Il ne faut pas confondre « arrêt de travail généralisé » et « grève générale ». Le premier est un coup de semonce qui ne fait pas de victimes, la seconde un affrontement « au finish » dans lequel la classe ouvrière jette toutes ses forces. On peut décréter un arrêt de travail généralisé pour une période déterminée de 24 heures, de 48 heures, ou plus, afin d’imposer un cahier de revendications déterminé. La grève générale, par contre, quand elle éclate, personne ne peut savoir combien de temps elle durera. Elle ne s’achève que par l’épuisement ou la défaite d’un des camps en présence. Personne ne peut savoir non plus jusqu’où elle ira en termes de revendications, pour la simple raison que la grève générale est un mouvement de convergence des revendications, un mouvement qui se développe par le ralliement à l’action de toutes les couches opprimées et exploitées. Quand la grève générale est là, la tâche de tout-e militant-e de gauche conscient-e est de contribuer à l’étendre, à la renforcer, à l’organiser. En bref, de mettre tous les moyens en œuvre pour gagner.
Le retour des grèves spontanées
Les grèves dans le secteur public en Wallonie et à Bruxelles font flotter un léger parfum de ce qui pourrait peut-être déboucher, à certaines conditions, sur une grève générale. Une chose est certaine : le niveau d’activité gréviste, la durée des grèves et le fait qu’elles sont en grande partie spontanées ou semi-spontanées créent une situation nouvelle : on n’est plus dans le cas de figure des « plans d’action » syndicaux bien huilés, massifs mais sages, avec leurs traditionnelles manifestations Nord-Midi et leurs arrêts de travail de 24 heures. Face à la brutalité des attaques du gouvernement Michel, tout se passe comme si une partie de la classe ouvrière cherchait en pratique une alternative à la stratégie des sommets syndicaux qui ont dilapidé la force du mouvement de l’automne 2014 dans une concertation sans issue. Mais, pour le moment, le phénomène est presqu’intégralement limité au secteur public dans la partie francophone du pays. Cela confronte le mouvement ouvrier à une question stratégique de fond : deux ans après la formation du gouvernement de droite, près de deux ans après l’impasse de la lutte de 2014, comment refaire l’unité de combat du monde du travail ?
La grande nouveauté est le retour des grèves spontanées. Elles avaient quasiment disparu du paysage social depuis de longues années. Elles sont réapparues en avril, juste après les attentats. A ce moment, les directions syndicales, désemparées par l’échec de leur stratégie, et tétanisées par le climat sécuritaire, comptaient seulement mener une « campagne d’information » étalée jusqu’aux élections de 2019. Face aux grèves qualifiées de « sauvages », certains observateurs ont compris que le fait d’avoir des sommets syndicaux sur la touche et impuissants pouvait, paradoxalement, menacer la stabilité néolibérale. A propos du débrayage « irresponsable » des contrôleurs aériens, Béatrice Delvaux s’inquiétait ainsi (le 14 avril) de ce que le scandale des Panama papers surgisse « en parallèle aux réformes fondamentales de la pension et de l’organisation du temps de travail – annoncées dans les deux cas en contournant la négociation sociale qui a toujours joué le rôle d’amortisseur ». « L’éditorialiste en chef » du Soir appelait donc le gouvernement à « ramener illico les grévistes à la raison » mais en étant « conscient qu’il a charge d’âmes très fragiles » qui exigent « protection, explication, cohésion et présence forte, assurée et unie. » En clair : attention, sans une concertation sociale un peu crédible, les directions syndicales risquent d’être débordées par leurs bases.
Une tendance à la convergence
Dans un premier temps, les conflits spontanés sont restés dispersés : à part leur coïncidence dans le temps, rien de visible ne reliait l’explosion de colère des sidérurgistes d’ESB à Seraing, la grève des contrôleurs aériens et l’arrêt de travail des grutiers égyptiens surexploités à Charleroi. Il n’en va plus de même aujourd’hui. On sent un potentiel de convergence et d’élargissement. Certes, les gardiens de prison, les cheminots, les postiers, luttent pour leurs revendications spécifiques, mais 1°) ces revendications ont en commun de souligner la nécessité d’un refinancement du secteur public dans son ensemble ; 2°) la confrontation avec le pouvoir leur donne un caractère directement politique ; 3°) la détermination des grévistes se répercute au sein des organisations syndicales, où l’intransigeance du gouvernement popularise la revendication « Michel dégage ! » ; 4°) cette revendication entre en résonnance avec le mécontentement social au-delà de la fonction publique, en particulier face aux projets du ministre Kris Peeters sur l’annualisation du temps de travail, les contrats intérimaires à durée indéterminée et la remise au travail des malades de longue durée.
