Les troisième Rencontres écosocialistes internationales ont eu lieu à Bilbao les 23, 24 et 15 septembre. Après les éditions précédentes à Genève et à Madrid, ces rencontres se caractérisaient notamment par le fait que les syndicats du Pays basque en étaient co-organisateurs. Nous publions ci-dessous le texte rédigé par les organisateurs et adopté par applaudissements à la fin des travaux (LCR-web).
Nous, les mouvements organisateurs de la IIIème Rencontre Internationale Écosocialiste célébrée à Bilbao du 23 au 25 septembre 2016,
CONSIDÉRONS QUE
1- Le capitalisme s’est développé sans considération et à l’encontre des deux dépendances essentielles qui rendent possible la vie humaine. Tout d’abord il ignore que, à l’instar des autres espèces vivantes, nous tirons de la nature ce dont nous avons besoin pour vivre, puis il cache le fait que, pour notre survie, nous dépendons de manière radicale des soins et du temps que nous consacrent d’autres personnes depuis notre naissance jusqu’à notre mort.
2- Cette ignorance et ce passage sous silence viennent du fait que le capitalisme n’accorde de valeur économique qu’à ce qui peut se monnayer. Ni la photosynthèse, ni les cycles naturels comme celui de l’eau ou du carbone, ni toutes les tâches liées à la reproduction et aux soins prodigués aux personnes ne peuvent être analysées à partir d’un prix et, par conséquent, ils sont invisibles.
3- Ignorant les limites dérivées de ces dépendances, du respect de la nature et des autres personnes, le modèle de production, de distribution et de consommation des sociétés capitalistes, qui cherchent exclusivement le gain et l’accumulation privés, repose sur une croissance continue et illimitée.
4- Cette croissance illimitée se heurte aux limites biophysiques de la planète. Nous assistons à un épuisement croissant des ressources naturelles (pénurie d’eau potable, fin imminente de l’ère du pétrole bon marché, pénurie croissante de minéraux stratégiques, effondrement de la pêche, déforestation…), à une évidente dégradation des écosystèmes (perte accélérée de la biodiversité, pollution du sol et des réserves hydriques, dégradation ou surexploitation des services apportés par les écosystèmes…) ainsi qu’une altération-détérioration sans précédent des équilibres naturels, non seulement sur le plan local ou régional, comme par le passé, mais aussi pour la première fois du système environnemental dans sa globalité, dont la manifestation la plus évidente est le changement climatique : ÉCOCIDE. Cet état d’URGENCE ÉCOLOGIQUE génère de surcroît, année après année, des millions de réfugiés environnementaux.
5- Malgré les discours officiels, le Sommet de Paris 2016 n’a pas été capable de tracer la route à prendre afin d’affronter de façon efficace et urgente les conséquences dévastatrices du changement climatique, car, c’est une raison parmi d’autres, il permet aux pollueurs de continuer d’utiliser des combustibles fossiles et laisse les entreprises prendre d’assaut les énergies renouvelables.
6- De plus, et de façon particulière, à cette étape néolibérale du capitalisme, le modèle de production et de consommation dominant a donné lieu à une société globale terriblement injuste et inégale, dans laquelle la surconsommation, le gaspillage et l’enrichissement de quelques-uns sont profondément enracinés dans les manques dont souffre la majorité, ainsi que dans la confiscation du temps que, dans nos sociétés patriarcales, les femmes surtout consacrent à la reproduction sociale et à la gestion quotidienne du bien-être. Une société en état d’URGENCE SOCIALE, résultat du chômage, de la précarisation, de la destruction de droits sociaux et du travail, de l’érosion des services publics et de la protection sociale provoquant le transfert des aides dans les foyers et la privatisation des biens communs : austérité criminelle.
7- La faim, les problèmes environnementaux et les conflits armés qui actuellement obligent des millions de personnes à quitter leur pays, trouvent leur origine dans des raisons structurelles qui configurent les relations internationales des acteurs qui rivalisent sur le marché global.
