La manifestation part du CPAS pour se rendre à l’ONEM afin de signifier que la place des chômeurs n’est pas au CPAS mais au chômage. A juste titre.
Toutefois, il faut savoir que seule une partie des exclus aura droit à l’aide du CPAS . Et que ceux qui y auront droit percevront souvent moins qu’au chômage. Parfois beaucoup moins et parfois rien du tout.
Parce que les conditions d’octroi sont totalement différentes en aide sociale qu’en allocations de chômage.
On tient compte pour l’examen du droit, d’un certain nombre de ressources, qui sont déduites totalement ou partiellement du montant de la catégorie à laquelle le demandeur appartient (isolé, cohabitant ou famille à charge).
De plus, les catégories de bénéficiaires sont aussi très différentes : par exemple un bénéficiaire du revenu d’intégration n’a pas droit au taux chef de famille s’il paie une pension alimentaire pour un ex conjoint, ou s’il exerce une garde alternée des enfants ou s’il verse une pension alimentaire pour un ou plusieurs enfants. Contrairement aux bénéficiaires d’allocations de chômage.
La question la plus cruciale est celle des cohabitants : une bonne partie d’entre eux, qui sont souvent « elles », des femmes donc, n’ont droit à rien.
Mention spéciale à propos de celles et ceux qui cohabitent avec un parent ou un enfant.
Dans ces cas, la loi dit que les ressources des parents ou enfants peuvent être prises en considération, pas qu’elles doivent. C’est donc facultatif. Mais certains CPAS, c’est le cas à Liège, en tiennent compte systématiquement.
Exemples :
Christian, 43 ans, vit avec son père pensionné et sa mère gravement handicapée. Le CPAS lui refuse le revenu d’intégration. Il doit redemander de l’argent de poche à ses parents comme lorsqu’il avait 15 ans. Au chômage, il avait le taux chef de ménage parce que vivant avec son père pensionné.
Sandrine, 39 ans, 4 enfants, vit avec sa mère pensionnée. Bien qu’elle paie la moitié du loyer et des charges à hauteur de 600 €, elle perçoit un revenu d’intégration de 230 €.
Quelle proportion de chômeurs exclus depuis 2004 et de chômeurs en fin de droit depuis le 1er janvier ne bénéficient pas du RIS ?
Impossible à dire. Les chiffres varient fortement d’une étude à l’autre : de 90% à 50%. Mais ce qui est certain, c’est qu’il y en a énormément !
Soit parce qu’ils ne remplissent pas les conditions légales d’octroi.
Soit parce que le CPAS ne le leur accorde pas alors qu’ils pourrait le faire, comme dans le cas des cohabitants avec un parent ou un enfant.
Soit parce que l’examen de la demande est un véritable parcours du combattant, que les exigences et les contrôles imposés par les CPAS sont tels que la demande n’aboutit pas. C’est fréquent.
Soit enfin, parce que les personnes ne font pas valoir leurs droits pour des raisons multiples. On sait que d’une manière générale, le « non take up », c’est-à-dire le non recours aux droits est extrêmement important !
Dans le cas des chômeurs exclus, une des raisons du « non take up » est la honte, la gêne de devoir faire appel au CPAS. Honte liée à un statut jugé dégradant, gêne par rapport au regard des autres, sentiment d’être « tombé si bas », comme disent certains. Conséquence de l’image négative accolée à ceux que l’on nomme les assistés.
Image négative renforcée par la manière dont certains CPAS traite leurs usagers.
S’il est, par exemple, une chose qui a été mal vécue par tous les chômeurs exclus avec lesquels nous sommes en contact depuis le début de l’année, à Liège, dans la région bruxelloise et en Wallonie, c’est bien cette obligation faite par presque tous les CPAS, de fournir tous les extraits de compte bancaires des trois derniers mois. Pour une période où ils n’étaient même pas aidés par le CPAS.
On assiste à une véritable mise-à-poil des pauvres : les extraits de compte sont souvent épluchés non pour vérifier les rentrées, mais les dépenses ; les visites à domicile à l’improviste se multiplient ; elles se transforment en visites systématiques de toute l’habitation, chambres, armoires et salles de bain comprises.
Cette intrusion dans la vie privée renforce considérablement l’image négative du recours à l’aide du CPAS et en décourage plus d’un.
Mais que deviennent les chômeurs exclus qui ne bénéficient pas du RIS ? Les « solutions » sont multiples : dépendance familiale contrainte (dépendance et pas solidarité), petits boulots, travail au noir, recours à la charité privée (par exemple le recours aux colis alimentaires, restos du coeur ou encore abris de jour), surendettement, voire, pour certains, la rue.
Dans tous les cas, un appauvrissement considérable, sinon la misère.
Le véritable enjeu de ce qu’il se passe actuellement est celui-ci : un pas décisif dans le démantèlement de la sécurité sociale, avec toutes les conséquences que cela entraîne.
Démantèlement et non « communalisation de la sécurité sociale » comme on l’entend souvent dire. Le problème de l’accroissement des charges financières des CPAS ne doivent pas occulter cet enjeu fondamental.
Quelques mots sur la situation liégeoise, même s’il n’y a pas ici que des liégeois.
Alors même que le CPAS de Liège prévoyait l’afflux de 1300 nouveaux bénéficiaires chômeurs en fin de droit, la dotation communale au CPAS a été réduite de 330.000 €. Cette réduction serait compensée, dit-on, par un renfort en personnel (entre 9 et 22 travailleurs selon les déclarations à différents niveaux) accordé au CPAS par la Ville. Or ce « renfort » est à peine compensé par la décision politique du Conseil de ne plus remplacer les pensionnés à leur départ.
Oui, les finances des CPAS vont mal.
Non, ce n’est pas une fatalité. C’est le fruit de décisions politiques prises à tous les niveaux, local, régional et fédéral. Avec comme cadre général, le diktat de l’équilibre budgétaire imposé par des traités comme le TSCG, (Tous Saignés Comme des Grecs), traité qui a été approuvé par nos gouvernements.
Aujourd’hui, nous sommes là pour nous opposer aux mesures anti-chômeurs et défendre la sécurité sociale.
Ce n’est pas antagonique avec le fait de défendre et améliorer les droits des usagers des CPAS, qu’ils soient ou non chômeurs exclus.
Au contraire !
Parce que la dégradation de la situation des uns entraîne la dégradation de celle des autres.
Parce que le système met tout le monde en concurrence, en activant chômeurs, bénéficiaires des indemnités de mutuelle, prépensionnés, handicapés, et usagers des CPAS, pour faire baisser les salaires et les conditions de travail de tous.
Parce que laisser se dégrader les conditons de vie de ceux qui relèvent de l’aide sociale serait à terme défavorable à ceux qui relèvent encore de la sécurité sociale.
Les usagers des CPAS ne sont pas des assistés, ce sont des ayants -droits.
Des ayants-droits qu’il nous faut tout faire pour améliorer les droits.
Marchons aussi pour cela !