Les seules mesures réelles annoncées par le nouveau président du Conseil des ministres [premier ministre italien] Matteo Renzi (membre du Parti démocratique) en ce début mars 2014 – mesures déjà inscrites dans un décret-loi qui entrera sous peu en vigueur – concernent avant tout la flexibilisation du travail ainsi qu’un coup de massue contre les droits des travailleurs et travailleuses transformés en salarié·e·s précaires, par décret et pour toujours.
1.- Les contrats à durée déterminée (CDD) seront complètement libéralisés : les patrons pourront signer et imposer un CDD sans aucune indication concernant le motif. Il pourra se prolonger durant trois ans. Ils auront l’autorité d’embaucher et de débaucher selon leur bon plaisir. Ce statut peut être appliqué jusqu’à 20% du total des salarié·e·s d’une entreprise.
2.- Les contrats d’apprentissage – qui en principe devraient garantir une formation professionnelle et un emploi – sont à leur tour libéralisés et laissés à l’arbitraire des entreprises sans aucune obligation et avec la possibilité de péjorations salariales. Il n’existe plus de garantie qu’un apprenti soit engagé avec un contrat à durée indéterminée (CDI). Voilà pourquoi Giorgio Squinzi [1], le patron des patrons – à la tête de la Confindustria –, est aussi satisfait et soutient Matteo Renzi.
3.- Quelqu’un pourra dire : « Mais au moins, cette fois, il nous donnera 80 euros par mois » [2]. Deux précisions à ce propos.
• La première : attendez de les avoir vus.
• La seconde : avez-vous une idée des sommes qui ont été volées aux salarié·e·s ? Cela au moyen : d’une « adaptation salariale » inférieure à l’inflation ; avec les abaissements des allocations intervenues pour la cassa integrazione [institution assurant à certains chômeurs un revenu censé être obtenu lors d’une mise au chômage technique ; la cassa integrazione a deux faces : soit ordinaire, soit extraordinaire, c’est-à-dire pour une période plus longue] ; avec la politique fiscale [les salarié·e·s, comme toutes les études l’indiquent, sont les principaux, pour ne pas dire les seuls, contributeurs à la recette fiscale en Italie] ; avec le travail précaire sans cesse croissant ; avec le blocage des salaires dans le secteur public. Cela représente des milliers d’euros chaque année par travailleur. Les 80 euros ne constituent pas une compensation, mais seulement une petite aumône, alors que la mise en place des nouveaux systèmes de salaires continuera à réduire la paie.
4.- Où veut-il prendre l’argent ? Renzi répond : « En coupant dans les dépenses publiques ».
C’est-à-dire la politique de la spending review [examen des dépenses, proche dans sa finalité au frein à l’endettement en Suisse] qui se concrétise par des restrictions odieuses des dépenses dans des domaines comme le dépistage de maladies (entre autres pour les femmes), ou encore dans des secteurs répondant à des besoins sociaux essentiels, tels que la santé, l’aide sociale (y compris pour les handicapés), l’éducation, les transports. Secteurs qui seront de plus en plus aux mains du privé avec la hausse des prix qui s’ensuivra pour ces services de base.
Parallèlement, un grand nombre d’emplois dans le secteur public seront supprimés. Le chiffre de 85’000 est déjà articulé. Ce que Renzi et ses alliés font semblant de donner d’une main, ils le reprennent avec l’autre, les intérêts en plus.
5.- Voilà le jeu que distribue Renzi : « une bonne carte, une mauvaise carte… » C’est cette dernière qu’il veut laisser dans les mains de la classe ouvrière. Voilà le vrai Renzi.
Il s’inscrit dans une totale continuité avec la politique des gouvernements Berlusconi, Mario Monti [président du conseil des ministres de novembre 2011 à avril 2013] et Enrico Letta [d’avril 2013 à février 2014]. Renzi dirige un gouvernement des patrons dont il faut non seulement se méfier, mais que nous devons combattre si nous voulons obtenir effectivement des salaires décents et des emplois pour tous et toutes.
• Non à la précarité et aux coupes dans les services publics.
• Pour une véritable hausse – récupération en réalité – des salaires qui doit être forte et garantie par des contrats valables à l’échelle nationale, par des batailles collectives et par l’unité dans la lutte des travailleuses et des travailleurs.
• Les emplois doivent être créés par la distribution du travail existant entre tous et toutes et avec une intervention publique ample et de qualité qui assure de nouveaux postes de travail, des services et des infrastructures utiles aux besoins et au bien-être de la collectivité.
Sinistra anticapitalista
[1] Giorgio Squinzi est propriétaire de l’entreprise MAPEI, fondée par son père en 1937. Entreprise qui fabrique des colles, des adjuvants, des mortiers, etc. pour le bâtiment. Il a sponsorisé longtemps une équipe cycliste, du même nom que son entreprise, puis s’est recyclé dans le football, pour ce qui est de son activité « sociale ». (Rédaction A l’Encontre)
[2] Renzi a annoncé une réduction des impôts de 10 milliards d’euros avec l’objectif d’en faire profiter ceux qui gagnent moins de 15’000 euros par an. Sa formule publicitaire : « 10 milliards d’euros pour 10 millions d’Italiens ». Suite à la visite de Matteo Renzi en France, le 15 mars 2014, François Hollande a déclaré : « Dans les annonces qu’a pu faire le président Renzi et dans les choix que j’ai faits pour la France, notamment le pacte de responsabilité, il y a beaucoup de points communs. A la fois la reconnaissance que nous devons moderniser le marché du travail, mais aussi faire que les engagements en termes d’emploi puissent être respectés par l’ensemble des acteurs économiques. » (Rédaction A l’Encontre)
* Tract distribué le 19 mars 2014. Traduction A l’Encontre. http://alencontre.org/
Source : ESSF