Traduit de l’espagnol par Eléna Zayas, Métailié, 2014, 23 euros
Hérétiques ! Avec ce titre, comment ne pas penser à notre camarade Daniel Bensaïd, surtout, suprême clin d’œil, quand cet ouvrage s’ouvre par « livre de Daniel »… Ce nouveau roman de Leonardo Padura renoue avec l’ex-policier Mario Conde et sa tribu, déjà présente dans de précédents bouquins, comme Tamara, el Flaco, el Conejo…
De l’épisode historique du Saint-Louis, un paquebot qui en 1939 est parti de Hambourg avec un millier de juifs à son bord qui ne pourront débarquer ni à la Havane (où l’on découvre déjà Fulgencio Battista), ni aux États-Unis, ni au Canada, à la plongée « fantastique » dans le quartier juif d’Amsterdam en 1646, Leonardo Padura va entremêler des histoires anciennes et contemporaines à Cuba et des récits d’Amsterdam, nouvelle Jérusalem. Cela avec un détail impressionnant de mœurs de l’époque, une érudition foisonnante, et des tonnes de questions autour de la rébellion, de la liberté, des hérésies et des défaites, qui nous donnent le droit de recommencer aurait rajouté notre camarade Daniel…
Et une intrigue, des intrigues, avec un fil rouge : un énigmatique petit tableau du peintre Rembrandt qui va conduire un Mario Conde, toujours aussi sympathiquement désabusé dans les recoins les plus improbables de la Havane jusqu’aux regroupements de la jeunesse « sans futur » de l’île.
L’auteur de l’Homme qui aimait les chiens démontre encore avec ce livre à la fois sa passion (critique) de l’histoire, ses engagements et ses doutes, et un grand courage humain et littéraire. Tout au long de cet ouvrage, avec un talent incontestable, Padura va nous « promener » du Malecon à Amsterdam, de Varsovie à Miami, du maître Rembrandt au supposé messie Sabbataï Tsevi décochant des flèches bien pointées contre l’horreur, mais aussi contre les dogmes anciens et nouveaux, tout en nous ramenant à ce qui est pour lui l’essentiel, l’amitié de sa tribu et/ ou de son chien cubain Basura 2. De nombreuses heures de lecture passionnantes et questionnantes.
A commander à la Brèche
Source : NPA