Si vous êtes bon chrétien vous êtes sans doute au courant des sept péchés capitaux, c’est-à-dire l’orgueil, l’avarice, l’envie, la colère, la luxure, la gourmandise, la paresse. Vous en pratiquez quelques uns et vous en rejetez d’autres, car seul les Saints sont intégristes dans ce domaine. Vous connaissez sans doute aussi les sept vertus, c’est-à-dire la chasteté, la tempérance, la prodigalité, la charité, la modestie, le courage et l’humanité. Pratiquer ses vertus est encore plus difficile que de ne pas commettre les péchés. Quoi qu’il en soit, pêchés et vertus sont des signes d’une certaine culture, et non pas exclusivement chrétienne. Ils nous dictent de nous comporter humainement parmi les humains. L’avare n’est pas aimé, sauf par lui-même. On ne l’envie pas. On se met parfois en colère contre lui ou on le ridiculise, comme Molière. On est civilisé. Seuls les civilisés commettent des péchés. Les animaux ne péchent pas et ne sont donc pas civilisés.
Les vertus chinoises sont un peu différentes, du moins si l’on se réfère à Confucius. Ce sont la longévité, la chance, la popularité, la candeur, la magnanimité, la dignité et la gentillesse. Il faut savoir qu’ici le Sage immortel s’adresse spécialement au souverain: quand le peuple est bien gouverné il est heureux et le souverain garde le mandat du Ciel. Les dirigeants chinois, plus concrètement la bureaucratie du PCC qui est en même temps la bureaucratie d’État, obéissent à cet adage confucianiste avec une main de fer. Ils disposent pour cela d’une police, d’une armée et de syndicats à leur solde. Si le peuple ne se sent pas heureux c’est qu’il se trompe et on le remet sur la bonne voie, le Tao.
Que sont par contre les péchés selon ces bureaucrates ? Cela dépend de la situation. Le vent tourne souvent dans cet immense pays. Hier il n’était pas admis de critiquer la ligne du Parti, aujourd’hui il faut laisser fleurir cent fleurs et faire rivaliser cent écoles, demain il faut de nouveau se taire. Mais depuis que l’Empire du Milieu est en train de devenir un Empire des Milieux d’Affaires un document interne du PCC (évidemment dévoilé) indique sept périls qui menacent la stabilité du pays. Il s’agit de « valeurs occidentales dangereuses », donc des valeurs appartenant à la « culture » du ponant. Ce sont : 1) les droits de l’homme, 2) l’indépendance des médias, 3) la société civile, 4) les droits des citoyens, 5) la critique nihilistes des erreurs du Parti, 6) la classe capitaliste privilégiée, 7) l’indépendance de la justice.
Eh bien, cela n’est pas tout à fait faut, mais il faut distinguer leur interprétation par la bureaucratie chinoise et leur interprétation d’un point de vue révolutionnaire socialiste.
Parmi les droits de l’homme invoqués par « l’occident » figure le droit d’exploiter la force de travail du travailleur, donc de l’opprimer. Les droits de l’homme conçus hors de leur contexte social, donc en tant qu’une valeur absolue, n’existent pas. L’indépendance des médias ? Depuis quand les médias occidentaux sont ils indépendants ? La société civile ? Mais ce sont tout d’abord les organisations non gouvernementales comme les banques, les associations d’industriels et de commerçants, sans oublier les dirigeants syndicaux qui ne pratiquent que la concertation sociale. Les droits des citoyens ? C’est le droit d’élire tous les 4 ou 5 ans des représentants qui ne tiennent pas leurs promesses. La critique nihiliste ? À quoi servent des critiques constructives quand on délocalise l’entreprise ? La classe capitaliste privilégiée? Depuis quand la bourgeoisie n’est-elle pas privilégiée ? L’indépendance de la justice ? Mais elle tout naturellement au service de la classe dominante, car celle-ci doit préserver les relations sociales à son avantage !
Je vous accorde que nous avons toute les raisons pour profiter des libertés que la société bourgeoise nous offre. Sans ces libertés notre lutte anticapitaliste sera beaucoup plus difficile. Mais ces libertés ne nous ont pas été accordées. Nous les avons conquises dans la lutte. La lutte de classe produit de la culture. Les vertus et péchés des patrons sont différentes des nôtres. Nous choisissons la solidarité et non l’individualisme, l’internationalisme et non le nationalisme. C’est la culture socialiste. Amen. Fin du sermon.
(La semaine prochaine : L’exception culturelle)
publié également sur le blog du NPA du Tarn