Le plan de destruction massive des acquis sociaux, et de neutralisation des capacités revendicatives du mouvement syndical, imaginé par le gouvernement Michel dépasse de loin tout ce que nous avons connu depuis 1945. Il n’est donc pas étonnant que la première riposte des travailleurs ait été massive : plus de 120.000 manifestants dans les rue de Bruxelles, cela ne s’était plus vu depuis longtemps. Oui, mais la suite ?
De nombreuses questions
Le front commun syndical a programmé des grèves tournantes, par provinces, le 24 novembre, le 1er décembre, le 8 décembre, et une grève nationale le lundi 15 décembre. Cependant les questions sont nombreuses. Pourquoi les dirigeants des trois syndicats se sont-ils précipités au 16 rue de la Loi alors que la manifestation n’était pas encore terminée et qu’il n’y avait rien à négocier sur la table ? Le plan prévu par le front commun syndical suffira-t-il à faire reculer le gouvernement sur des mesures clés elles que la pension à 67 ans et le saut d’index ? Et si le gouvernement cède sur ces deux points clés, pourra-t-il se maintenir ? Ne vaut-il pas mieux mener directement la lutte pour la chute du gouvernement Michel? Comment ? Et pour le remplacer par quoi ? Par le retour du PS et du Spa au gouvernement fédéral ?
En 1977, un mouvement de grève tournantes a balayé Tindemans
Au cours de l’année 1976, le gouvernement Tindemans-Declercq (catholique, libéral et Rassemblement wallon) a pris une série de mesures contre les travailleurs : plan d’austérité de 23 milliards de FB (570 millions €), manipulation de l’indes, prolongation du stage d’attente des jeunes, coupes budgétaires (pensions, enseignement, soins de santé, chemin de fer). En janvier 1977, le gouvernement impose la cotisation de solidarité.
Le 25 janvier 1977, les comités nationaux de la FGTB et de la CSC se réunissent chacun de leur côté. Ils annoncent une campagne d’information commune pour la défense des acquis et la réduction hebdomadaire du temps de travail. Cette campagne étant censée déboucher sur des actions à partir du 25 février. Le 12 février l’Interrégionale flamande de la FGTB manifeste à Bruges. Le 25 février, première journée des 5 jours de grèves tournantes par province, le Hainaut et la Flandre occidentale devaient partir en grève. Mais les directions syndicales sont débordées. Les services publics ont leur propre calendrier de grèves nationales en front commun.
Le 4 mars, deuxième jour de grève tournante, il y a 370.000 grévistes dans la province de Luxembourg et en Flandre orientale. Le 8 mars le Premier ministre Tindemans court donner sa démission au roi. Les chambres sont dissoutes et des élections anticipées seront organisées. Le 9 mars, les directions syndicales décident de suspendre les actions prévues. Le 11 mars, il y a malgré tout une quinzaine d’entreprises en grève dans la région de Namur. Le 15 mars, un Comité national élargi de la FGTB décide d’organiser un congrès après les élections.
1977 : quelques leçons importantes à tirer
- Un mouvement de grèves tournantes allant crescendo est capable de faire tomber un gouvernement. Il faut pour cela que les travailleurs soient décidés non seulement à lutter, mais à dépasser leurs directions syndicales pour élargir le mouvement (voir encadré)
- Dès que le gouvernement cède (ou fait mine de céder) les directions syndicales multiplient les manœuvres pour mettre fin aux mouvements de grève et reprendre ainsi le contrôle de la situation.
- Après les élections de 1977, le PS et le SP sont allés au gouvernement pour mener une politique semblable. Cela ne vous rappelle rien ?
Comment les travailleurs ont débordé leurs directions syndicales en 1977
Le 25 février 1977, pas un seul train n’a roulé dans l’ensemble du pays. 100.000 travailleurs des services publics (cheminots, communaux) ont fait grève.
Dans les deux provinces concernées (Flandre occidentale et Hainaut) la grève a été un succès. Aucun bateau de la malle Ostende-Douvres n’a navigué. Meeting de 2.000 grévistes à Bruges. Grève totale dans le Hainaut avec manifestations massives (3.000 à La Louvière, 10.000 à Mons, les travailleurs de Caterpillar ont fait deux jours de grève.
Dans la province de Namur, aucune grève officielle n’était prévue. 4.000 verriers de la Basse-Sambre ont quand même fait grève. D’autres usines de la région ont connu des arrêts de travail à Andenne, Ciney, Couvin, Jemeppes (Solvay). A Namur, un cortège de 500 voitures a sillonné la ville.
A Bruxelles 7.000 manifestants ont défilé (Michelin, Côte d’Or, Hôpital Brugmann, Banques et Assurances.
Article : Les grèves du vendredi dans le n°70 de La Gauche