8- Cette situation de choc frontal contre les limites biophysiques de la planète qui constitue une impressionnante régression en matière de droits sociaux et du travail, et une grande injustice sociale, ne peut s’imposer qu’en déniant aux peuples leur capacité de décision pour s’autogouverner en défense des droits de leurs citoyens, en minimisant la démocratie (désinformation, dictature des marchés, gouvernement de technocrates non élus, changement express de la constitution espagnole, non-respect systématique des promesses électorales, interventionnisme ouvert de la Troïka européenne dans les pays qui ont fait l’objet d’un sauvetage), avec l’extension de la peur (la doctrine du choc), la désinformation des mass-média, la duperie et le mensonge des gouvernements, et, comme ci cela ne suffisait pas, l’augmentation de la répression (l’assassinat d’écologistes et d’autres dissidents bat des records ces derniers temps). De façon fallacieuse, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne affirme qu’”il ne peut pas y avoir de décision démocratique, contre les traités européens”.
DÉCLARONS QUE
1- Un avenir réconcilié avec la nature et l’humanité même exige un CHANGEMENT RADICAL DE PERSPECTIVE, un changement radical des modes de production et de consommation, qui mettent au centre de la vie les besoins essentiels de toutes les personnes, démocratiquement déterminés et ajustés aux limites biophysiques de la planète (ECOSOCIALIME).
2- C’est pourquoi, la solution ne peut pas être UN CAPITALISME, qui même en étant déguisé en VERT reproduise les même modèles de consommation et les mêmes structures économiques et sociales qui ont provoqué la situation actuelle. Il faut changer le modèle de production capitaliste fondé sur la propriété privée des moyens de production. En définitive, que produire ? Pourquoi ?et pour qui ?qui participe à la prise de décision ?et comment faire ?sont les questions fondamentales.
3- Devant l’offensive généralisée du système capitaliste sur la vie, nous croyons qu’il est indispensable de construire une alternative qui comprenne à parts égales, tous les rendez-vous libérateurs (féminisme, syndicalisme, mouvement indigène et paysan, écologisme, etc.), c’est pourquoi il faut renforcer le dialogue entre les différents agents émancipateurs, dans une perspective internationaliste et un regard complet vers les territoires (y compris les corps, la mémoire, les savoirs, les biens communs, etc.)
4- Que nous le voulions ou non, nous nous dirigeons vers un processus de transitions écosociales qui nous conduisent à une décroissance de la sphère matérielle de l’économie. Des transitions économiques (du modèle de production, énergétique, etc.), sociales (organisation sociale des soins…), culturelles (éducation…), législatives et territoriales (communes en transition) qui, à notre avis, doivent être socialement justes aux services des personnes et de la communauté, environnementalement équilibrées et démocratiquement décidées, car elles conduiraient au contraire à un modèle de société dans laquelle, pour que de moins en moins de personnes (les grands pouvoirs) puissent maintenir leur mode de vie actuel, une majorité de personnes n’atteignent pas le minimum matériel qui leur garantisse une existence digne.
5- Il est absolument indispensable de garantir l’accès à des conditions de vie digne et autonome à toutes les personnes.
6- C’est pourquoi nous misons sur des transitions qui soient capables de répondre à l’urgence écologique, en affrontant simultanément les problèmes dérivés des urgences sociales. Pour ce faire nous considérons comme indispensable le contraste et la collaboration entre ces deux domaines, qui ne sont pas toujours allés de pair. L’un des objectifs centraux de cette 3ème rencontre écosocialiste a été d’offrir à ces deux secteurs un espace de concurrence vaste et diversifié dans lequel le protagonisme syndical a joué un rôle spécialement important.
7- Face au mythe de la croissance illimitée et aux illusions néo keynésiennes qui ne tiennent pas compte du choc contre les limites de la planète, la rencontre entre ces deux domaines ne pourrait avoir lieu que si on envisage sérieusement la répartition, tant de la richesse que du travail productif et reproductif.
8-. Ce partage doit être accompagné d´une transformation de la notion même de travail, afin de centrer notre attention sur l’ensemble des travaux socialement utiles, en opposition avec la pensée dominante qui ne tient pas compte de la nature de la production, tant qu´elle est rentable économiquement, et ne considère comme travail que celui réalisé dans la sphère mercantile en échange d´un salaire, invisibilisant tout l’énorme travail lié à la reproduction humaine.
