Le 9 octobre dernier, jour où était proclamée la constitution du gouvernement des droites, Michel 1er, la Formation Léon Lesoil, en collaboration avec la LCR, tenait, à Liège, une conférence-débat : « Stop à la régression sociale » !
Devant une 60aine de personnes, France Arets, déléguée syndicale CGSP-Enseignement, militante LCR, allait d’emblée, en tant qu’animatrice du débat, situer le cadre et l’enjeu de cette conférence, et cela, en s’adressant aux trois orateurs : Daniel Richard, secrétaire régional de la FGTB de Verviers, Tony Demonté, secrétaire général adjoint de la CNE et Freddy Mathieu, militant LCR, ancien secrétaire régional de la FGTB de Mons.
Trois questions en débat : Comment organiser et élargir la résistance sociale, à partir des mobilisations syndicales ? Quel programme anticapitaliste d’urgence sociale pour passer de la défensive à l’offensive ? Comment poursuivre la construction d’une force politique anticapitaliste, dont les listes PTB-GO (gauche d’ouverture) représentent un premier jalon à ne pas gaspiller ?
Un terrain balisé pour une droite 100% à droite !
« Depuis le début des années 1980, on est bien loin du pacte social d’après-guerre qui avait établi une répartition plus ou moins équitable des gains de productivité. Depuis les rapports de force ont bien changé. Les patrons, les gros actionnaires ont pris leur revanche ». Et Tony Demonté de mettre l’accent sur « la bataille culturelle », sur cette intoxication, ce « cercle vertueux » et contredit dans la réalité, mais servi comme une soupe à tous les repas : sacrifices, liquidation des acquis = croissance = profits = compétitivité = investissements = emplois !
« Depuis plus de 30 ans, les choses n’ont fait qu’empirer, c’est l’impératif du profit, des intérêts des grands groupes industriels et financiers qui s’est imposé, avec une hausse vertigineuse des dividendes aux gros actionnaires, avec le soutien des gouvernements des patrons ». Et Daniel Richard de constater : « on n’a pas réussi à inverser la tendance. Il est grand temps. Si non, les politiques économiques aberrantes nous conduiront à des situations comme en Grèce, au Portugal, en Espagne… ».
« Ces 30 dernières années, nous avons subi des participations socialistes dans les gouvernements et des régressions sociales à tous les étages, au Fédéral, régional, communautaire ». Et Freddy Mathieu de constater que ce sont des ministres socialistes qui ont avancé les mesures poussant des milliers de chômeur-euse-s en dessous du seuil de pauvreté, jusqu’à l’exclusion du chômage. « A ce propos, continue Freddy Mathieu, la coalition « suédoise » n’a pas du avancer de nouvelles mesures, si ce n’est le travail forcé pour les chômeurs. Le gouvernement Di Rupo avait fait le sale boulot : tripotage de l’index, blocage des salaires, baisse des cotisations patronales, jusqu’à démarcher auprès du patronat européen pour vanter les bienfaits, pour les entreprises, des intérêts notionnels. Le gouvernement Di Rupo a ouvert la voie à un gouvernement des droites, un gouvernement du patronat, de la FEB et du Voka, qui va serrer encore bien plus fort la vis et attaquer de front le mouvement syndical ».
« Il faut faire tomber ce gouvernement » !
C’est le premier point de convergence entre nos trois orateurs syndicaux.
Sur quoi et comment ?
« C’est l’austérité à tous les étages, pas seulement au niveau fédéral, mais aussi au niveau wallon et communautaire » fait remarquer Daniel Richard. Et Tony Demonté d’ajouter : «Le doigt pointé sur les violentes attaques de la coalition des droites au fédéral ne doit pas servir de paravent pour camoufler les politiques dites de « centre gauche » au niveau wallon. Là aussi, c’est de la rigueur ou l’austérité, comme on veut ».
BASTA : il faut barrer la route aux attaques, aux mesures intolérables du gouvernement Michel 1er : saut d’index, recul de l’âge de la retraite, destruction massive d’emplois, renforcement de la chasse aux étrangers, démantèlement de la sécurité sociale, maintien des mesures de dégressivité et de limitation dans le temps des allocations de chômage, avec le travail « forcé » en supplément, etc. Comme l’a dit Tony Demonté, «Au-delà de ces mesures « choc », on va découvrir dans ce programme gouvernemental les pires choses, celles dont on parle le moins ».
Les trois orateurs insistent sur l’importance de relier cette lutte défensive à un programme, des revendications d’urgence sociale, répondant à des besoins concrets des travailleurs, de la population. « Les grands mouvements, ça fonctionne quand les travailleurs, les gens voient qu’on peut aller chercher quelque chose, quand il y a des alternatives concrètes », souligne Freddy Mathieu. Et d’ajouter : « Nos congrès syndicaux regorgent de propositions, de revendications votées par applaudissement, comme cela s’est encore passé au dernier congrès de l’interrégionale wallonne de la FGTB ».
