«Lesbians & Gays support the Migrants» est issu des «Lesbians & Gays support the Miners», mouvement qui visait à étendre les liens de solidarité avec la classe ouvrière pendant la grève des mineurs de 1984 à 1985 sous Thatcher. LGSMigrants est solidaire avec les milliers de migrant·e·s et s’oppose aux politiques migratoires mises en place par les Etats, défie les discours xénophobes véhiculés par les médias tout en militant contre les changements climatiques et les guerres impérialistes. Interview avec Ida et Jack.
Comment LGSMigrants a -t-il émergé?
Créer des liens entre communautés traditionnellement séparées est quelque chose de vraiment puissant. Nous avons voulu, à partir de l’héritage de l’activisme radical queer, apporter notre soutien à un groupe aujourd’hui ciblé par l’oppression de l’Etat et la diabolisation des médias. Nous collectons de l’argent pour les camps de réfugié·e·s de Calais et Dunkerque et soutenons des groupes auto-organisés au Royaume-Uni. Nous nous mobilisons contre les centres de détention, les expulsions de migrant·e·s et les nouvelles lois et politiques racistes comme celle qui verra les migrant.e.s non-européen·ne·s expulsés si ils-elles gagnent moins de 35 000£. Nous voulons utiliser des tactiques créatives et théâtrales qui se fondent sur l’histoire de nos communautés queer telles que les «bombes à paillettes» pour contester non seulement le discours mais l’instrumentalisation de la communauté LGBT dans le récit de droite sur l’immigration.
Comment votre activisme est-il perçu dans la communauté LGBT en particulier lorsque l’on sait que, en 2015, plus de 80 % des gays d’origines noires affirment avoir été victimes de racisme au sein même de la communauté LGBT?
Nous avons été globalement bien accueillis, dans la communauté LGBT, les groupes féministes et les mouvements antifasciste et antiraciste. Les associations LGBT dominantes au Royaume-Uni ignorent souvent l’héritage du colonialisme et de l’impérialisme et ne parviennent pas à écouter les voix du Sud. Mais nous subissons le racisme lors des collectes d’argent dans les quartiers gay de Londres et sur les médias sociaux. Les groupes LGBTQIA noirs (Lesbien, Gay, Bisexuel, Transsexuel, Queer, Intersex, Asexuel) nous confirment que le racisme est encore un grand problème au sein de cette communauté.
L’aile droite européenne, de sa frange la plus centriste à la plus extrême, n’a de cesse de renforcer les discours xénophobes et racistes. Dans quel contexte économico-politique avez-vous évolué?
Depuis la crise financière de 2008 les citoyen·ne.s européens ont été profondément affectés par l’austérité et les problèmes qui en découlent. Au Royaume-Uni, les conservateurs et la droite populistes (UKIP) ont utilisé les migrant·e·s comme bouc-émissaire, les accusant de tous les maux. Cela a permis aux groupes fascistes d’extrême droite de gagner du terrain et de mobiliser. Il est vital de défier non seulement l’extrême-droite dans nos rues, mais également toutes les contradictions du capitalisme néo-libéral imposées par le programme d’austérité.
Le discours homonationaliste de David Cameron, qui tente de rallier les personnes LGBT à son discours anti-migrants quand il est en perte de popularité, pourrait laisser croire qu’il n’y a plus aucune discrimination, non seulement légale mais également populaire et sociale envers elles. Quelle est la situation concrète?
La communauté LGBT a réalisé de nombreux progrès juridiques, avec des lois sur le mariage gay et l’anti-discrimination. Mais il reste évidemment beaucoup de travail à faire autour de la prévention de la santé mentale et de l’exclusion des jeunes ainsi que du soutien aux personnes transsexuelles. La reconnaissance des droits, bien que positive, a néanmoins eu pour effet pervers de dépolitiser la communauté LGBT et de l’intégrer aux discours politiques conservateurs. Ainsi David Cameron utilise l’exécution de personnes homosexuelles par Daesh comme argument pour soutenir les bombardements anglais en Syrie, et l’aile droite manipule fréquemment l’idée de personnes migrantes intrinsèquement «homophobes» pour justifier la fermeture des frontières. Au cours de ces six dernières années de règne conservateur, nous avons vu l’austérité s’imposer, entraînant avec elle une augmentation de la pauvreté. Le gouvernement tente de redorer son image progressiste en mettant en avant l’ouverture du mariage gay, mais sa popularité est en baisse du côté des travailleurs.euses et Cameron est désormais moins populaire que le leader du parti travailliste Jeremy Corbyn.
L’expérience des LGSMiners le montre: la rencontre entre deux minorités a permis de libérer la parole et les croyances. Une section LGBT est créée en 1985 dans le syndicat des mineurs, et la reconnaissance des droits LGBT est inscrite en 1987 dans le programme du parti travailliste. En 1988, les mineurs sont devenus le soutien le plus important de la communauté LGBT dans la lutte contre la section 28 visant à interdire la «promotion» de l’homosexualité dans les universités. Quelle est l’importance de l’unification des différentes minorités pour leur émancipation respective?
Nous pensons qu’il est absolument crucial que les différents groupes marginalisés travaillent ensemble pour être en mesure de combattre l’oppression. En tant que «personnes bizarres», nous savons ce que c’est d’être étiquetés « illégaux», d’être la cible de la police et des médias, d’être le bouc émissaire à blâmer et à haïr. Il faut utiliser notre expérience pour trouver des points communs avec les autres luttes et combattre plus fortement l’oppression étatique quand d’autres minorités en deviennent les cibles. Nous ne pouvons lutter uniquement pour les droits LGBT, nous devons nous battre aussi pour les droits des femmes, des travailleurs, contre le racisme, parce que nos luttes sont toutes liées.
Propos recueillis pour solidaritéS par Marjorie Blanchet
source: solidaritéS