En juillet dernier, le gouvernement Michel-Jambon soumettait au vote de la Chambre un paquet de mesures anti-terroristes mises dans le pipeline suite à la neutralisation à Verviers d’un commando de l’Etat islamique qui préparait un attentat dans le pays.
Une de ces mesures était l’extension de la déchéance de nationalité. La loi prévoyait déjà cette déchéance pour des personnes condamnées pour des actes graves, mais uniquement si ces personnes avaient acquis la nationalité belge depuis moins de dix années. Par le vote de juillet, la déchéance de nationalité était étendue, pour les actes de terrorisme, à toute personne ayant acquis la nationalité belge, quelle que soit la date d’acquisition. Cela signifie que la déchéance de nationalité peut frapper les personnes dites « de première ou de deuxième génération », même si elles sont nées en Belgique et que la Belgique est leur seul pays.
Prise en pleine période de congés, cette mesure est passée plutôt inaperçue, et le vote des élus de gauche également. Or, les élus d’Ecolo et du PTB n’avaient pas voté contre, ils s’étaient abstenus. Certains s’en sont étonnés sur les réseaux sociaux, notamment des membres de la LCR. Mais l’affaire n’a pas fait de vagues.
Les choses ont changé après les attentats de Paris, en novembre 2015, quand le gouvernement « socialiste » de Manuel Valls a proposé que les terroristes puissent être déchus de la nationalité française même s’ils sont nés français. Cette mesure intéresse beaucoup la droite chez nous, qui veut s’en inspirer pour pouvoir enlever la nationalité belge y compris à des citoyens de troisième et de quatrième génération.
Du coup, l’attention a été attirée sur les votes intervenus l’été dernier, en particulier sur le comportement des élu-e-s d’Ecolo et du PTB. Il est apparu assez clairement qu’ils avaient commis une erreur, et mis le pied sur un terrain glissant : celui de l’islamophobie, de la politique sécuritaire et de l’attaque contre les droits démocratiques. La LCR a attiré l’attention sur le danger (1).
Le PTB a eu le mérite de reconnaître son erreur publiquement, par un communiqué mis en ligne sur son site et que nous reproduisons ci-dessous. Il se dit « fermement opposé à tout mécanisme de déchéance de la nationalité, car elle est inefficace dans la lutte contre le terrorisme, et dangereuse, car elle renvoie une partie de la population belge au rang de semi-citoyens, des citoyens qui ont moins de droits que les autres ». Le communiqué en tire la conclusion : « Pour ces raisons, l’abstention émise par la fraction parlementaire du PTB lors du vote de la déchéance de nationalité en juillet dernier était une erreur. » (2)
La LCR se félicite de cette prise de position. Ecolo serait bien inspiré de faire de même. En même temps, le débat mérite de continuer. D’abord, parce que l’autocritique du PTB, quoique datée du 15 février, n’existe qu’en français : deux semaines se sont écoulées et le site du PVDA ne l’a toujours pas publiée, ce qui est assez curieux. Ensuite parce que, au-delà de la déchéance de nationalité, la question est de savoir jusqu’où le PTB corrigera son orientation.
Comme le dit le communiqué : « Les élus du PTB voulaient montrer (en s’abstenant) qu’ils ne s’opposent pas à la lutte contre le terrorisme, mais que les moyens avancés par le gouvernement ne correspondaient pas à la vision de ce combat qu’en a le PTB. » Or, pour montrer cela, les élus du PTB n’ont pas fait que s’abstenir, ils ont aussi approuvé l’appel à l’unité nationale et l’investissement de 400 millions d’Euros supplémentaires dans les forces de sécurité. Raoul Hedebouw a été tout à fait explicite à ce sujet.
Espérons que l’autocritique courageuse du PTB ne se limitera pas à la seule question de la déchéance de nationalité. La gauche a besoin de relais politiques qui osent dénoncer la politique sécuritaire en tant que telle, dans tous ses aspects.
(1) http://www.lcr-lagauche.org/attentats-ps-ecolo-et-ptb-dans-le-piege-securitaire/
Le communiqué du PTB
« Le PTB est fermement opposé à tout mécanisme de déchéance de nationalité, car elle inefficace dans la lutte contre le terrorisme, et dangereuse, car elle renvoie une partie de la population belge au rang de semi-citoyens, des citoyens qui ont moins de droits que les autres.
« Pour ces raisons, l’abstention émise par la fraction parlementaire du PTB lors du vote de la déchéance de nationalité en juillet dernier était une erreur. L’abstention émise au Parlement concernait un ensemble de dispositions visant à lutter contre le terrorisme. Les élus du PTB voulaient montrer qu’ils ne s’opposent pas à la lutte contre le terrorisme, mais que les moyens avancés par le gouvernement ne correspondaient pas à la vision de ce combat qu’en a le PTB. L’absention était cependant une erreur, notamment car la seule mesure concernant la déchéance de nationalité aurait justifié un vote contre. Seul un vote contre pouvait en effet traduire notre opposition de principe contre cette mesure et le programme avec lequel nous nous sommes présentés aux élections en 2014.
« Le PTB a en effet dans son programme le principe des droits égaux, y compris pour les binationaux, et le fait qu’un citoyen binational ne peut être un demi-citoyen. De même, pour le PTB, la nationalité belge est un droit qui doit être octroyé automatiquement à toute personne qui séjourne légalement depuis trois ans dans notre pays. Le PTB s’oppose à ce qu’il y ait des tests d’intégration lors de l’acquisition de la nationalité. »