Un avertissement insolite
Les médias exorcisent leur crainte d’une explosion sociale en faisant de l’antisyndicalisme à gros jets. C’est la manière la plus visible dont ils remplissent leur fonction de quatrième pouvoir . Mais, en même temps, la crainte des éditorialistes s’exprime dans une interpellation critique du gouvernement. Un exemple significatif est l’avertissement insolite lancé au premier ministre par l’éditorial du journal financier L’Echo du 25 mai 2016, le lendemain de la manifestation du front commun syndical à Bruxelles. Ce texte aurait pu être signé par les chefs de la FGTB et de la CSC. Il mérite d’être cité amplement, car il montre les appréhensions d’une partie de la classe dominante:
« Il est grand temps d’ouvrir les yeux. Il est grand temps de redonner le sourire aux travailleurs, et à tous les Belges d’ailleurs. Mais pour cela, il faut savoir admettre ses erreurs. Admettre que la concertation a manqué. Et surtout, corriger le tir. La FGTB a montré l’exemple, hier, en dénonçant dans l’heure les débordements des casseurs (…). Une réaction tout à son honneur, qui tranche avec sa communication suite aux blocages routiers de Liège l’automne passé. La FGTB a donc tiré la leçon de ses erreurs. Et si le gouvernement Michel faisait de même? Pas en se retranchant derrière les discours de ‘main tendue’ et de ‘porte ouverte’. Pas en relayant, la main sur le cœur, le discours syndical selon lequel il faut ‘plus de justice fiscale’ (dixit Kris Peeters). Mais en offrant aux syndicats de vraies marges de négociation. En donnant, dans les projets liés à la flexibilité au travail, de réelles perspectives d’amélioration des conditions de travail des Belges, plutôt que le contraire. En cessant de donner l’image d’un gouvernement enfermé dans sa tour de verre, à la solde des patrons. En se montrant, enfin, le gouvernement de tous les Belges. »
Michel opte pour l’affrontement
Comme on le sait, cet avertissement est resté lettre morte. A la Chambre, le 26 mai, le premier ministre n’a rien voulu entendre. Tournant le dos aux demandes ou suggestions d’une « vraie concertation » pour faire baisser la tension, Charles Michel a opté pour l’affrontement. Le chef du gouvernement, dans sa logique, n’a en fait pas d’autre choix: donner l’impression de reculer face à l’agitation sociale serait inacceptable pour la NVA qui, dans les sondages, perd 8% au Vlaams Belang – d’autant plus inacceptable que le centre de gravité de cette agitation sociale est situé quasi exclusivement en Wallonie ! Vrai chef de la coalition, Bart De Wever a d’ailleurs lancé un avertissement très clair en déclarant, le 20 mai, que « ce gouvernement ne rayonne pas d’ambition collective ». Or, le MR ne représente qu’un électeur francophone sur quatre, il a lié son sort à celui de la NVA, et il ne peut pas se permettre d’échec.
Affaibli par les révélations sur les failles sécuritaires dans la prévention des attentats, et ridiculisé par la presse internationale, le gouvernement a donc choisi la fuite en avant. De Wever a obtenu ce qu’il voulait : la coalition dont il tire les ficelles rayonne à nouveau d’une « ambition collective ». Une ambition à la Thatcher : mater les grévistes « sauvages » ; faire mordre la poussière aux secteurs syndicaux qui les soutiennent ; imposer la « loi travail » à la belge ; et forcer l’ensemble du mouvement syndical à jouer le rôle « d’amortisseur » de l’austérité (Béatrice Delvaux dixit) – voire de Père Fouettard et même, si nécessaire, d’auxiliaire de police. Cela passe ou cela casse. Si ça passe, la droite pourrait être en mesure d’imposer le service minimum en cas de grève dans les services vitaux, de faire adopter une législation mettant les piquets hors-la-loi, et de porter un coup supplémentaire aux syndicats en retirant les subsides versés pour le traitement des dossiers de chômage. Mais, si ça casse, il n’est pas exclu que le pays vive une agitation comme on n’en a plus vu depuis longtemps, tendant vers la grève générale.
