Munif Mulhem, syrien de gauche, dit qu’aucune éventualité n’est rose, mais que la chute du régime est ce qu’il y a de mieux pour l’avenir de la Syrie.
30/1/2013, Damas […]
En tant que cofondateur et ex-dirigeant de la Ligue d’Action communiste, peut-on dire que la Ligue aujourd’hui est rattrapée par une révolution « dominée par les islamistes » comme c’était le cas lors des événements des années 80, puisqu’on dit que la Ligue s’est tenue aux côtés des islamistes dans leur lutte ?
Il y a une génération qui a des impressions erronées car la Ligue d’Action communiste avait une vision claire. Avant ce qu’on a appelé l’explosion de « l’artillerie » (Alep 1978), le régime accusait l’Irak de fomenter des troubles en Syrie. Ensuite, le régime a déclaré que les « frères musulmans » étaient responsables des opérations. Mais auparavant, le journal du parti avait publié un article qui disait que la lutte se jouait entre le régime et les islamistes, et que le régime en avait jeté les bases indirectement par la confessionnalisation des institutions de l’Etat initiée dans les années soixante-dix. Nous en tant que Ligue, avions forgé le concept des « Alis »[1] pour désigner des dizaines de Alis au pouvoir tels Ali Douba, Ali Mamluk, et autres. Nous nous attendions à ce que ceci soit catastrophique pour l’avenir de la Syrie car cela confessionnaliserait l’Etat » et compliquerait le cheminement démocratique. Nous pensions que la chute du régime à cette étape de 1979passerait par la constitution d’un front incluant toutes les forces démocratiques permettrait de sortir de la dictature et éviterait à la société une lutte confessionnelle. Mais en 1980, le mouvement religieux a pris une dimension plus importante, qui s’est traduit par la fermeture des villes, notamment Hama et Alep. Les assassinats et les affrontements armés se sont multipliés. A cette étape, le régime a semblé ébranlé et c’est alors qu’est apparue une divergence dans le parti entre un courant qui a poursuivi l’action pour abattre le régime et un autre courant qui disait qu’il fallait geler le slogan de la chute du régime, considérant que sa réalisation se ferait dans l’intérêt des forces religieuses et que nous étions en face d’un courant religieux-fasciste…
Le résultat en a été que nous avons échoué à constituer une coalition populaire démocratique en raison de la position du reste des forces politiques qui ont rejoint le courant religieux dans sa lutte contre le régime et qui se sont exprimées par la déclaration de mars : le communiqué de l’alliance nationale démocratique qui regroupait alors toutes les forces politiques à l’exception de la Ligue d’Action Communiste, Riyad Turk ayant mis son véto sur notre parti.
Fondamentalement, la coalition nationale démocratique courtisait les forces religieuses qui lui ont répondu par un communiqué « Communistes, rentrez dans vos terriers ». En 1980 notre parti a troqué le slogan de chute du régime par celui de « Défaire la dictature et défaire l’axe réactionnaire noir ». Le parti d’Action de maintenant reprend la même position qu’à cette époque, de soutien à la révolution et hostile et aux forces qui occupent la direction de la révolution, car ce sont des forces réactionnaires. En parallèle le parti maintient sa position hostile au régime. Il faut ici mentionner que les partis et les autres forces ont tenté de salir le parti à travers une rumeur que la ligue d’action communiste avait rejoint le régime tandis que le régime faisait courir la rumeur que la Ligue était avec les courants religieux dans leur lutte.