Le gouvernement Syriza a mené pendant cinq mois une négociation avec l’UE sous les mots d’ordre « ni rupture, ni soumission » et « rompons avec l’austérité sans menacer de sortir de l’Euro ». Le résultat concret a été la proposition d’accord qu’il a soumis à l’UE lundi dernier, 21 juin.
Cette proposition constitue pour l’essentiel une continuation de la politique d’austérité et un fardeau encore plus grand pour les classes populaires. Or, les dirigeants de l’UE n’ont pas accepté ce plan (ici les propositions des modifications qu’ils ont fait http://blogs.ft.com/brusselsblog/files/2015/06/Greek-crediors.pdf) et veulent anéantir ou transformer politiquement Syriza en imposant un programme encore plus dur qu’avant.
Ce graphic du graphiste miliant grec Jo Di peut nous aider à comprendre le deroulement de la négociation actuelle.
De huit milliards des économies prévus par la proposition de Tsipras, 4,2 milliards concernent les travailleurs, les pensionnés et les citoyens les plus faibles. Un quart du programme serait couvert par des augmentations du TVA de l’ordre de 10 pour cent dans beaucoup de produits de base (services médicaux, tickets de transports, taxis, culture). L’autre quart (2,1 milliards) serait couvert par des augmentations des contributions des travailleurs et des pensionnés pour leur assurance maladie et leurs retraites ainsi qu’en faveur du fisc : +1% sur la contribution pour la pension de base (inférieure de 700 € aujourd’hui dans la plupart de cas), +0,5% pour la pension supplémentaire , +5% pour l’assurance maladie des titulaires des pensions supplémentaires , +1% pour l’assurance maladie des titulaires de pensions de base, +1% de « taxe de solidarité » pour les salariés qui gagnent plus de 50.000 € par an.
A tout ceci on doit ajouter le maintien de la taxe foncière horizontale calculée par mettre carré. Cette taxe frappe durement les salarié.e.s, chômeurs/ses et pensionné.e.s qui sont propriétaires de leur première habitation. Son imposition a détruit des vastes couches sociales jusqu’aux classes moyens et a été une des raisons clef de l’affaiblissement électoral de la droite conservatrice censée protéger les « petits propriétaires ». Son abolition et son remplacement par une taxe sur les grandes propriétés immobilières avait une place d’honneur dans le programme et le discours pré-électoral de Syriza. Mais en étant une des taxes qui, malgré les efforts pour une désobéissance civile, amènent du cash frais dans les caisses de l’Etat, le gouvernement a cédé aux pressions pour la maintenir.
La proposition du gouvernement grec a inclu aussi le « remplacement » – on ne sait pas par quoi et couvert par quelle ligne budgétaire – du supplément de pensions pour les pensionnés les plus pauvres (en-dessous de 300 €) d’ici à 2020. L’UE n’accepte pas cette proposition et demande que ça soit supprimé jusqu’en 2017.
L’UE pousse depuis longtemps pour l’euthanasie des pensions supplémentaires en voulant les conditionner d’une clause de « viabilité ». Le gouvernement a prévu leur financement entre autre par les privatisations et leur maintien car beaucoup de salariés mais aussi des indépendants en dépendent. L’UE demande aujourd’hui des mesures d’effet équivalent pour récompenser cette décision.
Sauf la réduction du budget militaire par 200 millions, le gouvernement grec a proposé que le reste des 3,7 milliards de sa proposition soient encaissés par des nouvelles taxes sur le capital. L’UE exige la limitation de l’augmentation de la taxe de société proposée par le gouvernement. Elle n’accepte pas non plus les taxes sur les réseaux 4G et 5G et sur les machines à sous. Elle demande une contribution de 6% au lieu de 5% que propose le gouvernement pour l’assurance maladie des pensionnés et insiste sur l’augmentation de la taxation pour les agriculteurs et la réduction du subside pour le chauffage des foyers pauvres. L’UE veut que presque la totalité du fardeau du nouveau programme d’austérité soit porté par les classes populaires. Elle manifeste ainsi son caractère farouchement antisocial.
Ce vendredi 26 juin, le gouvernement grec a déposé une nouvelle proposition de compromis dans laquelle il accepte une imposition des sociétés de 28%. Il accélère aussi le « replacement » du supplément de pension pour les plus pauvres de 2020 à 2018. Il continue à ne pas accepter une TVA de 23% pour tout le secteur Horeca, mais a accepté une augmentation de 6 à 13% pour les hôtels.
Un potentiel accord débouché de ce cadre ne pourrait conduire qu’à une politique d’austérité très dure qui exclut la prise des mesures inverses qui sont nécessaires pour mettre fin au désastre social en Grèce. L’expérience de cette négociation indique clairement qu’on ne peut pas rompre avec l’austérité, si on ne rompt pas aussi avec les institutions européennes comme créanciers et comme hauts tuteurs de la politique économique.