Coup de poker
Pour le coup, on peut vraiment parler de « gouvernement kamikaze ». Rue de la Loi, on roule des mécaniques à tous les étages. Kris Peeters promet de « punir » (sic!) les cheminots partis en grève spontanée ; Jan Jambon menace de réquisitionner les policiers qui refusent de remplacer les gardiens dans les prisons en grève ; Koen Geens veut étrangler et affamer les gardiens francophones qui rejettent ses propositions à la quasi-unanimité ; le sinistre Théo Francken instaure le délit de solidarité avec les sans-papiers… Il ne faut pas s’y tromper : ce ne sont que les premiers jalons dans la mise en œuvre de la stratégie de combat adoptée par le gouvernement MR-NVA. Nous sommes confrontés à un véritable coup de poker du gouvernement des patrons et des riches. L’enjeu, du coup, va beaucoup plus loin que les conditions d’existence de telle ou telle catégorie de travailleurs et de travailleuses. Pour le monde du travail, il s’agit d’empêcher un basculement des rapports de forces sociaux, un changement qualitatif dans la place, le poids et la liberté d’action des syndicats dans ce pays. Maintenant !
L’Echo recommandait à Michel de « se montrer, enfin, le gouvernement de tous les Belges ». Le premier ministre fait l’inverse : sa coalition assume plus que jamais son image de « gouvernement enfermé dans sa tour de verre, à la solde des patrons ». En même temps, conscient des risques d’explosion sociale qu’implique son attitude provocatrice et arrogante, la droite a choisi d’exploiter à fond le décalage Nord-Sud dans les formes et les rythmes de la résistance sociale. Epaulée par les médias, elle joue délibérément la carte de la division communautaire, de la stigmatisation des « Wallons gréviculteurs » et de la dénonciation de la « violence » (celle des luttes, pas celle de l’austérité). Pour un peu, l’ennemi intérieur syndicaliste serait mis sur le même pied que l’ennemi extérieur djihadiste… Que le PS et le sp.a, chacun à leur manière, emboîtent le pas à cette campagne n’est pas étonnant : la lutte des travailleur-euse-s leur fait aussi peur qu’à la droite. Mais, il faut le dire avec force : les responsables syndicaux flamands (ou francophones !) qui tombent dans le panneau, ou qui hésitent, ne voient pas plus loin que le bout de leur nez.
Syndicats : ce qu’il ne faut vraiment pas faire
En excluant de la FGTB le syndicaliste qui a frappé le commissaire Vandersmissen, Marc Goblet scie la branche de la mobilisation des travailleurs sur laquelle il est assis. En excommuniant publiquement les cheminots grévistes au nom du respect des statuts, la présidente de la CGSP flamande, la juriste Chris Reniers, montre à quel point le formalisme du droit bourgeois a contaminé la structure syndicale. En acceptant de signer avec Geens un accord séparé qui permet aux gardiens de prison de Flandre de bénéficier d’avantages acquis par une lutte qu’ils n’ont pas menée – alors que les grévistes francophones rejettent cet accord à 94% ! – l’ACV-Services Publics (CSC) et l’ACOD (CGSP) volent au secours du gouvernement et violent l’essence même du syndicalisme. En décidant de ne plus indemniser les gardiens de la prison de Saint-Gilles sous prétexte qu’ils dépendent formellement de l’ACOD et de l’ACV, pas de la CGSP et de la CSC, les responsables Gino Hoppe et Filip Dudal, respectivement, vont plus loin encore : ils se rangent carrément dans le camp des briseurs de grève.
Il est évident que de tels comportements font le jeu du gouvernement fédéral. Celui-ci a besoin de détourner l’attention et de diviser le monde syndical pour faire passer les projets du ministre Peeters avant les vacances parlementaires. Il est évident aussi que ces comportements font le jeu du patronat et de la droite en général, qui ont besoin d’affaiblir les syndicats pour continuer leurs plans de régression sociale. Mais en plus, ces comportements font aussi, et surtout, le jeu de la NVA et, derrière elle, du Vlaams Belang. Or, ces deux partis sont des ennemis mortels du mouvement syndical, non pas avant tout en Wallonie, mais en Flandre ! En effet, que ce soit dans le cadre d’une Flandre indépendante ou dans le cadre d’une autonomie flamande accrue au sein de l’Etat belge, les projets politiques de la NVA et du Belang ne sont pas compatibles avec le syndicalisme tel que nous le connaissons. Ils ne sont compatibles qu’avec un «pseudo-syndicalisme » des privilégiés, national-corporatiste, xénophobe, sexiste et anti-égalitaire. Chris Reniers se tire une balle dans le pied.