Il en fut par exemple de la résolution proposée par la Centrale Jeunes FGTB, demandant « la réduction collective du temps de travail à 32 heures, sans perte de salaire : une solution juste, durable et solidaire pour créer des emplois pour la jeunesse ». Cette revendication est avancée, également depuis des années par la CNE, comme l’a rappelé Tony Demonté.
Daniel Richard était bien placé pour soulever la question salariale : « Qu’est-ce qui va se passer, alors qu’après deux années de blocage des salaires, on apprend que ce nouveau gouvernement, non seulement va continuer le gel des salaires, mais y ajouter un saut d’index ? Croyez-vous que les travailleurs vont rester les bras croisés ? ».
C’est que la FGTB de Verviers, dont Daniel Richard est le secrétaire régional, a lancé une opération Vérité. Elle a fait savoir publiquement le chiffre d’affaires, les bénéfices et les dividendes distribués aux actionnaires pour l’ensemble des entreprises, dont le siège social se trouve en Belgique. Cela donne pour l’année 2012 : chiffre d’affaires (786 milliards d’euros ; une évolution de 21% depuis 2009)) ; bénéfices (59 milliards d’euros ; un recul de 7,3% par rapport à 2009 pour l’ensemble du pays, mais en Wallonie, les profits ont augmenté de 3,5%, entre 2009 et 2012) ; les dividendes : 45,3 milliards d’euros, soit une progression de 13,7% par rapport à 2009). Sans commentaires !
Marcher sur les deux jambes !
Un large front social
« Nous devons créer un front social le plus large », souligne Freddy Mathieu. Et Tony Demonté de préciser : « C’est le mouvement syndical qui doit être à l’initiative ; il est le meilleur véhicule pour déclencher la mobilisation, pour rallier le mouvement associatif et toutes les catégories, victimes de l’austérité et de la régression sociale ».
« Il nous faut retisser des liens forts au niveau du front commun syndical », ajoute Daniel Richard.
Face à cette offensive musclée et arrogante du patronat et de son gouvernement fédéral, mais aussi en présence d’un PS et d’un CDH qui, au-delà des critiques véhémentes à l’égard de Michel 1er, vont appliquer l’austérité, en toute légalité et avec le respect de l’engagement vis-à-vis des instances européennes, la mobilisation en front commun syndical, au niveau local, régional, national est aujourd’hui déterminante.
La mobilisation ! Des propositions furent évoquées par les orateurs et dans le débat : accent sur une large opération Vérité, avec explication des mesures décidées et déjà prises au niveau fédéral, Régional et Communautaire ; multiplication des actions « coup de poing » ; grèves limitées, avec manifestation, etc. Tout cela dans un plan d’action concerté et en gradation.
C’est Tony Demonté qui allait rappeler, qu’en 1977, le gouvernement Tindemans avait été chassé par des « grèves des vendredis », associant, chaque semaine et en front commun syndical, une province wallonne et une province flamande.
La construction et l’élargissement d’une force politique anticapitaliste
« Il ne faut pas se faire d’illusion sur la volonté et la capacité du PS de mener une véritable opposition au gouvernement Michel1er », prévient Freddy Mathieu. « Pourquoi le PS vient –il de plaider pour la relance de l’Action Commune Socialiste, unissant le Parti, la FGTB, la Mutuelle…) ? Pour accommoder le syndicat à sa sauce, pour qu’il ne gêne pas sa stratégie politique ? Il faut inverser la courroie de transmission entre partis et syndicats ».
Le mouvement syndical a besoin de relais politiques, de partis qui défendent leurs revendications, leur programme, leur projet d’une société non capitaliste et non des partis, comme le PS, qui se sont convertis aux dogmes néolibéraux de la compétitivité, des privatisations…
Freddy Mathieu resitue l’importance de l’Appel du 1er mai des instances de la FGTB de Charleroi qui, tout en soulignant le rôle du syndicat comme contre-pouvoir indépendant de tout parti politique, estime urgent de pousser activement à l’apparition d’une nouvelle force anticapitaliste sur le champ politique et électoral. « Cet appel a suscité une première concrétisation sur le terrain électoral, avec les listes PTB-GO (gauche d’ouverture) », rappelle Freddy Mathieu. «IL ne faudrait pas, aujourd’hui, sacrifier cela au nom d’intérêts d’organisation. Je peux vous dire, ajoute-t-il, que des syndicalistes, des délégués et des permanents de la FGTB, dans le Hainaut en particulier, qui ont soutenu la liste PTB-GO lors des dernières élections, s’adresseront aux directions du PTB, de la LCR et du PC pour que ce rassemblement du PTB avec la Gauche d’Ouverture continue et s’élargisse ».