Le mouvement LGBT étasunien vient de remporter, début avril, une victoire significative. Les gouverneurs et législateurs des états de l’Indiana et de l’Arkansas ont été forcés de faire marche arrière et de modifier des lois discriminantes à l’encontre des couples gays et lesbiens.
La controverse opposait la liberté religieuse aux droits LGBT. Alors que de plus en plus d’états reconnaissent l’égalité des droits face au mariage – 37 des 50 états autorisent désormais les mariages pour des couples du même sexe – certains états conservateurs ont fait passer des lois en faveur de la liberté religieuse qui, sous couvert de protection des droits religieux, revenaient à créer une discrimination envers les couples gays et lesbiens. La législation actuelle sur la liberté religieuse est basée sur une loi fédérale de 1993 appelée « Religious Freedom Restauration Act », à l’origine destinée à protéger les pratiques religieuses des indiens d’Amérique, notamment par rapport à l’usage de substances telles que le peyotl.
Les conservateurs ont par la suite utilisé ces lois au niveau des états non pas dans le but de protéger les droits des populations indigènes, mais bien afin de protéger les chrétiens évangéliques opposés au mariage entre homosexuel-le-s. Avec une telle législation, des particuliers ou des entreprises se voient exemptés de l’obligation de servir des personnes LGBT. Par exemple, un boulanger pourrait refuser de préparer un gâteau pour un mariage gay. Jusqu’ici, quelque 19 états ont fait passer cette législation pour la liberté religieuse, cherchant à dresser un mur de plus en plus imperméable entre les évangéliques et le mouvement LGBT.
Front large de lutte pro-LGBT
Mais il est désormais clair que les temps ont changé. Lorsque la législation a été instaurée dans l’Indiana et que son gouverneur républicain, Michael Pence, a signé une loi autorisant la discrimination de la part d’entreprises privées, le mouvement LGBT s’est fortement mobilisé à son encontre. Au même moment, le gouverneur de l’Arkansas, Asa Hutchinson, issu lui aussi des rangs républicains, modifiait la législation dans le même sens, et a fait face à une réaction similaire de la part des organisations LGBT. Celles-ci ont baptisé ces nouvelles lois de « permis de discriminer » et ont immédiatement organisé des mobilisations dans l’Indiana et l’Arkansas, parvenant à porter le débat au niveau national. Les organisations LGBT, Lambda Legal, la Americain Civil Liberties Union, et la Human Rights Campaign se sont unies sur le plan légal ainsi que sur le terrain de la mobilisation, rejointes par de nombreuses organisations LGBT locales ainsi que des militant-e-s de base.
L’immense soutien rencontré dans tout le pays en faveur du mouvement LGBT et du mariage pour tous a été une belle surprise. Basé dans l’Indiana, le National Collegiate Athletic Association, en charge de l’organisation des évènements sportifs universitaires, a par exemple apporté son soutien, revendiquant son engagement en faveur de la reconnaissance des athlètes LGBT. Il a été rejoint dans cette démarche par le National Basketball Association et le Women’s National Basketball Association.
De nombreuses entreprises, sous pression depuis des années face à la menace de boycotts du milieu LGBT, ont également manifesté leur opposition à ces nouvelles lois. Elles ont demandé à ce qu’elles soient révisées afin d’assurer qu’elles ne discriminent pas les personnes LGBT. Dans l’Indiana, Apple, Angie’s List, Eli Lilly, et Anthem font partie de ces grandes entreprises ayant publiquement dénoncé les législations en faveur de la liberté religieuse. Dans l’Arkansas, Acxiom, Apple, et Wal-Mart – premier détaillant du pays – ont également rejoint l’opposition contre ces lois.
Le long chemin vers la conquête des droits
Sous la pression du mouvement LGBT, rejoint par certaines entreprises et soutenu par un public large, les gouverneurs Pence et Hutchinson ont été contraints de réviser les législations de leurs états respectifs, afin de protéger les droits des personnes LGBT. Cette puissante mobilisation et le retrait rapide des conservateurs signifient probablement la fin de ce genre de procédés, au moins durant cette saison législative. Cette impressionnant victoire est la dernière expression en date d’une décennie de succès pour le mouvement en faveur du mariage pour tous. En 2004 avait lieu le premier mariage gay aux Etats-Unis ; aujourd’hui plus des deux-tiers des états l’autorisent. En 2004, seulement 30% des étasunien-ne-s approuvaient le mariage entre personnes du même sexe ; aujourd’hui, selon un récent sondage, ils s’élèvent à 59%. Le soutien au mariage gay, même s’il reste encore minoritaire, a également progressé chez les conservateurs et républicains, tandis que 74% des démocrates l’approuvent. Par ailleurs, près des trois-quarts des jeunes entre 18 et 35 ans y sont favorables.
Au sein du mouvement LGBT, des voix se sont élevées à gauche pour critiquer l’importance accordée au mariage pour tous, dénonçant une adhésion aux valeurs conservatrices du mariage, de la famille et de la religion. Reste qu’on ne peut nier l’impact énorme du mouvement LGBT, et de la mobilisation en faveur du mariage pour tous, sur la société étasunienne. Au cours des dix dernières années, il a permis de gagner des batailles légales ainsi qu’une influence politique comparable au mouvement des droits civils dans les années 1960 ou encore aux luttes féministes des années 1970. Les droits LGBT face au mariage ont désormais été institutionnalisés par des lois et des décisions de tribunaux, et ils ont opéré un changement dans l’opinion publique sur lesquels il sera désormais difficile de revenir en arrière.
* Article à paraître dans le prochain numéro de « solidaritéS » (Suisse).
* Traduction et intertitres de la rédaction de « solidaritéS ».
Source : ESSF