De deux choses l’une
Le front commun syndical national a affirmé avec force son opposition aux projets du ministre Kris Peeters, et demandé une fois de plus « une vraie concertation ». La réponse de Charles Michel à la Chambre le 26 mai ne laisse aucun espoir que celle-ci aura lieu. Le premier ministre a dit et redit très clairement (par exemple au JT de RTL, le 31 mai) que son gouvernement « très déterminé » s’en tiendrait à la méthode qui consiste à décider d’abord et à « négocier » ensuite. C’est une provocation manifeste. Dès lors, de deux choses l’une : soit l’opposition de certains chefs syndicaux à la « loi travail » à la belge n’est pas aussi catégorique qu’ils le disent (le refus de la CSC de faire grève le 24 juin est déjà un signe dans ce sens !); soit rien n’est plus urgent que de donner rapidement des suites à la manifestation du 24 mai. En s’appuyant sur l’agitation sociale en cours, au lieu de la désavouer.
Ce n’est pas facile, et il est inutile de nier que le décalage Nord-Sud exacerbe aujourd’hui un danger de déchirure communautaire du mouvement syndical. Il convient de s’en alarmer sérieusement, car cela rapprocherait la droite et le patronat de leur grand objectif stratégique, qui reste la destruction de la Sécurité sociale fédérale. Mais lutter contre ce danger nécessite en premier lieu d’en faire l’analyse correcte. Les Wallons ne sont pas « gréviculteurs » par nature, et les travailleur-euse-s de Flandres ne sont pas par nature moins combatifs que leurs collègues francophones. La Flandre a connu des luttes sociales fort dures, comme celle des mineurs du Limbourg en 1970, celle des dockers d’Anvers et de Gand en 1973, la longue occupation de la raffinerie anversoise RBP en 1976, etc. Le développement inégal des luttes et de la conscience en Flandres et en Wallonie est un phénomène social, pas une loi immanente.
L’histoire ne repasse pas les plats
Ce n’est pas le lieu ici d’analyser cette question dans toutes ses dimensions. Par rapport à l’actualité immédiate, il suffit de constater que les grévistes et manifestants de 2014 étaient aussi nombreux, déterminés et combatifs en Flandre qu’en Wallonie. Confrontée sur son propre terrain à une majorité sociale qui menaçait directement sa majorité politique toute neuve, la NVA était mal prise, en octobre-décembre 2014. L’arrêt de la lutte lui a permis de se sortir de ce mauvais pas. Il est vrai que la CSC, où le nombre des affilié-e-s flamands est déterminant, porte une responsabilité majeure à cet égard. Mais 1°) la direction de la FGTB n’était pas en reste (y compris en Wallonie et à Bruxelles), et 2°) n’oublions pas que 48% des délégué-e-s au congrès du syndicat chrétien, début 2015, se sont opposés à l’accord interprofessionnel… dont la négociation a créé une profonde division entre travailleur-euse-s du privé et du public. En réalité, l’actuel « clivage » Nord-Sud doit être vu dans le cadre plus large d’un processus de désunion enclenché par la stratégie de concertation des sommets syndicaux.
Prétendre ou laisser entendre que les cheminots et les gardiens de prison grévistes nuiraient à l’indispensable unité d’action entre FGTB et CSC au niveau national, c’est oublier les faits qui ont conduit à la situation actuelle. Insinuer que leurs grèves compliqueraient inopportunément la bataille d’ensemble à mener pour « faire reculer le gouvernement », c’est mettre la réalité sur sa tête et se tromper de responsables. L’histoire ne repasse pas les plats. Le scénario de l’automne 2014 ne se reproduira pas à l’identique, parce que l’état-major syndical a conduit le mouvement ouvrier dans une impasse profonde, et qu’il n’en tire rigoureusement aucune conclusion. « Faire reculer ce gouvernement » est plus que jamais une vue de l’esprit : il faut le chasser, comme l’ont compris la CNE, la CGSP wallonne, et la plus grande partie de la gauche syndicale. Loin d’être un problème, les luttes en cours sont le seul moyen de recréer le climat de résistance sans lequel l’unité FGTB-CSC et l’unité Nord-Sud ne sont qu’un couteau sans lame. Plutôt que de faire la fine bouche, il faut au contraire saluer les grévistes qui rappellent au mouvement syndical cette règle d’or de la résistance sociale : « celui qui lutte peut perdre, mais celui qui ne lutte pas a déjà perdu ».
