins terroristes contre la population allemande. On croyait ainsi pouvoir combattre le terrorisme nazi. Le contraire était vrai : les populations allemandes se rangeaient encore plus derrière Hitler.
Suit maintenant un exposé matérialiste-hystérique sur le développement technologique et l’énergie atomique comme facteur de progrès contre les forces obscures de la réaction. Il est clair que tous les réactionnaires sont contre l’emploi de la bombe A comme arme, non seulement le Vatican, mais également les pacifistes de tous bords. Critiquer l’énergie atomique avec leur philosophie « mystique et réactionnaire », signifie que l’homme ne possèderait pas la capacité morale pour contrôler les forces scientifiques grandissantes : « Chaque pas en avant du progrès humain et de sa force morale, à été déterminé par l’usage social du développement des facilités techniques, et en exploitant et en transformant les formes naturelles (sic) de l’énergie à sa disposition, dans chaque grande période de l’histoire ». Ce sont, selon notre oracle, les classes dominantes qui ne sont pas capables de développer les ressources techniques et naturelles quand la société et sa culture sont en crise. On ne dirait plus ça aujourd’hui, après Three Miles Island, Tchernobyl, Fukushima et devant le changement climatique qui menace l’existence du genre humain.
Tandis que les animaux sont, toujours selon William, des « parasites » de la nature, l’homme se distingue d’eux par le fait qu’il transforme la nature pour survivre et par là se transforme lui-même. Si la deuxième partie de cette affirmation correspond dans sa forme à ce que prétend le marxisme, il faut se poser la question s’il n’y a pas une limite aux possibilités de transformation de la nature, notamment les limites de l’équilibre écologique, que notre théoricien communiste ignore totalement. Le lecteur prolétaire de cet article, avide de connaissance et désirant comprendre le monde et son développement, a maintenant droit à une histoire globale de l’humanité et de son énergie à partir des temps préhistoriques, cela évidemment selon la chronologie inébranlable des différents modes de productions établis par Josep Staline : communisme primitif – société esclavagiste antique – féodalisme – capitalisme, que toutes les cultures, sans exception ont traversé. On y apprend que l’utilisation de la poudre à canon contribué au changement des rapports de force entre les seigneurs et les classes opprimées, car les féodaux décadents étaient incapables d’utiliser les armes nouvelles contre les bourgeois et les paysans. Etc. Suit le charbon, l’électricité, le pétrole, que le capital monopolistique et impérialiste a toujours sous-utilisé dans le développement des forces productives, freinant ainsi la marche vers le socialisme. Heureusement que la politique économique de l’URRS agit différemment. Pour Paul ce sont les grands scientifiques qui ont découvert les secrets de l’atome, et cela contre les dirigeants capitalistes réactionnaires. Aujourd’hui ces capitalistes non-démocrates (car il y a des bourgeois démocratiques) veulent garder ces secrets, pour empêcher l’URRS de les utiliser pour l’émancipation du genre humain, et dont la bombe A fait partie.
Mais nous vivons en 1946 la désintégration du capitalisme, selon le génial Père de Peuples et ses acolytes, « période de désintégration qui coïncide avec la désintégration de l’atome ». « Cette nouvelle énergie conduira à l’État mondial » selon le physicien Sir Lawrence Bragg, cité par l’incomparable Paul. Puisque selon la vulgate marxiste le développement des forces de production est devenu impossible dans le carcan capitaliste, il mènera à une nouvelle société, le socialisme, premier stade du communisme. Ce rôle est dévolu à l’énergie atomique. Vive l’énergie atomique, vive les centrales nucléaires ! Et puis ça crée des boulots. Tant pis pour les accidents. Le génie humain, grand transformateur de la nature saura toujours trouver une solution technique face aux dangers.