Le succès éclatant du « NON » lors du référendum organisé par le gouvernement grec constitue une magnifique victoire pour les exploité-e-s et les opprim-é-es en Grèce, en Europe et ailleurs. Une victoire pour la démocratie, pour la dignité, pour la souveraineté. Et une victoire pour les droits sociaux sans lesquels ces valeurs ne seront jamais que des vœux pieux. Pour la première fois, la population d’un pays est appelée à se prononcer clairement pour ou contre la politique d’austérité qui rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres, et le résultat est sans appel : près de 62% de non.
Ce triomphe du « NON » est d’autant plus significatif qu’il a été arraché en une semaine contre une formidable coalition de forces qui ont fait campagne pour le « oui »: la Commission Européenne, les gouvernements des autres Etats membres, le Fonds Monétaire International, le Conseil de l’Europe, les associations patronales (de Grèce et d’ailleurs), les grands médias, l’Eglise orthodoxe, sans oublier… la quasi-totalité de la social-démocratie, les principaux partis verts, la direction du syndicat grec CGTG et les fonctionnaires non élus de la Confédération Européenne des Syndicats (CES). Tous ceux-là, ce soir, sont battus et nous nous réjouissons de leur défaite.
La Sainte Alliance du « oui » a usé de la menace, du chantage et de l’insulte. Elle a contesté la légalité du référendum. Elle a cherché à organiser une panique bancaire. Elle a, concernant la dette, tenté de cacher des éléments d’information qui donnaient raison au gouvernement grec. Elle a appelé à un coup d’Etat institutionnel (par la bouche du président du Parlement européen, le social-démocrate allemand Martin Schultz !). Elle a tenté de terroriser les électeurs en les menaçant d’un sort terrible s’ils osaient dire « NON ». Mais rien n’y a fait : le peuple grec – les travailleur-euse-s, les petits paysans et pêcheurs, les jeunes, les femmes – tou-te-s ont tenu bon et voté « NON » (le « oui » ne l’a emporté que dans une seule province!). « Non » à l’austérité, non au chantage, non à la dictature de la finance. Non à l’Europe du Capital. Non à cette politique néolibérale qui sème la misère et le malheur pour le plus grand nombre, tue l’espoir et fait le lit des fascistes.
Oui, il est possible d’inverser le cours des choses!
La victoire du peuple grec est une victoire pour tou-te-s celles et ceux qui refusent l’austérité, en Europe et ailleurs. Une victoire et une leçon. Oui, il est possible d’inverser le cours des choses. Oui, il est possible de gagner une majorité contre ces appareils technocratiques européens qui semblent tout puissants. A une condition : il faut oser désobéir, oser prendre une position de principe en faveur des droits fondamentaux, oser tenir cette position contre vents et marées et oser faire appel à la mobilisation de masse contre les pouvoirs établis. 250.000 personnes sont descendues dans les rues d’Athènes deux jours avant le vote. Mise sur pied en moins d’une semaine, cette mobilisation impressionnante donne la mesure du rapport de forces qui pourrait être construit en Europe si les organisations du mouvement ouvrier, les syndicats en premier lieu, en avaient le courage et la volonté.
L’initiative du référendum et son succès sont à mettre au crédit du gouvernement grec dirigé par Alexis Tsipras et Syriza, son parti. Peu importent aujourd’hui les raisons qui les ont amenés à organiser ce scrutin, après six mois de concessions aux créanciers. La question qui se pose à présent est la suivante: que feront-ils de cette victoire magnifique ? L’utiliseront-ils dans les négociations avec la troïka, pour tenter d’échanger une austérité très légèrement adoucie contre une restructuration de la dette grecque ? C’est la solution pour laquelle plaide une partie de la classe dominante à l’échelle internationale – notamment l’administration US, qui craint qu’une déstabilisation de l’UE n’affaiblisse ses positions géostratégiques. C’est la solution qui est défendue ouvertement par le Premier ministre grec et par son ministre des finances, Yanis Varoufakis. Or, cette solution ne peut que faire perdre au peuple grec une bonne part de l’avantage de la victoire qu’il vient de remporter par la lutte.
S’il est une leçon à tirer de six mois de gouvernement de gauche en Grèce, c’est bien que l’Union Européenne n’est pas transformable en instrument de défense des intérêts du monde du travail. Ce n’est pas seulement la politique néolibérale de l’Union qui est en cause, mais l’Union elle-même en tant que construction despotique taillée sur mesure pour cette politique. Les traités définissent l’UE comme « une économie de marché ouverte où la concurrence est libre ». Pour les pays qui ont adopté la monnaie unique, la « libre concurrence » ne peut plus opérer qu’en jouant sur les salaires et la protection sociale : c’est la seule « variable d’ajustement ». A la différence des parlements nationaux, les institutions de l’UE (Parlement, Conseil, Commission) ne permettent même pas l’expression déformée des aspirations sociales. L’austérité est inscrite dans la structure même de l’UE, la rupture avec l’austérité à laquelle les peuples d’Europe aspirent nécessite de briser cette structure.
C’est dire que le combat social à mener aujourd’hui nécessite plus que jamais une perspective politique. Il s’agit d’oser l’assumer. En s’appuyant sur la mobilisation et l’auto-organisation des exploité-e-s et des opprimé-e-s, en entamant un combat de longue haleine pour gagner les opinions publiques, en luttant pour que se forment des gouvernements de rupture dans un nombre croissant de pays, le mouvement social et la gauche politique, ensemble, peuvent faire beaucoup plus et beaucoup mieux que mitiger l’austérité : mettre le feu à la plaine européenne et, in fine, ouvrir la voie à une lutte d’ensemble des travailleur-euse-s, de la jeunesse et des femmes dans toute l’UE. Une lutte qui fera sauter toutes les casemates protégeant l’ordre établi capitaliste pour finir par abattre cette construction européenne despotique au service de la finance. Une lutte qui mettra en perspective une assemblée constituante des peuples d’Europe et la fondation d’une Europe sociale, écologique, démocratique, généreuse : les Etats-Unis écosocialistes d’Europe.
Quelle que soit l’orientation du gouvernement grec dans les semaines et mois qui viennent, quelle que soit la réponse du FMI, des institutions européennes et des gouvernements qui les composent, la solidarité avec la résistance du peuple grec contre l’austérité doit être considérée comme une priorité absolue. Dressons-nous contre les tentatives de la troïka de se venger du peuple grec et de le punir pour son insoumission. Soutenons toutes les mesures anticapitalistes que le gouvernement grec pourrait être amené à prendre et qu’il devrait prendre, notamment la socialisation du secteur bancaire. Exigeons de notre gouvernement l’annulation pure et simple de la dette de la Grèce, dont la commission mise en place par le parlement grec a montré le caractère illégal, illégitime et odieux.
Surtout, reprenons notre propre lutte contre l’austérité. Reprenons-la en tirant de la situation en Grèce cette leçon qui s’applique aussi à la situation dans notre pays : après que six mois de négociations aient désorienté, démoralisé et divisé le monde du travail, il a suffi d’une semaine de résistance décidée et d’un objectif clair pour le galvaniser, le rassembler dans l’action et lui faire arracher une première victoire. Qui osera prétendre que notre mouvement syndical, avec ses trois millions de syndiqués, n’est pas capable d’obtenir un résultat équivalent ?
Non à l’austérité ! Osons nous révolter, osons lutter, osons gagner !