9-. Les pouvoirs publics doivent favoriser les secteurs d´activité socialement nécessaires, comme ceux liés à la réhabilitation énergétique des bâtiments, aux énergies renouvelables, aux transports publics et à l´agroécologie, aux services communautaires qui sont en rapport avec les soins, le temps libre, la santé et l´éducation. Secteurs qui consomment peu d´énergie et de matériaux mais sont par contre intensifs en main d’oeuvre, ce qui du coup aideraient à compenser l´inévitable perte d´emploi dans les secteurs économiques qui, dans cette transition écosociale, devraient diminuer ou même disparaître.
10- Pour que ces transitions justes et durables se produisent, nous devons imprégner nos sociétés d´une vision féministe capable de propager dans tous les domaines le droit des femmes à l´égalité, mettant fin au fléau de la violence patriarcale et à la violence qu´elle exerce sur les femmes; et promouvoir l´émancipation populaire (démocratie et souveraineté) face à ces élites accapareuses et insatiables qui occupent les centres de pouvoir et de là séquestrent les volontés majoritaires de la population. C’est pour cette raison que nous revendiquons le droit à décider des communautés sur les questions importantes qui les concernent, tant dans le domaine politique qu’économique. Avec toutes ses possibles contradictions, nous considérons que cette voie est plus adaptée aux besoins réels des personnes de ces communautés et à leur relation équilibrée avec l´environnement que la voie du marché aveugle ou de la dictature des technocrates.
11- Cette émancipation doit se manifester aussi dans la gestion et le contrôle populaire ou collectif des ressources naturelles et des biens communs (récupération par le secteur municipal du réseau électrique…), dans la récupération d´une banque publique indispensable pour aborder ces transitions, et dans la condamnation de la dette illégitime, prétexte à AUSTÉRITÉ CRIMINELLE.
12- Un pilier décisif de ces transitions écosociales doit être l’éducation. Éducation comme paideia: autoconstruction collective et personnelle tout au long de la vie, comme les êtres écodépendants et interdépendants que nous sommes. Une éducation qui rejette l’optique instrumentale de l´éducation néolibérale, échange la compétition contre la coopération, l´individualisme contre la collaboration, les résultats contre les processus…. Qui contribue à changer les contenus et les pratiques qui reproduisent une culture insoutenable et à nous poser les questions qui remuent cette culture, transformant l´école en une institution transformatrice au lieu de reproductrice.
NOUS ENGAGEONS Á:
- Promouvoir la conscience écosocialiste y féministe sur toute la planète
- Travailler à la création d´un réseau écosocialiste international, allié à des plateformes comme Via Campesina (la Voie Paysanne), le plan B pour l´Europe… ou des mouvements pour la justice climatique, les Droits Humains pour toutes les personnes, sans distinctions ni catégories. ….
- Promouvoir la rencontre idéologique et la collaboration entre les agents sociaux et politiques qui travaillent dans le domaine de l´urgence écologique et sociale afin de dégager des majorités populaires favorables à un changement de modèle.
- Apporter aux institutions gouvernementales des propositions législatives qui favorisent les transitions écosociales nécessaires qui consolident les droits économiques, sociaux et culturels dans les textes constitutionnels, qui protègent nos biens communs dont la gestion et la jouissance sera de façon équitable l’affaire de toutes et tous.
- Participer, encourager et faire connaître toutes les luttes contre la dégradation de l’environnement, particulièrement contre les grands projets d´investissement de l’industrie fossile, et contre la privatisation des ressources naturelles et des biens communs.
- Travailler activement dans les mouvements d’opposition aux traités internationaux comme le TTIP, CETA, TISA qui portent gravement préjudice à l’environnement, aux relations de travail, à notre santé et à nos conditions de vie en général.
- Soutenir toutes les expériences qui cherchent à construire dès maintenant les embryons d´une économie démocratique, équitable et durable; d´une consommation juste et responsable, d´une culture alternative qui encourage des relations entre les personnes fondées sur l´égalité et l´entraide.
- Aborder la “révolution de notre vie quotidienne”. S´il est vrai que la somme des changements d´habitudes individuelles de consommation ne peut remplacer les transformations structurelles nécessaires, il convient de se rappeler de l´opportune phrase du Mahatma Gandhi: «Vivre simplement pour que d´autres puissent simplement vivre». Cette perspective qui devrait donner la priorité à l´être plutôt qu’à l´avoir devrait nous aider d´une part à nous détacher des pratiques moins durables afin de promouvoir celles qui sont saines et écologiques, et d´autre part à assumer de manière égalitaire les soins et l’attention aux personnes.