Sit-in de solidarité avec Mounjib Maâti à Rabat.
Depuis début octobre 2015 l’Etat marocain autoritaire achemine Maâti Monjib vers une mort imminente. L’Etat a sciemment choisi d’ignorer sa grève de la faim pour la défense de ses libertés de circulation et d’expression, ce qui met sa vie directement en danger, s’agissant d’une personne diabétique avec des antécédents cardiaques.
Depuis un certain temps toutes les formes d’activité exercées par Monjib font l’objet d’incessantes intimidations : que ce soit par l’interdiction de l’association qu’il préside « Liberté maintenant », ou le harcèlement des activités de l’Association marocaine pour le journalisme d’investigation (AMJI), au point de mettre en prison son directeur, Hicham Mansouri, sous prétexte de « complicité d’adultère ».
Monjib est historien auteur d’une thèse sur l’histoire politique du Maroc à l’époque cruciale de la mise en place des fondements du despotisme, celle de 1955-1965. Son titre en est « La Monarchie marocaine et la lutte pour le pouvoir : Hassan II face à l’opposition nationale, de l’indépendance à l’état d’exception »[1].
Lors des années Driss Basri[2], le ministère de l’Intérieur avait même interdit la publication de chapitres de cette thèse dans un journal marocain. Cette thèse est préfacée par l’écrivain français Gilles Perrault, à qui l’on doit « Notre ami le roi », livre percutant qui a ouvert une brèche dans le mur sombre de la tyrannie politique au Maroc.
Il convient de mentionner que cette thèse a été notamment dédiée à l’Association marocaine des droits l’Homme (AMDH), à l’Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM), et au jeune martyr Abdelhak Chabada, en ces termes : « A mon ami qui s’est enlevé la vie à l’âge de 28 ans, Abdelhak Chabada ».
Aujourd’hui Monjib subit l’oppression tout comme l’Association marocaine des droits de l’Homme que le régime étrangle en la soumettant à diverses formes de tracasseries et d’interdiction. Il partage aussi le malheur qui s’abat sur les militants de l’Union nationale des étudiants du Maroc, qui sont soumis aux procès, à l’emprisonnement, à la répression ainsi qu’aux assauts des forces de répression contre les universités. Il se trouve, en plus de tout cela, contraint d’observer une grève de la faim à l’instar de nombreux militants du champ universitaire au cours des dernières années.
Monjib avait également collaboré à l’écriture de la biographie de Mehdi Ben Barka [Publications Michalon, 1996] aux côtés de la journaliste de gauche Zakya Daoud, qui elle aussi avait fait l’objet de tracasseries et a dû fermer l’une des principales tribunes de gauche, à savoir la revue Lamalif.
Monjib agace le régime de la tyrannie avec sa plume et ses activités, doté en plus d’une vraie crédibilité de défenseur des libertés, des droits de l’homme et de la démocratie. Et cela d’autant plus qu’il publie dans la presse étrangère anglophone.
Monjib irrite le régime à cause des efforts intellectuels déployés dans le cadre du Centre Ibn Rochd. Ce centre était le premier qui a fait connaître au Maroc, et peut-être dans toute la région arabe, la pensée de la militante marxiste révolutionnaire américaine d’origine russe et secrétaire de Trotski dans les années 1930 [Raya Dunayevskaya, NdT], en traduisant en arabe son texte « Marxisme et Liberté ».[3] Il poursuit toujours ses efforts de traduction de la pensée radicale. Le centre a été la cible de harcèlement et d’interdiction ce qui l’a forcé à se dissoudre en novembre 2014.
La contribution de Monjib dans la presse intéressée par l’histoire du Maroc est centrée sur les penseurs de gauche et l’histoire des luttes au Maroc.
Lorsque la rue marocaine s’est mise à bouger sous l’effet du processus de lutte qui a traversé la région en 2011, Maâti Monjib était membre du Conseil national de soutien au Mouvement du 20 Février.
La tyrannie ne supporte pas les véritables voix de l’opposition. Elle ne supporte d’ailleurs même pas celles provenant de positions libérales. Ceux-ci ne mettent pourtant pas en cause le système du capitalisme dépendant au Maroc. Nombreux sont les opposants qui se situent pourtant très loin du socialisme révolutionnaire — partisans qu’ils sont d’une monarchie « rationalisée » qui protège le capitalisme dépendant et apporte plus de démocratie formelle au pouvoir des détenteurs des capitaux. Ceux-ci font néanmoins l’objet de persécutions. Parmi les plus connus d’entre eux on peut citer le journaliste Aboubakr Jamaï et Ali Anouzla.
L’autoritarisme étouffe toute personne qui ne chante pas les louanges de la démocratie hassanienne[4]. D’autres intellectuels enfermés dans leur tour d’ivoire, qui n’ont rien à voir avec les organisations de lutte ouvrières et populaires, mais qui tiennent beaucoup à leur indépendance vis-à-vis du régime, furent eux aussi vus de très mauvais œil par ce dernier qui les harcèle et tend à les réduire au silence.
Pour arrêter ses adversaires, le régime se sert de toutes sortes d’alibis non politiques puisqu’il ne trouve pas de justifications politiques convaincantes pour l’opinion publique (notamment à l’extérieur du pays).
Dans le cas de Monjib, l’Etat alimente la suspicion d’irrégularités financières au centre Ibn Rochd. Une manœuvre qui ne trompe personne. Qui ignore encore que cet Etat avec ses services de renseignements très efficaces laissent sévir les pilleurs dans plusieurs associations de ladite société civile mais font pression sur Monjib pour qu’il s’aligne dans le rang des flagorneurs, qui veulent accumuler des richesses.
La solidarité avec Monjib est un devoir primordial pour tout défenseur des libertés et de la démocratie, Son état met toutes les organisations militant pour les droits humains, syndicaux et politiques, devant l’examen de leur fidélité à leurs principes fondateurs.
La vie de Monjib est en danger !
Ce qui reste de nos libertés est en danger !
Solidarité avec Monjib !
A bas la tyrannie !
Almonadil-a (Maroc)
Le 25 octobre 2005
Traduction de l’arabe par Rafik Khalfaoui
Source : http://www.almounadila.info
Notes :
[1] Monjib Maati,« La Monarchie marocaine et la lutte pour le pouvoir : Hassan II face à l’opposition nationale, de l’indépendance à l’état d’exception, préface de Gilles Perrault. L’Harmattan, Paris, 1992 (NdT).
[2] Ancien puissant ministre de l’Intérieur du roi Hassan II pendant un quart de siècle, dont le nom a été fortement associé aux années de plomb. Mort à Paris, en France, le 27 août 2007.
[3] https://www.marxists.org/francais/dunayevskaya/works/1957/09/preface.htm
[4] La démocratie de Hassan II, celle qui a entériné son pouvoir quasi absolu! (NdT).