Vous soutenez la révolution syrienne aujourd’hui en dépit du fait que les slogans lancés par la rue, selon certains, ne correspondent pas à la gauche dont le Parti d’action communiste est une des composantes les plus importantes.
Au début de la révolution, le mouvement n’avait pas de caractère religieux, mais un caractère populaire. C’était une révolution non politisée et ses slogans étaient la liberté, la dignité et la fin du régime. Elle n’avait pas de caractère confessionnel et tous y ont participé, à différents degrés. Ce qui a été essentiel c’est qu’il s’est agit d’une révolution rurale qui s’est issue de zones unifiées confessionnellement. Mais la mesure qui a joué un rôle décisif pour la confessionnaliser est venue du régime, à savoir la prise au piège des manifestations par les meurtres, les coups de feu, l’interdiction de rassemblement sur les places publiques qui rassemblaient toutes les franges de la société. Elles se sont alors repliées dans les quartiers et les ruelles, où elles sont devenues uni confessionnelles. La manifestation qui s’est tenue Place de l’Horloge à Homs est un exemple de ce mouvement mixte, mais le massacre perpétré alors par le régime a fait que les manifestations se sont repliées dans les quartiers et ont pris une tournure confessionnelle. Le régime était obsédé par l’interdiction des manifestations sur les places publiques, surtout dans les grandes villes.
On peut dire que les slogans depuis le début du mouvement, et jusqu’à la fin de l’année dernière, était des slogans patriotiques, mais ensuite, le caractère armé a pris le dessus et ils sont devenus anodins par rapport aux opérations militaires sur le terrain. Ce qui a contribué à cette opération c’est le régime d’une part qui a tenté de doter la révolution d’une dimension confessionnelle, et d’autre part des composantes de l’opposition. Des forces de l’opposition ont joué sur cette corde aussi, certains ont contribué à la confessionnalisation de la révolution car ils ont une orientation confessionnelle dès le départ tandis que d’autres ont pensé que c’est mieux pour la révolution et qu’il faut utiliser l’appartenance religieuse de façon pragmatique, pour parvenir à abattre le régime. Ajoutons à tous ces éléments que les mesures du régime et l’attitude des minorités, par leur faible participation à la révolution, ont renforcé cette tendance dans l’opposition, qui était ce que voulait le régime.
Avec la suprématie des opérations militaires sur la voix politique en Syrie, quel est l’espace où peut évoluer la jeunesse qui croit en la révolution et qui n’est pas convaincue de la solution militaire jusqu’à maintenant ?
Depuis le début, j’affirme qu’il n’est pas possible d’abattre ce régime de façon pacifique, à cause de sa structure et de celles de ses appareils de sécurité et militaires, sans parler du projet de confessionnalisation concocté par le régime depuis 1980, profitant du conflit avec le mouvement des Frères musulmans. Rien qu’en vingt ans de pouvoir il est parvenu à créer une conscience déformée chez les minorités : elles sont ciblées et si le régime n’était plus là, leur protection disparaîtrait avec lui. Ce qui a joué aussi c’est l’absence de forces politiques, due à la répression du régime depuis les années 80. Une génération est arrivée qui n’avait devant elle ni forces politiques, ni religieuses, ni démocratiques mais avec la machine confessionnelle du régime, tous ces facteurs ont créé une conscience déformée dans la société. Cette génération s’est repliée dans des minorités et des majorités.
Dans l’opposition il y a deux tendances, l’une d’elles refuse l’idée de l’armement fondamentalement et pense qu’il est possible d’abattre le régime de façon pacifique, représentée par le Comité de coordination entre autres. L’autre tendance estime qu’on ne peut abattre le régime que par les armes. Il est devenu difficile de s’enrôler dans les forces armées de l’opposition puisque la révolution a pris depuis le début une forme locale et populaire. Pour la même raison qui empêchait la jeunesse de participer aux manifestations, il est devenu impossible de s’intégrer à l’action armée.
L’action armée a éclipsé les forces et sous ce vide engendré par l’armement et la lutte violente, il existe un large courant en Syrie laïc et non laïc qui a participé à la révolution. Il souhaite établir un Etat civil, démocratique moderne, fondé sur une constitution moderne dans laquelle les citoyens sont égaux en droits et en devoirs sans discrimination aucune. On peut l’appeler courant de l’Etat civil. Ce courant dans les circonstances actuelles ne trouve aucune occasion de se présenter ou d’entreprendre une action importante influant sur le cours de la révolution avant la chute du régime. Mais ce courant a un rôle important et essentiel dans la détermination de l’avenir de la Syrie après la chute du régime. Il faut lui permettre de jouer ce rôle.