Avril 2013. La loi ouvrant l’institution du mariage aux couples homosexuels vient d’être adoptée en France, après 110 heures de discussion et des manifestations rassemblant des centaines de milliers de personnes s’opposant au mariage gay. Parmi les slogans de ces manifestants (dont des représentants de l’extrême droite), on retrouvait le « Tous nés d’un homme et d’une femme », mais aussi « On veut du boulot, pas du mariage homo ». En période de crise, il est facile d’insinuer qu’il y a des urgences économiques plus importantes que le mariage homosexuel. Facile, mais inacceptable ! Parce qu’il n’y a pas d’heure pour les droits humains, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes et quelle que soit leur origine ou leur orientation sexuelle.
Augmentation des violences homophobes
On observe une recrudescence des violences homophobes dans toute l’Europe. En France, les manifestations contre le mariage pour tous et leur médiatisation ont très sûrement joué un rôle de légitimation et d’extrémisation de cette violence (en témoignent notamment de récentes attaques lesbophobes et homophobes à Paris, lors de la 14ème édition du Printemps des Associations, organisé par l’Inter LGBT). En Russie, la Douma a récemment voté une loi punissant tout acte public constituant une « propagande de l’homosexualité auprès des mineurs ». En Grèce, la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels) est l’une des premières cibles, avec les immigrés, du parti néo-nazi « Aube dorée ». La Belgique n’est pas en reste : si elle a adopté les lois ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels, elle est régulièrement le théâtre d’agressions homophobes. Souvenons-nous des meurtres homophobes d’Ishane Jarfi et de Jacques Kotnik survenus en 2012. Sans parler des discriminations quotidiennes : le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme a enregistré 82 dossiers en 2012. Il constate une nette augmentation des dossiers concernant des faits de violence homophobe, parfois extrême. Harcèlement, discrimination à l’embauche ou au logement sont monnaie courante pour les LGBT, et leur ampleur est difficilement mesurable car ces discriminations sont souvent tues, entre autres à cause de l’homophobie ambiante elle-même (refus d’une victimisation, honte, homosexualité non connue,…).
L’homophobie, c’est aussi les regards qu’on sent sur soi, les sourires, les insultes. Les blagues sexuelles suivies d’un rire gras. C’est la peur d’avoir un geste d’affection dans un lieu public. C’est la crainte qu’on connaisse son homosexualité sur son lieu de travail. C’est aussi la difficulté d’accepter et d’assumer sa sexualité. « L’homophobie, c’est qu’on ne voie jamais un couple de princes ou de princesses dans les contes de fées. On demande aux enfants d’accepter les différences, mais ils grandissent dans un monde hétéro-normé, où affirmer son homosexualité, sa bisexualité ou transsexualité est bien difficile – et courageux. Ce qui n’est pas normal, c’est qu’on considère l’homosexualité comme une différence », explique une jeune femme pour répondre à la question de ce que représente l’homophobie à ses yeux.
L’homophobie au service du capitalisme
L’homophobie, tout comme le sexisme ou le racisme, est l’une des meilleures armes du capitalisme. Elle entraîne une division des travailleurs-euses et promeut l’existence d’un unique modèle familial. La famille a une fonction sociale ; c’est elle qui permet de reproduire la « force de travail » et qui est chargée de transmettre d’une génération à l’autre les normes et valeurs qui maintiennent le système en place. Cette vision de la famille implique une vision binaire de la société, la norme étant d’être soit homme, soit femme, et dans tous les cas hétérosexuel. Ce n’est donc pas un hasard si une vague d’homophobie déferle sur toute l’Europe au cœur de la crise économique !
Face aux attaques homophobes, les lois sont importantes mais ne suffisent pas. Les revendications sont encore nombreuses : au-delà du mariage pour touTEs, il y a de nombreuses autres batailles à mener, notamment sur la question du don du sang et d’organe par les homosexuels, pour les droits des transsexuels (changement d’identité facilité, dépathologisation,…). Les luttes sont nécessaires pour s’unir contre l’homophobie, la transphobie, ainsi que le sexisme, que des lois ne feront pas disparaître. Au sein de la gauche, on ne peut considérer les luttes LGBT comme étant subordonnées aux autres : au slogan « pas de socialisme sans féminisme, pas de féminisme sans socialisme », nous devrions ajouter la reconnaissance des droits LGBT, également indissociable du socialisme. Il s’agit d’une lutte centrale pour notre organisation : c’est tous ensemble, sans tenir compte de notre origine ou orientation sexuelle, que nous devons défendre l’égalité et la justice sociale pour touTEs.
—Pauline Baudour, pour La Gauche #62
L’homophobie dans le monde : harcèlement et persécution
« Dans les pays où s’applique la charia, loi fondamentale islamique, les homosexuels sont violemment condamnés, tant moralement que légalement ou socialement. Coups de fouet, lapidation, exécutions sommaires sont le lot de tous ceux qui sont repérés comme homosexuels. Au Maghreb, en Egypte, en Inde, en Indonésie, les demandes de légalisation de l’homosexualité échouent encore. Les peines de prison varient mais les procès se multiplient. En Afrique, l’heure n’est pas à la libéralisation des mœurs. Robert Mugabe (né en 1924), président du Zimbabwe, reste célèbre pour sa diatribe anti-homos : « Ils sont pires que les porcs et les chiens », a-t-il déclaré en 1995. Au mieux, l’homosexuel africain est exclu socialement, au pire il est condamné à mort. En Ouganda, comme en Namibie ou en Gambie, la police fait des descentes régulières pour arrêter les « apôtres de la débauche », comme les appelle le président ougandais Museveni. Seule l’Afrique du Sud se distingue par ses lois constitutionnelles garantissant la liberté sexuelle pour tous. L’adoption d’enfants par les couples gays y a même été acceptée en 2002. En Chine, malgré la suppression en 2001 de l’homosexualité sur la liste des maladies mentales, le harcèlement anti-gay perdure. […] En Amérique du Sud, les persécutions policières sont encore de mise un peu partout. Au Venezuela, les transsexuels sont humiliés par la police, violés et abandonnés à moitié nus (source Amnesty International). Au Guatemala, au Nicaragua, en Argentine, au Brésil, on « casse du pédé », comme le rapportent les colonnes des faits divers. […] En Europe et aux Etats-Unis, malgré les avancées sociales et juridiques, le discours homophobe reste banal dans le monde politique et médiatique. »
Extrait de l’ouvrage « Gay Pride, l’histoire » d’Oliviero Toscani