Mélange de colère et d’amertume ce mercredi 22 avril à midi lors de l’AG ouverte de la CGSP- Centre à La Louvière. C’est que nous nous retrouvions à une cinquantaine de militants après une manifestation qui en comptait à peine trois fois plus pour brûler symboliquement le cercueil des Services Publics devant les grilles du Ministère des Finances, fermées pour cause de grève ! Même si nous savions qu’une partie des gens était encore dispersée sur certains piquets, ça faisait quand même mal de se compter ainsi, au milieu des chaises vides (malgré 7000 affiliés CGSP dans la région du Centre), alors que nous nous souvenions de l’ambiance électrique de cette même salle bondée de gens debout et même débordant jusque sur la rue lors des grèves de décembre.
Et surtout, « le cœur n’y est plus » comme me le confiait, épuisée, une pourtant infatigable militante, écoeurée par le lâchage du plan d’action, la débandade du front commun et l’abandon des actions en interpro. Face aux critiques et aux questions de la salle, nous sentions à la tribune un désarroi palpable et certains des permanents carrément sur la défensive. Même s’ils furent parfois enclins par le passé à l’autojustification hâtive, au triomphalisme de façade ou les premiers à brandir l’argument filandreux des « gens qui ne nous suivent pas », je vous assure qu’aujourd’hui, ils n’en menaient pas large, avouant se sentir bien seuls à mener un combat pour lequel d’autres semblent déjà avoir déclaré forfait.
Grand déballage amer à cœur ouvert
Et du coup, ce fut l’occasion d’un débat parfois tendu mais passionné sur le pourquoi et le comment de la démobilisation. Sur la démocratie syndicale, sur l’éternelle illusion d’un avenir à la concertation entretenue par une partie de l’appareil, sur les collusions politiques indignes avec la stratégie du PS dans l’opposition, sur l’indigence incompréhensible de perspectives stratégiques, etc… Ce grand déballage, amer mais à cœur ouvert, de nos ratages comme de notre détermination à ne pas lâcher prise, accoucha de deux constatations : notre organisation syndicale est traversée, de la base au sommet, (et de l’aveu même de nos permanents-qui n’avaient pas encore lu le tract LCR !- revenant déconfits de ce qu’on leur renvoie aux instances fédérales) par des courants contradictoires qu’on pourrait grosso modo qualifier « de gauche » et « de droite » qui s’affrontent et s’affronteront inéluctablement dans les semaines et les mois à venir. Et détermineront à coup sûr la stratégie contre un gouvernement qui lui, sans tergiverser, prend de plus en plus d’assurance au fur et à mesure du repli syndical et fait passer au pas de charge ses mesures antisociales. Et que dès lors, notre seul salut, ici dans la région est d’arriver à relancer des actions en interpro, en soutien et à partir des luttes des cheminots qui eux ne tarderont pas à remettre le couvert !
Et v’là qu’ils nous ramènent leurs grèves de 60 !
Pour mobiliser dans le futur (et garder mobilisés) plus largement que les militants et délégués habituels, il fut convenu de garder cette saine habitude (qui se fait hélas de plus en plus rare dans les autres centrales) des AG ouvertes qui permettent à chacun de délibérer et de s’impliquer de manière démocratique dans le processus de décision. Ainsi que de mettre en place, lors des actions futures et surtout si elles s’inscrivent dans la durée, des comités de grève (comme il en existait dans notre région pendant les grèves de 60, me rappelle un camarade !)
Et tiens, à ce propos justement, ajoutons qu’une expo sur les grèves de 60 sera programmée du 26 avril au 1er mai à la CGSP et qu’elle donnera lieu à des débats les 26 et 28 autour des pseudo nouveaux modes d’action (et de leurs limites ?) avec des représentants d’Acteurs des Temps Présents et Tout Autre Chose ainsi qu’avec des anciens ayant participé à ces grèves légendaires.
Derrière les photos sépia, espérons que cette expo ne servira pas à brandir une fois encore les glorieux combats du passé pour mieux masquer les reculades et les lâchetés du présent… Mais jettera un éclairage cru sur tout ce qui est encore possible aujourd’hui !
Car rappelons qu’à l’époque, elles démarrèrent de la base, ces grèves, débordèrent les bureaucraties syndicales qui prirent le train en marche… qu’elles furent parfois insurrectionnelles et que spécialement ici, dans la région du Centre, elles furent l’occasion d’expérimenter de manière très poussée l’auto-organisation des luttes… Mais que ce fut aussi du haut du balcon de la Maison du Peuple de La Louvière qu’André Renard , devant une marée humaine de plusieurs dizaines de milliers de personnes chauffées à blanc, annonça qu’il était temps de terminer la grève… et égarait toute une frange combative du mouvement ouvrier Wallon dans l’aventure d’un fédéralisme dont on reconnaît les derniers avatars dans la Belgique d’aujourd’hui et sa sixième réforme de l’Etat !