Les élections législatives qui ont eu lieu le 7 octobre 2016 ont été remportées par le Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste monarchiste) qui a obtenu 125 députés, contre 102 à son principal rival, le Parti Authenticité et Modernité (PAM, libéraux monarchistes), sur un total de 395 sièges.
Le roi Mohamed VI vient de nommer Abdelilah Benkirane du PJD comme chef de gouvernement pour un second mandat. Ces élections se sont tenues sous la houlette d’un monarque qui a façonné une constitution lui décernant tous les pouvoirs. Elles ont un rôle de conférer une légitimité politique à cette monarchie de droit divin. Elles permettent aussi d’intégrer les élites dans un système qui contrôle le politique et l’économique par la répression et la cooptation.
Les partis politiques en lice sont tous des partis libéraux monarchistes qui s’attellent à gérer la politique du régime et les diktats des bailleurs de fond. La Fédération de la gauche (coalition de trois partis de gauche sociale-libérale) réclame une monarchie constitutionnelle sans aucune perspective de changement. Et le mode de scrutin est un scrutin proportionnel à plus fort reste avec un mécanisme de découpage qui accentue la balkanisation de la scène politique. La loi organique relative aux partis politiques en vigueur garantie la sacralité de la monarchie.
Le régime avait mené auparavant une campagne de sensibilisation pour garantir une participation forte en insistant sur l’exception marocaine. Mais les citoyens et les citoyennes ont été plutôt indifférents à cette mascarade qui occultait leurs préoccupations sociales urgentes, cela d’autant plus que la crise capitaliste mondiale accentue la dépendance du pays et la détérioration des conditions de vie de la population.
En recherche d’alternatives concrètes
Ces élections viennent aussi dans un contexte de recul de la dynamique de masse initiée par le Mouvement du 20 février qui réclamait la liberté, la justice sociale et la dignité. Par des concessions, la monarchie a réussi à reprendre l’initiative et contenir la colère populaire dans un cadre de paix sociale relative. Elle a surtout été aidée par les directions syndicales et aussi par le contexte de contre-révolution dans la région. Et si les luttes sociales ne cessent pas contre les offensives sur les acquis historiques, elles sont éparpillées et souffrent d’un manque de centralisation pour constituer un rapport de forces.
Le taux d’abstention élevé (55 %) reflète le dédain d’une grande partie des masses pour ce jeu démocratique. Mais cette exaspération généralisée manque d’alternatives concrètes et se limite à l’illusion que le roi pourra quand même résoudre nos problèmes si on le laisse faire. Cela nécessite un travail de conscientisation pour élever le niveau politique de classe et initier des luttes sociales qui permettront de remettre en cause le caractère despotique de la monarchie et son système de pillage. C’est bien le rôle de la gauche radicale qui n’a pas encore assez d’implantation et de poids politique pour peser sur le cours des luttes. Une partie continue à boycotter ces élections mais sans grand écho, étant donné le bas niveau de conscience politique des masses. On le voit bien dans le grand nombre de votes obtenus par les islamistes du PJD, cela malgré le fait que le gouvernement, présidé par le chef de ce parti, en place depuis 2011, a assumé directement l’exécution d’un ensemble de mesures qui ont détruit le pouvoir d’achat telles que le démantèlement de la Caisse de compensation, l’augmentation de la pression fiscale et le gel des salaires. Le chômage et le nombre de pauvres ont augmenté.
Ces élections démontrent une fois encore la nécessité urgente d’un pôle de gauche radicale qui s’appuie sur les résistances des salariéEs et des classes populaires pour s’implanter dans les syndicats et dans tous les mouvements sociaux en lutte, avec un programme de transformation radicale de la société et n’utilise les élections que dans un but d’éducation et sensibilisation de la classe ouvrière dans une perspective d’alternative socialiste.
Jinan Nader
(militant du courant alMounadil-a au Maroc)
Source : NPA