Il y a en Syrie des forces que nous pourrions qualifier de gauche ou laïques et une partie d’entre elles croit que les armes sont la seule voie pour abattre le régime, mais elles sont absentes de l’arène de la lutte armée. Comment expliques-tu cela ?
Comme je l’ai dit au début, le mouvement a pris un caractère populaire et principalement rural. L’armement a besoin du soutien de forces qui convergent avec toi dans les objectifs et les programmes. Cela n’existe pas au niveau régional ou international,- au contraire-, les forces de gauche au niveau régional ou international ont des positions lamentables face à la révolution syrienne et beaucoup d’entre elles sont alliées au régime..
On dit que la révolution a perdu beaucoup de partisans en raison des erreurs commises par certains de ses états majors et en raison de l’absence de projet clair après la chute du régime.
En dépit des aspects négatifs qui ont accompagné la révolution-, et toute révolution en a-, je crois qu’il faut persévérer pour abattre le régime car c’est la seule issue pour sortir du tunnel. Et ce, en dépit du fait que cette chute ne va pas créer une situation rose en Syrie, surtout à cause de l’internationalisation, y compris au niveau régional, de la question syrienne. Mais sa chute est l’issue incontournable même si la situation est ouverte à toutes les possibilités, la pire étant la partition possible, qui fait le jeu de forces régionales, notamment de l’Iran qui voudrait voir l’établissement d’un Etat alaouite allié. Mais le risque de partition n’est pas grand car une grande part des causes de l’intervention des forces régionales et internationales dans la situation syrienne est la tentative d’affaiblir l’Iran et le retrait de ce dernier de façon définitive de la zone. L’autre mauvaise éventualité est la répétition de la dictature sous une forme islamique. Comme je l’ai dit, en dépit de toutes ces éventualités, la chute du régime est le premier pas pour ouvrir la voie devant des bouleversements futurs dont je crois qu’ils seront dans l’intérêt de la Syrie.
Le front Ennusra, accusé de terrorisme par une majorité de franges de la société syrienne et par les Etats Unis d’Amérique, est devenu une composante de la révolution. Des composantes de l’opposition l’ont défendu vigoureusement après l’avoir accusé d’être le valet du régime. Quelle en sera l’impact sur la ligne de la révolution ?
Les problèmes les plus évidents posés à la révolution sont ceux des groupes armés comme le front Ennusra. Dans le cours de la révolution, il a été à l’origine d’attentats qui ont tué des civils, a procédé à des exécutions et des liquidations en série. Sans parler de l’incitation confessionnelle abrupte qui a ébranlé la valeur morale de la révolution. Or la valeur morale a permis à la révolution d’avoir le dessus sur le régime pendant une année environ. C’est un des problèmes dont pâtira la révolution après la chute du régime. C’est pourquoi la critique de ces acteurs et de leurs actions est un devoir moral mais sans oublier l’objectif maintenant qui est de se débarrasser du régime. Tu n’es pas obligé d’embellir ou de couvrir ton allié d’un ton particulier ou de couvrir ses actes s’ils ne sont pas corrects. Je crois que la position des forces de l’opposition, à savoir la neutralité vis-à-vis du Front Ennusra ou de ses semblables correspondait à la période où la révolution n’avait pas de portée confessionnelle. Maintenant, la portée religieuse l’a emporté sur la révolution et les islamistes et quelques opposants qui les ont rejoints ont proclamé leur soutien au Front Ennusra en considérant qu’il repose sur la pensée islamique.
Tu dis que le régime et un partie de l’opposition ont contribué à confessionnaliser la lutte, y a-t-il d’autres parties qui ont poussé en ce sens ?
Nous n’oublierons pas que des médias ont tenté d’en faire un conflit confessionnel, derrière cette tendance il y a la position de l’Iran et du Hezbollah de façon intentionnelle ou non. L’Iran essaiera par tous les moyens de préserver ce régime car tout nouveau régime en Syrie ne lui fournirait ce qui le régime actuel lui offre. Cela ne s’applique pas au Hezbollah, de façon générale, nous avons chez nous un territoire occupé et nous avons besoin de la résistance où qu’elle soit. De même que l’opposition a été acculée à adopter une position conciliante à l’égard du Front Ennusra, elle devra adopter une position conciliante envers le Hezbollah après la chute du régime dans la mesure où il résiste à l’occupation israélienne.