« Bousculer les structures »
L’ex-secrétaire régional de la FGTB de Charleroi l’écrivait récemment dans nos colonnes : « Les structures syndicales sont pesantes et conservatrices, empêchent les convergences et sont souvent (c’est un euphémisme) fermées aux couches les plus opprimées et les plus exploitées de la classe ouvrière. Ce n’est qu’en les bousculant que de l’air frais pourra entrer et qu’une alternative pourra se développer. » Bien vu. Au-delà des désagréments inévitables que leur lutte entraîne (pour les détenus, le terme « désagréments » est faible !) les cheminots et les gardiens de prison font effectivement entrer dans le syndicalisme une bonne dose d’air frais. Il s’agit non seulement de les soutenir mais aussi d’en profiter pour faire bouger les lignes dans le sens d’un « tous ensemble » combatif.
Et les lignes bougent, lentement mais elles bougent : appel à l’action de la CGSP wallonne, de la CGSP-ALR de Bruxelles, décisions de la CNE et de la CSC-enseignement de participer à la grève du 24 juin à l’appel de la FGTB, préavis de grève commun des cheminots francophones et flamands de la CGSP (retiré du côté flamand suite aux menaces de la direction, mais déposé néanmoins), manifestation nationale des syndicalistes chrétiens du secteur public… Les « bousculeurs de structure » restent peu nombreux du côté flamand, mais, face à ce gouvernement, il n’y a qu’une stratégie possible: miser sur le fait que leurs rangs peuvent grossir à l’avenir. Dans cette perspective, vu le poids de la CSC en Flandre, les décisions de centrales CSC francophones de faire grève le 24 juin constituentt un atout précieux.
Michel dégage !
S’appuyer sur les grèves spontanées pour bousculer les structures présente de solides « inconvénients » aux yeux des bureaucrates. En particulier celui-ci : il n’est plus possible dans ce cas de se limiter à contester la loi Peeters, encore moins de se contenter d’en adoucir certains aspects. Miser sur l’extension de la protestation par la gauche syndicale, c’est favoriser l’unité dans la lutte autour de tous les griefs des exploité-e-s et des opprimé-e-s. Plus question dans ce cas de cahier de revendications verrouillé par les appareils, taillé sur mesure pour la concertation avec les patrons et le gouvernement : c’est l’ensemble de la politique de régression sociale qui sera remise en question radicalement. Plus question non plus dans ce cas de manifestations-promenades et d’arrêts de travail sans lendemain : c’est un mouvement croissant vers la grève générale (la vraie) qui se met en branle. Plus question enfin de discours syndicaux hypocrites sur le thème « Nous ne faisons pas de politique » : ce mouvement, inévitablement, se fixera pour objectif de chasser ce gouvernement de malheur. Mais n’est-il pas grand temps d’admettre que chasser ce gouvernement est en fin de compte la clé de voute de l’unité d’action à reconstruire ? Michel dégage !
Le 1er juin 2016
Action de masse et polarisation gauche-droite dans le mouvement syndical
Dans notre histoire sociale, aucune grève générale n’a été décrétée par les directions syndicales interprofessionnelles de la FGTB et de la CSC en front commun. En même temps, des syndicalistes et des secteurs syndicaux ont toujours joué un rôle déterminant dans les mouvements vers la grève générale. Ce paradoxe s’explique parce que nos syndicats constituent à la fois un atout et un frein pour le monde du travail. Un atout par leur caractère massif, leur organisation, leurs ressources financières, la formation et l’information qu’ils diffusent, l’activité quotidienne de dizaines de milliers de militant-e-s. Un frein par leur cloisonnement en secteurs, leurs bureaucraties rivales, l’intégration de celles-ci à la concertation sociale et la subordination de leurs directions aux intérêts de leurs « amis politiques » (sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens). Parce qu’il entraîne dans l’action un nombre croissant des trois millions d’affilié-e-s (et les non-affilié-e-s) qui forment la base sociale des syndicats, tout mouvement vers la grève générale est en même temps un mouvement de réappropriation de ceux-ci comme instrument de la lutte de classe, et ce mouvement va de pair avec une polarisation croissante entre gauche et droite au sein même du mouvement ouvrier.