En 2016, en Belgique et ailleurs, les violences machistes restent une lourde réalité pour toutes les femmes, quel que soit leur âge, leur milieu, leur origine. Au cours de notre vie, nous rencontrons chacune ces violences, avec plus ou moins d’intensité et sous l’une ou l’autre de leurs déclinaisons : violences conjugales, sexuelles, psychologiques, économiques, institutionnelles, mutilations, harcèlement de rue, mariages forcés, discriminations, sexisme quotidien, … Nous sommes toutes concernées !
Ces violences ont pour point commun d’être commises par des hommes envers des femmes uniquement parce qu’elles sont femmes. Elles sont largement invisibilisées et banalisées parce qu’elles s’inscrivent dans un rapport de pouvoir inégalitaire entre hommes et femmes qui autorise les premiers à maintenir et renforcer leur statut de supériorité et qui habitue les secondes à vivre avec. Pourtant, les violences machistes font de lourds dégâts. Pour ne citer que quelques chiffres, on dénombre en Belgique 157 femmes tuées par leur (ex)compagnon en 2013 ou encore 3.000 viols déclarés par an qui n’aboutissent à des condamnations que dans 4% des cas tandis que la police estime que seuls 10% des viols sont dénoncés. Rien d’étonnant puisque les femmes sont rarement écoutées, crues et secourues. Celles qui sont en séjour précaire (sans papiers, en demande d’asile ou en regroupement familial) sont sous la crainte d’une expulsion qui ne leur laisse aucun recours. Les victimes subissent même parfois des insultes et des menaces de la part des personnes auxquelles elles ont demandé de l’aide ! Pire, l’actualité nous montre qu’une femme peut encore être condamnée à plus de vingt an de prison pour s’être défendue de son mari abuseur sexuel et violent, là où les assassinat de femmes par des hommes sont jugés comme passionnel, comme un résultat de « trop d’amour ». C’est inacceptable dans une société qui se prétend libre et démocratique !
Parfois, les médias, les pouvoirs politiques et l’opinion publique s’indignent. Mais nous regrettons que cette indignation s’exprime essentiellement autour de dates symboliques (comme le 25 novembre, journée internationale contre les violences faites aux femmes), histoire de se donner bonne conscience, ou encore suite à la révélation d’agressions perpétrées par des hommes d’origine étrangère et de milieux populaires comme ça a été le cas à Cologne au nouvel an. Les violences machistes deviennent alors un prétexte pour appuyer les politiques sécuritaires, racistes, impérialistes et capitalistes dans lesquelles s’engagent toujours plus les gouvernements européens et qui ne défendent en rien les droits des femmes, bien au contraire.
Nous refusons que d’autres parlent à notre place de nos vies que nous sommes les seules à connaitre. Nous refusons que d’autres prétendent vouloir nous défendre alors que leur agenda politique est tout autre. Nous refusons d’être instrumentalisées. Nous voulons que nos paroles et nos réalités soient entendues pour ce qu’elles sont. Nous voulons que la société assume collectivement la responsabilité des violences machistes et mette en place des moyens structurels à la hauteur du défi pour qu’elles ne soient plus tolérées et pour que, enfin, nous puissions toutes vivre en sécurité.
En 2016, les violences envers les femmes, c’est partout et tous les jours. Ça suffit!
Nous, femmes solidaires, refusons :
– que d’autres parlent à notre place de nos vies que nous sommes les seules à connaitre. Marre du paternalisme!
– que les violences machistes que nous rencontrons toutes avec plus ou moins d’intensité sous l’une ou l’autre de leurs déclinaisons (violences du partenaire, sexuelles, psychologiques, économiques, institutionnelles, mutilations, harcèlement de rue, mariages forcés, discriminations, sexisme quotidien, précarisation, …) soit minimisées ou invisibilisées. Marre du déni!
– d’être jugées et incitées à changer de comportement pour éviter les violences que nous subissons. Marre de la culpabilisation!
– que d’autres prétendent vouloir nous défendre alors qu’ils concrétisent en fait sur notre dos des politiques sécuritaires, racistes, impérialistes et capitalistes qui ne font en rien avancer les droits des femmes, bien au contraire. Marre de l’instrumentalisation!
Nous exigeons :
– que nos paroles et nos réalités soient entendues pour ce qu’elles sont.
– que la honte change de camp, que les violences machistes sous toutes leurs formes ne soient plus tolérées.
– que la responsabilité des violences machistes soit assumée collectivement et que les pouvoirs publics débloquent donc des moyens pour les combattre structurellement.
– Nous exigeons de vivre enfin toutes en sécurité.
C’est pour ça, et parce que nous savons que ce n’est que par notre mobilisation déterminée et collective que nous parviendrons à faire bouger les choses, que, à l’approche de la journée internationale des droits des femmes, nous appelons nos mères, nos sœurs, nos copines, nos voisines à prendre la rue ensemble pour une manifestation de femmes* le samedi 5 mars 2016, à 14h, à Bruxelles, au départ de la Place Marcel Broodthaers (gare du midi, sortie Fonsny).
Notre féminisme n’a pas de sens s’il entretient les privilèges de certaines (blanches, hétéros, valides, bourgeoises, avec papiers, …) au détriment d’autres d’entre-nous. Nous savons que notre combat ne peut se gagner qu’en s’attaquant en même temps et avec autant de vigueur à toutes les oppressions et discriminations.
Aussi, pour garantir une action solidaire et inclusive où chacune se sente bien et à sa place, aucune expression raciste, islamophobe, lesbophobe, homophobe, transphobe ou putophobe ne sera donc tolérée dans le cortège. Nous resterons mobilisées dans ce sens au-delà du 5 mars, en soutenant et rejoignant notamment la manifestation organisée le lendemain par le comité des femmes sans papiers (infos ici).
Femmes en lutte
Avec le soutien de Feminisme Yeah!, Cercle Féministe de l’ULB, Collectif contre l’islamophobie en Belgique (CCIB), Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie (Mrax), KIF KIF, Azira’s Way, My Choice Not Yours, FEL – feministisch en links, Garance asbl, Bruxelloise et Voilée, Tayush, Vrouwen Overleg Komitee (VOK), Amnesty International Belgique francophone, les Affranchies (groupe féministe des JOC Bruxelles), Malfrap, ActivisChildCare, … (Pour soutenir l’initiative, comme organisation ou individuellement, écrire à femmesenlutte@gmail.com)
*La manifestation est ouverte à toute personne qui a vécu ou vit une oppression en tant que femme ou perçue comme telle. Les hommes qui voudraient nous apporter leur soutien sont chaleureusement invités à le faire en respectant notre choix de non-mixité et en collaborant d’une manière ou d’une autre à la promotion de notre mobilisation. Dans ce cadre, toute initiative de leur part solidaire mais séparée est donc aussi la bienvenue.