« On ne sortira donc pas de la longue dépression par un « atterrissage en douceur », l’avenir ne sera fait que de mouvements de reprises relevant du cycle d’affaires classique, suivies de nouvelles récessions, avec à la clé un développement continu du chômage, et des taux moyens de croissance à long terme beaucoup plus bas que ceux du boom d’après-guerre ».
Ecrite au début des années ’90 ; cette phrase prophétique concluait la deuxième édition anglaise du livre d’Ernest Mandel « Les ondes longues du développement capitaliste. Une interprétation marxiste ». Considéré comme un des ouvrages les plus importants de Mandel, ce livre était jusqu’à présent inaccessible aux lecteurs francophones. Cette lacune sera bientôt réparée, grâce aux efforts conjoints de la Formation Léon Lesoil, des Editions Syllepse (Paris) et de M éditeurs (Québec).
Ce livre est une version développée et révisée de conférences prononcées à la Faculté de politique et d’économie de l’Université de Cambridge, auxquelles Ernest Mandel ajouta deux chapitres pour la seconde édition anglaise. L’édition française comporte une préface inédite de Daniel Bensaïd, une introduction par Francisco Louça et une postface par Michel Husson. Les éditeurs ont en outre ajouté une contribution passionnante dans laquelle Mandel dresse un premier bilan du débat international sur la théorie des « ondes longues ».
Une offre de la Formation Lesoil
En tant que co-éditeur, la Formation Lesoil offre aux lecteurs de La Gauche la possibilité exceptionnelle d’acquérir l’ouvrage « Les ondes longues du développement capitaliste » (240 pages) au prix de 20 Euros au lieu de 25 (frais d’expédition compris). Réservez dès maintenant votre exemplaire en versant la somme de 20 Euros sur le compte de la Formation Lesoil (IBAN BE09 0010 7284 5157 // BIC GEBABEBB) avec la mention « Ondes Longues ». Le livre vous sera envoyé par la poste dès sa parution (novembre).
La théorie des « Ondes longues »
Cette théorie considère qu’il y a, outre le cycle court d’expansions et de récessions économiques, des périodes longues au cours desquelles le capitalisme se porte plus ou moins bien. L’entre-deux guerres par exemple fut une période au cours de laquelle les récessions étaient plus sévères et les expansions moins vigoureuses, entraînant un taux de profit moyen plus bas. L’après-guerre par contre présente des caractéristiques opposées, raison pour laquelle on parle des années 50 et 60 comme des « Trente glorieuses ».
Kondratief
L’existence de ces périodes dans l’histoire du capitalisme a été mise en évidence avant Mandel, notamment par l’économiste russe Kondratief. Mais celui-ci croyait à une alternance rigoureuse, automatique, de périodes longues de croissance et de stagnation. Pour cette raison, il parlait de « cycles longs ». L’originalité de la théorie de Mandel consiste à défendre l’idée que l’épuisement des périodes longes d’expansion est automatique – en ce sens qu’il est déterminé par des facteurs strictement économiques- tandis que le passage d’une période de dépression à une période d’expansion dépend fondamentalement de facteurs extra-économiques. C’est pourquoi Mandel parle d’ondes, pas de cycles.
La fin des « Trente Glorieuses »
Sa théorie des « ondes longues » en tant que périodes spécifiques au sein de l’histoire du capitalisme a permis à Mandel de prévoir le retournement de la conjoncture mondiale à la fin des années ’60-début des années ’70 et d’en donner une interprétation complexe. Loin d’être dû au « choc pétrolier », ce retournement signifiait en réalité, selon Mandel, la fin de l’onde longue expansive qui avait commencé en 1940 aux Etats-Unis et en 1944-45 en Europe. Il en découlait que le retour à la bonne santé des affaires ne serait ni rapide ni automatique, et qu’il dépendrait de la capacité du Capital d’infliger à la classe ouvrière une défaite historique de grande ampleur, analogue à celle des années ’30 (mais pas nécessairement dans les mêmes formes).
Plus de vingt ans après la fin des « Trente Glorieuses », Mandel ne distinguait aucun signe permettant d’espérer une nouvelle période longue d’expansion capitaliste. Au contraire. Analysant la croissance capitaliste comme la synthèse de la production et de la réalisation de la plus-value et pointant la profondeur des contradictions capitalistes, il défendait avec vigueur l’impérieuse nécessité de sortir de ce mode de production pour éviter une catastrophe de grande ampleur. Le message et l’analyse que le sous-tend restent donc d’une grande actualité, ce dont témoigne la postface de Michel Husson. Mandel – c’est un de ses points faibles –ne parvient pas vraiment à y intégrer la question écologique qui constitue pourtant –on le voit clairement aujourd’hui – une donnée clé de l’équation. Mais ses développements sur les dynamiques du taux de profit, les obstacles à la régulation du système, les révolutions technologiques, et le lien entre « ondes longues » et lutte des classes sont passionnants (et, comme toujours chez lui, très accessibles).