« L’Office des Etrangers veut que, sur sa demande, et sans mandat d’un juge, la police puisse effectuer une descente dans un logement pour ramasser les sans-papiers qui n’ouvrent pas leur porte »
Non, ce n’est pas un hoax.
Actuellement, les agents de police ne peuvent pas entrer dans un logement privé sans l’autorisation de l’occupant. Si on ne leur ouvre pas la porte, il leur faut le mandat d’un juge.
Geert de Vulder, porte-parole de l’’Office des Etrangers, trouve cette procédure « inefficace et chronophage » et veut sa suppression. Et Theo Francken, secrétaire d’Etat à la migration et à l’asile, a annoncé qu’il compte présenter un projet de loi en ce sens en mars-avril.
Le plus effrayant, c’est de penser qu’il pourrait aboutir en surfant sur les vagues du racisme, du repli sur soi, de l’indifférence et de la résignation des gens.
Il faut savoir que l’Office des Etrangers se met déjà depuis longtemps au-dessus des lois
En Belgique, un juge ne peut envoyer quelqu’un en prison que dans des conditions bien précises en justifiant la nécessité de cette arrestation avec un mandat d’arrêt. Mais l’Office des Etrangers peut faire enfermer des gens parce qu’ils n’ont pas ou plus de permis de séjour, alors qu’ils n’ont commis aucun délit. Cela arrive même à des personnes installées en Belgique depuis longtemps, qui travaillent régulièrement et ont entrepris des démarches dans l’espoir d’obtenir la nationalité belge.
Il faut aussi savoir que lorsqu’une personne demande l’asile en Belgique, son dossier est traité par des fonctionnaires. Si sa demande est rejetée, elle reçoit un ordre de quitter le territoire avant une date déterminée. Elle est alors considérée comme « illégale » si elle est encore en Belgique après cette date. Elle peut introduire un recours contre la décision négative auprès du Conseil du Contentieux des Etrangers où son dossier sera traité par un juge. Le Conseil fixe la date de l’audience. Et il arrive que si le Conseil fixe la date au 18, la personne soit mise sur un avion…le 16.
Il est particulièrement grave que des fonctionnaires puissent ainsi décider du sort des personnes en s’arrogeant des droits que les magistrats n’ont pas. Et qu’ils se moquent des juges et des recours.
Et le respect des droits humains et des droits démocratiques ?
Son recours ne protège donc pas la personne contre une arrestation. Voilà des années que ça dure, mais quand on parle de ces procédés de l’Office des Etrangers et qu’on demande où vont le respect des droits humains et de la démocratie dans notre pays, la grosse majorité des gens se croient protégés par « les lois » et leur confortable statut de Belges.
La seule protection des étrangers menacés d’expulsion est donc l’inviolabilité du domicile, garantie par l’article 15 de la Constitution Belge. L’Office des Etrangers et Francken veulent l’abolir. Dame, il faut bien arriver aux chiffres de rapatriements, volontaires ou forcés, fixés par le gouvernement.
La machine à expulser turbine à vitesse supérieure, les vols collectifs d’expulsés se multiplient, mais il faut encore faire mieux. Et pour ça, ne plus perdre de temps avec ceux qui ne veulent pas partir et qui invoquent des raisons que le fonctionnaire en charge du dossier avait considérées comme des prétextes ou des motifs insuffisants pour accorder l’asile. Francken a donc l’intention d’ introduire une proposition de loi en mars ou avril, il l’a dit à Radio 1 de la VRT, en insistant sur le fait que « ce gouvernement aura un respect absolu de la vie privée des personnes ». Sic !
On se demande comment il pourrait réussir ça…
Il y a des étrangers qui vivent en couple avec une Belge et d’autres qui logent chez des Belges, comment les policiers pourraient-ils aller les prendre sans violer le droit d’une personne belge qui leur aurait refusé l’accès à son domicile sans mandat d’un juge ?
Ce projet est grave pour le respect des droits humains (art. 8 de la charte européenne des droits de l’homme) et de la Constitution belge (article 15). Ne plus tenir compte de ces articles serait un dangereux précédent. Quand une petite brèche est faite dans un mur, elle peut s’agrandir. Après les sans-papiers, à qui le tour d’être dans le collimateur ?
Et ne comptons pas sur la peur d’une sanction pour limiter les dégâts éventuels.
La Belgique a déjà été condamnée quelques fois par la Cour de Justice Européenne (qui siège à Strasbourg) pour des violations des droits humains commises par l’Office des Etrangers. Elle a même eu une condamnation sévère et unanime – ce qui est exceptionnel –pour le traitement inhumain et dégradant infligé à un enfant, dans l’affaire de la petite Samantha, qui avait 5 ans au moment des faits. Ça n’a rien changé à la politique de l’Office des Etrangers.
Le projet de l’O.E. et de Francken qui vise à abolir l’inviolabilité du domicile pour les étrangers est-il un cheval de Troie ou un test pour voir jusqu’où la droite peut aller ?
Les mouvements antiracistes, de défense des sans-papiers, et le mouvement ouvrier ont intérêt à préparer dès aujourd’hui la riposte face à ces nouvelles manœuvres racistes et liberticides.
A suivre.